dimanche 3 mars 2013

La folie du roi Marc de Clara Dupont-Monod


«Je m'appelle Marc, je suis roi de Cornouailles et ma femme me trompe. Elle s'appelle Yseut. Derrière son silence, je l'entends ordonner le saccage de ma vie.» 
Le roi Marc : l'oublié du roman fondateur de l'amour en Occident, le mari trompé, roi de misère, qui ne peut qu'assister impuissant à la passion sublime entre Yseut, sa femme, et Tristan, son neveu. Ne méritait-il pas, pour la première fois, de prendre la parole et de dire sa tristesse, sa rage, son amour à lui ? 
Monologue à en perdre le souffle, errance d'un roi seul dans les odeurs d'air salé et de bois brûlé, cavalcades au bord des falaises de Tintagel, choc des armes, folie des mots. Ce monarque médiéval est un homme d'aujourd'hui. 
Avec un lyrisme qui emprunte à la légende toute sa force, Clara Dupont-Monod dit l'amour furieux et doux d'un homme pour Yseut l'infidèle, « au corps de vent, de catin, d'enfant malade ». (Grasset)

Ecrit sous forme d'un monologue, "La folie du roi Marc" s'attache à raconter l'histoire d'amour entre Tristan et Yseut mais narrée du point de vue de Marc, l'époux malheureux et mal aimé d'Iseut : "J'aime une femme que je déteste. J'aime une femme d'une beauté insupportable.".
A lui, Yseut ne dit rien, elle est une poupée de chiffon entre ses mains, mais une poupée qui le fait souffrir : "Derrière son silence, je l'entends ordonner le saccage de ma vie.", et la souffrance, c'est tout ce qu'il reste au roi Marc : "La souffrance est tout ce qu'il me reste de notre histoire. Renoncer à ma douleur, c'est te perdre.".
Parce qu'ils ont bu par mégarde le philtre d'amour destiné au roi Marc pour la nuit de noces, Tristan et Yseut sont liés l'un à l'autre, à la vie à la mort tel des inséparables : "Elle est toute entière habitée par un autre. A la soie, Madame préfère la terre. Aux honneurs d'un roi, la misère d'un banni. Si je suis roi d'un domaine, un vassal règne en maître sur ma femme."; l'un comme l'autre faisant involontairement du mal au roi Marc, alors que pour Tristan il a été un père et pour Yseut un mari somme toute assez conciliant et prompt à pardonner, voire à croire l'espace d'un instant à l'innocence de ces deux êtres.
Pour écrire son roman, Clara Dupont-Monod est restée toujours proche de la légende, et comme le dit le roi Marc, il est vrai que nous ne retenons de cette légende que l'histoire d'amour entre Tristan et Yseut, jamais il n'est question du mari délaissé, trompé, trahi, humilié.
A travers ce roman, il a entière liberté d'expression pour raconter au lecteur son ressenti, les sentiments qui l'habitent, l'amour fou et furieux qu'il porte à cette femme qui pourtant ne cessera de le duper pour mieux rejoindre son amant, le poussant jusqu'à sombrer dans une forme de folie dont seule la mort pourra l'extirper : "J'aime savoir que je n'aurai plus jamais mal, savoir que je ne sais plus rien et qu'il est temps de me taire, et l'on saura, on pourra écrire et dire alors qu'à défaut d'amour, je connais le bruit de sa fuite, ce bruit que l'on s'épuise à vouloir oublier, et qu'à défaut de roi ou d'homme, de pantin ou de maître, de mari ou d'amant, ma fatigue est celle d'un fou.".
Le lecteur compatit avec lui, souffre avec lui, espère aussi lui et, naïvement, croit aussi l'espace d'un instant que peut-être, Tristan et Yseut sont innocents.
Mais uniquement l'espace d'un instant, car ils se révèlent tous deux cruels, manipulateurs, menteurs par arrangement, transcendés par un amour plus fort que la raison et qui les poussent à faire du mal physiquement ou moralement à tout être qui leur barrerait la route.
La plume de Clara Dupont-Monod est d'une poésie sublime qui m'a prise aux tripes du début à la fin et c'est avec ravissement et un énorme plaisir que j'ai lu cette folie dans laquelle sombre le roi Marc, éprouvant sans nul doute plus d’empathie pour lui que pour les amants maudits.

"La folie du roi Marc" de Clara Dupont-Monod fait partie de ces livres qui enchantent dès les premiers mots. Ecrit sous forme poétique, il remodèle la légende de Tristan et Yseut en laissant les amants muets et présentés sous un jour sombre pour mettre en lumière le roi Marc, roi de Cornouailles trompé par sa femme et raillé par sa cour mais superbe dans son honneur et sa dignité.
Un livre et surtout une auteur à découvrir sans plus tarder.

Un grand merci à LiliGalipette pour le prêt de ce livre !

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices

2 commentaires:

  1. Très heureuse que tu aies aimé ce roman qui m'a bouleversée ! :)

    RépondreSupprimer
  2. @ Lili : merci beaucoup pour le prêt du livre et cette belle découverte !

    RépondreSupprimer