jeudi 24 décembre 2015

Marguerite et Julien de Valérie Donzelli



Julien et Marguerite de Ravalet, fils et fille du seigneur de Tourlaville, s’aiment d’un amour tendre depuis leur enfance. Mais en grandissant, leur tendresse se mue en passion dévorante. Leur aventure scandalise la société qui les pourchasse. Incapables de résister à leurs sentiments, ils doivent fuir… (AlloCiné)


La nuit, une forêt, deux personnes qui courent, qui fuient.
Qui se prennent les pieds dans les racines, dont des lambeaux de vêtements sont arrachés par les branches d'arbres.
Les aboiements des chiens derrière, ils sont poursuivis.
Ils n'en peuvent plus, la nuit sera-t-elle leur meilleure alliée ou leur pire ennemie ?
Qui sont-ils ? Qu'ont-ils fait pour en arriver à être pourchassés dans une forêt ?
Pour cela, je ne respecterai pas l'épitaphe de leur tombe en l'église de Saint-Jean-en-Grève : "Ci-gisent le frère et la sœur. Passant ne t'informe pas de la cause de leur mort, mais passe et prie Dieu pour leurs âmes", car mesdames et messieurs, il me faut vous parler de l'histoire de Julien et Marguerite de Ravalet, frère et sœur par le sang, âmes sœurs par le cœur.


Après une scène d'ouverture quelque peu angoissante, le spectateur se retrouve dans le dortoir d'un orphelinat, avec des fillettes qui murmurent entre elles des secrets, car il paraît qu'untel a aperçu Marguerite et Julien au marché, même qu'ils s'embrassaient.
Même qu'ils doivent vivre dans les bois et faire l'amour comme des bêtes.
Même qu'à cet âge, l'imagination des petites filles est débordante, et quoi de plus intrigant que cette histoire d'amour entre un frère et une sœur, recherchés par toutes les polices.
Alors c'est une jeune fille plus âgée chargée de les surveiller qui va leur raconter l'histoire de Marguerite et Julien de Ravalet, les amants maudits.


Valérie Donzelli, elle a l'esthétique chic.
Parce que son film, d'un point de vue traitement de l'image et mise en scène, il claque, il n'y a pas à dire.
Visuellement, il est magnifique, tourné en décors naturels qui plus est, dans le véritable château de Tourlaville.
J'aime, j'aime, j'aime.
Et elle se permet de figer à plusieurs reprises l'image, de tourner autour avec sa caméra avant que la scène ne prenne vie et que les comédiens entrent en action.
J'aime, j'aime, j'aime.
Valérie Donzelli, elle doit aimer relever des défis, dans la vie ça doit être une battante.
Car le scénario de ce film ne lui était pas destiné, écrit par Jean Gruault pour François Truffaut, qui a finalement renoncé au projet.
Il faudra attendre des années pour qu'il soit publié, que Valérie Donzelli le lise et décide d'en faire son prochain film.
Et là aussi, elle va prendre des risques.
Car si l'histoire se passe au dix-septième siècle, le film regorge de nombreux anachronismes (l'hélicoptère, le pull jacquard, la voiture).
Je comprends très bien que cet aspect puisse déranger, ces anachronismes sont là pour simplement donner une dimension intemporelle à l'histoire.
A toute époque l'inceste restera un interdit.
Pourtant, à toute époque il y a eu, il y a et il y aura des incestes.
Le côté décalé est là pour mieux servir le propos du film, et il m'a fait furieusement pensé au "Peau d'âne" de Jacques Demy.
Rien de bien original, me direz-vous, tout le monde y a pensé et l'a dit à propos de "Marguerite et Julien".
Et bien ça aussi j'aime, j'aime, j'aime.
Que dire des acteurs principaux ... Anaïs Demoustier campe une magnifique Marguerite amoureuse de son Julien de frère, elle rayonne, elle y croit à cet amour et elle se bat pour lui. Jusqu'au bout. Jusqu'à la mort.
Anaïs Demoustier a un jeu très juste, c'est une actrice que j'ai beaucoup vu cette année au cinéma et dont je ne me lasse pas.
Quant à Jérémie Elkaïm, je trouve que plus ça va plus il illumine l'écran lorsqu'il est filmé par Valérie Donzelli. Elle est l'une des rares (hormis Maïwenn dans "Polisse") à lui offrir de très beaux rôles, qu'il habite à merveille.
Alors certes il est plus vieux que le véritable Julien (remarquez, cela vaut aussi pour Anaïs Demoustier), mais ce rôle lui va, et lui aussi il résiste, il lutte, puis il cède face à cet amour plus fort que tout.
Je suis un peu plus partagée quant aux seconds rôles, non pas pour le choix des acteurs ou leur jeu mais plus dans le fait qu'ils ne sont à mon goût pas assez exploités.
Les parents de Marguerite et Julien apparaissent par brèves touches, pas assez pour pouvoir exister à l'écran; et que dire de ce frère qui se contente de faire de la figuration et de dire quelques mots.
"Marguerite et Julien" n'est pas un film parfait, mais il s'en dégage une certaine magie, et c'est à mon avis cela qui a échappé à toutes les personnes qui l'ont vivement critiqué, particulièrement au Festival de Cannes où peu de monde a bien accueilli ce film.
J'ai apprécié la touche pop que Valérie Donzelli a su donner à cette histoire d'amour, avec notamment une bande son particulièrement bien choisie et des chansons rock bien modernes.
Alors vive le rock'n'roll, vive Marguerite et Julien et vive Valérie Donzelli !


Valérie Donzelli n'est pas la reine des pommes, loin de là, et c'est main dans la main que je vous invite à découvrir "Marguerite et Julien", son dernier long métrage dans lequel l'amour est déclaré.





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