vendredi 19 septembre 2014

L'arrière-saison de Philippe Besson


« Au commencement, il y a cette peinture d'Edward Hopper qu'on peut voir à Chicago. J'ai dû l'apercevoir à plusieurs reprises avant de m'en procurer une reproduction, un dimanche d'ennui. Un soir, sans intention particulière, j'ai observé la femme en robe rouge de la peinture, assise au comptoir d'un café nommé Phillies, entourée de trois hommes. Alors, çà s'est imposé à moi, sans que j'aie rien cherché. J'ai eu l'envie impérieuse de raconter l'histoire de cette femme et des trois hommes autour d'elle, et d'un café de Cape Cod. »
Philippe Besson (10/18)


Les Rôdeurs de la nuit d'Edward Hopper

"Les arrière-saisons ont parfois quelque chose de déchirant.", ou encore de troublant lorsqu'un fantôme du passé resurgit dans un café, un amour que l'on a tout fait pour oublier après la trahison et qui revient, pour implorer ou pour se rassurer en constatant que les choses n'ont pas changé : "Leurs visages pourraient se frôler mais c'est comme s'ils s'ignoraient. Leurs mains pourraient se rejoindre mais ils optent, inconsciemment ou pas, pour l'immobilité, les peaux pourraient entrer en contact mais ils prennent garde de ne pas faire, surtout pas, un faux mouvement. Et, au fond, lorsqu'ils vivaient ensemble, ils se comportaient déjà ainsi, toujours au bord de s'enlacer et toujours jaloux de leur indépendance. C'est vrai qu'ils n'ont pas changé, qu'ils ressemblent à ceux qu'ils ont été.".
Parti du tableau d'Edward Hopper "Les rôdeurs de la nuit", Philippe Besson s'est intéressé à la femme à la robe rouge en imaginant son histoire.
Elle, c'est Louise, une actrice ratée mais une auteur à succès de pièces de théâtre.
Lui, c'est Stephen, l'homme qui l'a quittée il y a cinq ans pour en épouser une autre dont il a divorcé aujourd'hui.
Et enfin lui, derrière le comptoir, c'est Ben, l'éternel serveur de ce café à Cape Cod, le spectateur de l'histoire passée qui renaît aujourd'hui de ses cendres : "Il essaie de comprendre comment deux jeunes gens flamboyants et amoureux, dans l'appétit de leurs vingt ans et un peu plus, sont devenus ces trentenaires peut-être aigris, en tout cas amers, et qui, sans l'avouer, se consument dans le douloureux regret de ce qu'ils ont été.".
Louise a réussi professionnellement, d'actrice sans talent ses pièces sont aujourd'hui jouées tous les ans au théâtre : "Elle n'a pas le sentiment d'avoir pris une revanche, simplement d'avoir réussi à entrer dans l'ascenseur juste à l'instant où la porte se refermait.", mais sa vie sentimentale est un fiasco.
Stephen relève du type à qui l'on collerait des baffes, parce qu'ils ont tout : l'argent, le métier, la reconnaissance, une belle femme, et aussi parce qu'ils gâchent tout ce qu'ils ont : ici Stephen a abandonné une femme simple et indépendante pour une qui correspondait plus à son milieu.
A la réflexion, à Louise aussi je collerai une baffe, pour retomber aussi facilement dans les bras de Stephen.
Quant à Ben, il observe, il parle, il attend quoi on ne le sait trop, mais il est le témoin des retrouvailles entre deux personnes qui cinq ans après n'ont pas changé : "Tout à coup, ils ne sont plus uniquement leur passé ou leur passif, leurs amnésies criantes ou leurs remontrances muettes, ils ont des corps, des formes qu'ils connaissent bien, des peaux qu'ils ont souvent caressées, des bras qui leur ont servi à s'étreindre, des bouches qui se sont touchées chaque jour pendant cinq ans. Le désir, il est palpable. La violence qu'ils ressentent, qui les heurte tous deux ensemble, elle est physique. Ils s'en retournent aux origines.".
J'ai du mal à qualifier ce livre de roman, il tient plus de la nouvelle voire de la pièce de théâtre.
L'action se passe dans un lieu unique, sur quelques heures, il s'agit d'un huis-clos qui est le prétexte pour revisiter les vestiges d'une histoire.
Le style n'est pas extraordinaire, c'est du Philippe Besson ai-je envie de dire en ce sens qu'il n'y a pas de prise de risque, c'est entre le simpliste et l'élaboré. Les thèmes abordés ont tendance à toujours aller dans le même sens avec au moins un des personnages qui écrit, mais ça se lit tout de même bien et facilement.
Je n'ai pas été transportée par l'histoire et les personnages, j'ai lu ça avec curiosité et sans me faire de nœuds au cerveau mais je regrette la fin trop facile et trop prévisible, ainsi que des personnages qui n'évoluent pas et qui restent les mêmes des années plus tard.
Un peu du "tout ça pour ça" alors que j'attendais autre chose.
De plus, l'exercice littéraire de partir d'une image pour créer un texte est intéressante mais la beauté du tableau choisi méritait du pus flamboyant à l'image de la robe de la femme.

Ni drame ni romance, "L'arrière-saison" de Philippe Besson fleure bon la mélancolie d'un été qui s'achève et d'un automne qui s'esquisse, à l'image de cette histoire d'amour phénix.

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