dimanche 27 avril 2014

Kiki de Montparnasse de Catel Muller et José-Louis Bocquet


Kiki de Montparnasse, née Alice Prin au tout début du XXe siècle, fut l’une des figures les plus marquantes de la vie artistique parisienne de l’entre-deux guerres, lors des Années Folles. Égérie et amie de très nombreux artistes – Modigliani, Duchamp, Desnos, Picasso, Cocteau, Aragon, bon nombre des surréalistes –, Kiki fut la muse et l’inspiratrice de créateurs devenus depuis des signatures majeures de l’art moderne, comme Foujita et Man Ray. C’est cette existence hors norme, retracée à travers la plupart des épisodes-clés d’un parcours de vie trépidant, que racontent avec passion Catel et José-Louis Bocquet, dans un album ambitieux qui est autant l’évocation d’une époque que le magnifique portrait d’une femme libre. Plus de trois cent planches de création exigeante et généreuse, en hommage à l’art sous toutes ses formes. (Casterman)

Après la vie d'Olympe de Gouges par Catel Muller et José-Louis Bocquet, je découvre la vie d'Alice Prin plus connue sous le nom de Kiki de Montparnasse par les mêmes auteurs.
De Kiki, je ne connaissais pas grand chose, à part les clichés de Man Ray dont le célèbre "Violon d'Ingres", et je n'avais qu'une vague idée de qui avait dû être cette personne, hormis qu'elle avait été une figure importante de la vie parisienne des années 20/30.
Avec ce roman graphique assez conséquent, j'en sais désormais beaucoup plus sur cette femme et sa vie trépidante dans le Montparnasse des années folles et bohème.
Les auteurs retracent le parcours d'une femme aujourd'hui peu connue qui a pourtant côtoyé les plus grands et a été une de leurs sources d'inspiration : Man Ray, Kisling, Foujita, Cocteau, Utrillo, pour n'en citer que quelques uns.
Libre sentimentalement et sexuellement, Kiki a vécu une vie d'excès, se perdant de nombreuses fois dans l'alcool et la drogue pour finir dans la misère et le dénuement le plus complet, tout en étant avant l'heure une femme émancipée.
Pour comprendre le personnage de Kiki, il faut s'intéresser à la jeune Alice Prin et à son parcours : une mère peu aimante qui l'abandonne à sa grand-mère qui elle déborde d'amour pour elle et la met en garde sur la vie et les hommes : "Faut qu'tu saches ma princesse ... les princes charmants, ça existe que dans les contes. Dans la vraie vie, y'a que des crapauds.", puis une mère qui la fait venir à Paris et finit bien vite par la chasser, outrée que sa fille pose nue comme modèle.
Kiki s'est perdue, mais elle a aussi fait de belles rencontres qui lui ont permis de poser pour des peintres qui allaient devenir célèbres et marquer leur époque, elle a fini par accepter sa situation et ne plus la vivre comme quelque chose de dégradant : "Pour les gens, être modèle c'est encore plus bas que d'être putain ! Ils disent qu'au moins les putains, elles montrent pas leur cul à tout le monde !", elle a appris à faire avec et a trouvé sa voie pour connaître la consécration en étant sacrée Reine de Montparnasse : "Ce que je veux, moi, belle Kiki, c'est faire de toi une véritable étoile, la reine de Montparnasse ! C'est avec moi que tu deviendras un mythe !".
Difficile de parler de Kiki sans parler de ses amours et des hommes qui ont partagé sa vie, notamment Man Ray ou André Laroque avec sa forte ressemblance avec Jean Gabin.
Parce que Kiki et son attitude se définissent également par rapport aux rencontres de sa vie, aux hommes qui ont partagé son lit et son cœur, à ses amis d'un jour ou de toujours.
Au final, Kiki reste une femme plutôt malheureuse qui a vécu une vie trépidante à toute vitesse, dans les excès de l'alcool, de la cocaïne (le "çakébon"), qui a connu de grands amours et des amitiés sincères mais à qui il a sans doute toujours manqué quelque chose, c'est sous un jour humain que les auteurs ont choisi de la présenter et c'est un personnage pour qui j'ai éprouvé beaucoup de sentiments dominés par la tristesse car j'ai eu la sensation tout au long de ma lecture que c'était une femme qui a donné l'apparence et l'illusion de la joie alors qu'intérieurement ce n'était sans doute pas toujours le cas.
Kiki est une héroïne attachante dont l'histoire est construite ici par les dates les plus marquantes de sa vie.
Mais c'est aussi l'occasion de découvrir le Paris des années 20 à 50, une période riche culturellement avec l'apparition de nouveaux courants artistiques comme le surréalisme ou le dadaïsme, cela a été un vrai plaisir de se replonger dans cette atmosphère d'autant plus que ce roman est extrêmement bien documenté, il y a une bibliographie importante ainsi qu'une chronologie et une notice des personnages marquants en fin d'ouvrage qui viennent compléter cette excellente et enrichissante lecture.
Quant à la répartition des rôles, aux dessins c'est Catel Muller dont j'apprécie énormément le coup de crayon et le noir et blanc utilisés pour ses dessins; au scénario c'est José-Louis Bocquet dont j'apprécie la mise en forme de l'histoire et le déroulement du scénario.

Le duo formé par Catel Muller et José-Louis Bocquet fonctionne toujours aussi bien et livre avec "Kiki de Montparnasse" un pavé biographique extrêmement intéressant à lire et à découvrir sur cette figure emblématique de Montparnasse et au-delà sur un personnage féminin au caractère bien trempé aujourd'hui malheureusement trop méconnu.
A quand la prochaine collaboration de ces deux auteurs et sur quel personnage historique que je pressens féminin ?


"Le violon d'Ingres", photographie de Man Ray avec pour modèle Kiki de Montparnasse


"Noire et blanche", photographie de Man Ray avec pour modèle Kiki de Montparnasse 

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