jeudi 10 décembre 2015

Mon roi de Maïwenn



Tony est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski. Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio. Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré ? Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ? Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer … (AlloCiné)



Le film s’ouvre sur une descente à ski dans laquelle Tony (Emmanuelle Bercot) chute lourdement, sans doute en partie volontairement, ce qui la conduit à aller dans un centre de rééducation où après les interrogations de la psychologue sur la raison de cette excès de vitesse et le lien entre le genou, membre blessé, et la conjugaison du verbe à la première personne du singulier, elle va petit à petit revenir à la vie, rééduquer son membre blessé, et surtout se remémorer son histoire d’amour plus que tumultueuse avec Georgio (Vincent Cassel).


Georgio, Tony l’a rencontré en boîte de nuit où elle était avec son frère Solal (Louis Garrel) et sa compagne Babeth (Isild le Besco), ou plutôt re-rencontré, car elle l’avait vu il y a des années de cela, à une époque où elle travaillait comme serveuse et où Georgio séduisait les filles en les arrosant d’eau avec sa main.
Georgio, Tony va l’aimer, plus que tout, plus que de raison, pendant 10 ans.
Elle va même avoir un enfant avec lui, elle l’avocate qui s’est bâtie une carrière.
Au début tout se passe bien, tout est idyllique, Georgio la rassure après une rupture difficile dans une formidable scène d’après baise où il lui parle crûment, mais sincèrement, de sa chatte ; mais il le lui dit aussi, il n’est pas un connard, il est le roi des connards.
Sauf que pour Tony, ça va se limiter à être son roi, en mettant de côté la partie connard, jusqu’à ce que cette partie de Georgio lui revienne en pleine face, plusieurs fois, la déstabilisant, lui faisant perdre tous ses moyens, la transformant en créature incapable de raisonner par elle-même mais uniquement par le prisme de Georgio.
Georgio va lui en faire voir de toutes les couleurs : se dévouer à son ex suicidaire en imposant sa présence à Tony ; lui demander un enfant et lorsque Tony sera enceinte la délaisser pour habiter plus loin, dans un appartement tranquille où il pourra baiser tranquille ; laisser Tony se bourrer de médicaments en étant enceinte, avec la bénédiction du médecin et à sa demande, pour ensuite le lui envoyer dans la figure lorsqu’elle parlera de divorcer avec lui ; la prendre à témoin devant ses amis pour l’obliger à aller dans son sens.
Plus il la rejette, plus il est exécrable avec elle plus Tony s’accroche, sombre, devant un Solal et une Babeth quasi impuissants qui pourtant le lui disent : Georgio il est toxique, il vaudrait mieux que Tony s’en éloigne.
Mais Tony elle ne veut pas, Tony elle n’a pas attendu toutes ces années pour avoir un enfant pour quitter le père aussitôt après la naissance.
Alors Tony elle continue, elle s’accroche, et puis un beau jour Tony elle se réveille et elle dit stop, ça suffit.
Tony elle chute, se blesse gravement le genou et ce n’est qu’en centre de rééducation qu’elle arrive à se sortir Georgio de la peau.


J’ai beaucoup aimé la façon dont Maïwenn traite cette histoire d’amour toxique, Tony n’est jamais présentée comme une victime tout comme Georgio un salaud.
Il serait exagéré d’utiliser le terme de pervers narcissique pour décrire son personnage, Georgio est un être humain, avec ses qualités et ses défauts, c’est un être solaire qui irradie tout son entourage et le brûle, à commencer par Tony.
C’est l’une des qualités de ce film, je n’ai jamais réussi à détester Georgio, j’ai été fascinée par ce personnage, l’interprétation de Vincent Cassel y étant pour beaucoup, et je comprends très bien ce qu’a pu ressentir Tony.
La dernière scène est à ce titre particulièrement réussie : lorsque Tony revoit Georgio à l’école elle est fascinée par lui, elle ne cesse de le regarder même une fois qu’il est parti alors que lui n’a même pas eu un regard pour elle.
Le spectateur est comme Tony, il regarde fasciné Georgio tellement ce personnage est attirant.
J’ai rarement eu l’occasion de voir Emmanuelle Bercot en tant qu’actrice, elle excelle dans le rôle de Tony et son Prix d’interprétation à Cannes était amplement mérité.
J’ai également apprécié les seconds rôles, même si je trouve que Maïwenn aurait dû donner un peu plus d’importance à Solal.
Il ne s’impose pas vraiment face à sa sœur alors qu’il la voit dépérir face à Georgio.
C’est le seul reproche que je ferai au film : les seconds rôles ne sont pas assez exploités alors qu’ils avaient matière à l’être plus.
Après, ceci trouve peut-être sa justification dans le fait que l’histoire se focalise sur Tony et sa relation amoureuse, la façon dont elle la percevait et non comment elle était perçue par son entourage.
J’aime beaucoup Maïwenn en réalisatrice, elle se renouvelle d’un film à l’autre en abordant des sujets variés, elle innove, elle cherche à faire différent de la fois précédente et en faisant cela elle se met en danger.
J’aime qu’un réalisateur prenne ce risque et ne se cantonne pas à faire ce qu’il a déjà fait par le passé et qui a fonctionné.
D’ailleurs confier le rôle principal à Emmanuelle Bercot c’était plutôt culotté, là encore j’ai apprécié qu’elle sorte des sentiers battus pour son casting.
Tout comme elle offre selon moi à Vincent Cassel l’un de ses meilleurs rôles de ces dernières années.
J’apprécie aussi le travail de Maïwenn, sa façon de filmer et de diriger ses acteurs.
Pour être tout à fait honnête, je dois même confesser que je deviendrai presque actrice rien que pour pouvoir tourner avec Maïwenn (i.e. si j’étais actrice, Maïwenn ferait partie de la liste des personnes avec qui j’aurais envie de tourner. Notez que ça marche aussi si j’étais scénariste.).


Quand je suis partie voir ce film, je sifflotais "Toi, toi mon toit/Toi, toi mon tout mon roi" ; quand je suis ressortie de la séance je sifflotais encore cet air mais avec un regard différent sur son sens.
"Mon roi" est un film que j’ai beaucoup apprécié et qui décortique très bien l’anatomie d’une histoire d’amour qui a mal fini.
A quand le prochain film de Maïwenn ?


Pour ce film, Emmanuelle Bercot a reçu le Prix d’Interprétation Féminin au Festival de Cannes 2015.









2 commentaires:

  1. J'ai hésité à aller le voir et puis j'ai eu peur, parce que trop souvent les films de Maïwenn m'agacent. Même si les acteurs sont bons, pour moi Maïwenn se regarde trop filmer, et son scénario patine trop souvent...
    Peut-être qu'à la faveur d'une rediffusion je me laisserais tenter?

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    1. Effectivement, si tu n'apprécies que moyennement le cinéma de Maïwenn mieux vaut attendre une diffusion à la télévision car c'est dans la veine de ce qu'elle a fait auparavant. Par contre les acteurs sont vraiment super !

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