samedi 29 décembre 2012

Le livre des nuages de Fabienne Loodts


"Le Livre des Nuages" raconte le séjour de deux ans de Tatiana, une jeune mexicaine qui s'exile à Berlin. 
A travers les rencontres et les expériences qui émaillent le séjour du quotidien de la jeune fille, on découvre Berlin, une ville où le passé se mélange étrangement au présent. 
 Solitaire, loin des siens, Tatiana en chaîne les petits boulots jusqu'à travailler pour Herr Weiss, un vieil universitaire qui étudie la "mémoire des lieux". En mission pour lui, elle rencontrera un jeune météorologue  qui a grandit dans l'est de Berlin, derrière le mur...  (Warum)

"Le livre des nuages" est un roman graphique adapté par Fabienne Loodts du livre éponyme de Chloé Aridjis ayant reçu le prix du Premier Roman étranger en 2009.

C'est en août 1986, à l'occasion d'un voyage familial et alors que le mur sépare encore la ville en deux entités bien distinctes, que Chloé découvre la ville de Berlin.
Elle est même d'ailleurs persuadée d'avoir aperçu Hitler dans le métro sous les traits d'une vieille femme.
Puis, c'est à l'occasion d'une bourse universitaire que Tatiana va retourner à Berlin : "La première année, je m'égarai dans une sorte de mue, à l'image de la ville. Peu à peu, les nuits se sont mêlées au jour.", pour finalement s'y installer quelques années.
En août 2007, Tatiana est une trentenaire vivant seule, enchaînant les petits boulots jusqu'à cette période de vache maigre qui va la conduire à travailler pour Herr Weiss, un vieil universitaire dont elle va retranscrire sous forme de notes les enregistrements sonores, sa mémoire du passé et des lieux de Berlin : "Ce serait presqu'aussi révoltant que ce qu'ils ont fait avec la villa où s'est tenue la conférence de Wansee. Pendant trente-six ans après la guerre, cette villa a servi de foyer pour les enfants de la ville. Imaginez le genre d'énergie qu'ont absorbée ces enfants en jouant dans la pièce où la solution finale avait été exposée. Ou en nageant dans les eaux souillées du lac donnant sur le jardin ...".

Si la ville de Berlin est au coeur de ce roman graphique, elle l'a aussi été au cours de sa conception puisque Fabienne Loodts est partie s'y installer et qu'il y a été réalisé en utilisant la technique du contretype, ce qui lui donne cet aspect poussiéreux.
Résultat, il se dégage une ambiance forte de ce livre, que ce soit au niveau de la représentation de Berlin mais également pour le lecteur, c'est en tout cas ce que j'ai ressenti au cours de ma lecture : la sensation de basculer dans une autre ville, un Berlin moderne mais encore fortement marqué par son passé : le régime nazi et le mur qui a séparé la ville en deux entités est et ouest pendant 28 années.
Cette séparation entre deux mondes diamétralement opposés est d'ailleurs magnifiquement représentée sous la forme d'un coeur, avec une partie saine et claire, la RFA, et une autre malade et grise, la RDA.
C'est un Berlin quelque peu fantasmagorique qui est d'ailleurs montré, mêlant indistinctement le passé et le présent, des lieux sombres et chargés d'une terrible histoire, des personnages hors du temps, des apparitions, des fantômes qui peuplent des appartements, un peu à l'image des stations de métro fantômes de Berlin Est, avec au milieu une Tatiana qui vit et qui ressent tout ce passé.
C'est un aspect du livre que j'ai beaucoup apprécié, cela bouscule les codes traditionnels jusqu'à frôler la ligne entre la raison et la folie, ce sentiment est de surcroît appuyé par le graphisme en noir et blanc.
Il n'y a aucune couleur pourtant les dessins ont une vie et une forme de couleur bien à eux, tout comme la ville de Berlin qui est omniprésente et qui impose au lecteur sa présence grâce aux traits de crayon de Fabienne Loodts.
A côté de la noirceur de la ville, il y a aussi un côté enchanteur amené par le personnage d'un jeune météorologue ayant passé toute sa jeunesse dans Berlin Est.
Ce dernier est fasciné par les nuages, il l'a d'ailleurs été dès son plus jeune âge : "Quand j'étais petit, l'observation du ciel était la seule chose qui me donnait un sentiment de liberté ... J'adorais prédire ce qui qui allait venir.[...] J'imaginais que j'avais un jardin de nuages que je nourrissais chaque jour. Et quand les nuages étaient grands et forts, je les détachais de leurs racines ... et les laissais s'envoler dans le ciel.", il vient contrebalancer le personnage de Tatiana et amène un autre regard sur l'histoire.
Finalement, la place de personnage principal de l'histoire balance entre Berlin et les nuages.
"Vous savez, une existence entière pourrait se réduire à ça, monter doucement rejoindre un banc de nuages, se fondre dans le lent troupeau ... et, en quelques instants, sans avoir laissé la moindre empreinte sur le monde, rendre à l'atmosphère les éléments brièvement empruntés.", je ne sais pas si finalement Tatiana laissera son empreinte sur le monde, mais elle choisit à la fin de quitter Berlin pour retourner auprès des siens, tournant ainsi une page de sa vie et quittant le lent troupeau berlinois pour retrouver le Mexique.

Au final, j'ai surtout été marquée par les dessins de Fabienne Loodts qui sont extrêmement beaux, j'ai ainsi pu découvrir une jeune illustratrice prometteuse.
Quant à l'histoire, elle est par moment trop elliptique pour captiver totalement le lecteur et se retrouve reléguer au second plan tant la splendeur des dessins, ceux de Berlin et des nuages en tête, l'emporte sur le reste.
"Le livre des nuages" est un beau roman graphique sur fond d'une riche palette de noir/blanc/gris mêlant passé et présent, douleur et bonheur, noirceur et luminosité, en conclusion, une belle découverte.

Je remercie Babelio et les éditions Warum pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération masse critique.

1 commentaire:

  1. Bravo pour cette belle critique, ce livre était dans mes choix, il va falloir que je me le procure...
    Bonne soirée et bonnes fêtes ! :)

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