mercredi 14 décembre 2016
Magnus de Sylvie Germain
Franz-Georg, le héros de Magnus, est né avant la guerre en Allemagne. De son enfance, «il ne lui reste aucun souvenir, sa mémoire est aussi vide qu'au jour de sa naissance». Il lui faut tout réapprendre, ou plutôt désapprendre ce passé qu'on lui a inventé et dont le seul témoin est un ours en peluche à l'oreille roussie : Magnus. (Folio)
"D'un homme à la mémoire lacunaire, longtemps plombée de mensonges puis gauchie par le temps, hantée d'incertitudes, et un jour soudainement portée à incandescence, quelle histoire peut-on écrire ?"
C'est de ce postulat que part Sylvie Germain pour retracer dans son roman le parcours de celui qui s'est d'abord appelé Franz-Georg, puis tant d'autres noms par la suite, et qui finira par se baptiser Magnus en hommage à son ours en peluche, seul témoin de ses premières années de vie dont il a perdu tout souvenir.
Franz-Georg a la particularité de ne plus se souvenir des cinq premières années de sa vie, soit-disant à cause d'une maladie.
Orphelin adopté par les Dunkeltal, le père est un nazi convaincu et à la fin de la Seconde Guerre Mondiale toute cette famille fuit l'Allemagne.
Puis son père adoptif va disparaître, sa mère va mourir de chagrin, Franz-Georg va changer d'identité, voyager, rencontrer des personnes, aimer plusieurs femmes comme May Gleanerstones, mais c'est la fascinante Peggy Bell qui marquera le plus sa vie.
Et quand le drame resurgira une nouvelle fois, Magnus, voyageur infatigable, échouera en France pour peut-être y découvrir la vérité sur ses origines et ce trou noir qui habite sa tête depuis si longtemps.
De Sylvie Germain j'ai déjà lu le magnifique "Le livre des nuits", et c'est sans grande surprise que j'ai retrouvé ici toute la beauté de sa plume.
Après le personnage haut en couleurs de Victor-Flandrin Péniel dit Nuit-d'Or-Gueule-de-Loup il en fallait un au moins équivalent.
Magnus n'a pas à rougir, voilà un homme qui va lui aussi connaître une tragique mais passionnante destinée en quête d'une vérité : celle sur ses origines.
Et quand Magnus connaîtra des moments d’abattement, les rêves lui permettront de se remettre en piste et de continuer à avancer : "Les rêves sont faits pour entrer dans la réalité, en s'y engouffrant avec brutalité, si besoin est. Ils sont faits pour y réinsuffler de l'énergie, de la lumière, de l'inédit, quand elle s'embourbe dans la médiocrité, dans la laideur et la bêtise.".
Cette lecture peut se révéler quelque peu ardue mais elle est d'une beauté toute aussi absolue.
La plume de Sylvie Germain est magnifique, elle est d'une immense poésie et fait vivre le personnage aux yeux du lecteur.
Elle n'est pas sans me rappeler celle de Jean Giono, et je me dis après cette deuxième lecture de cette auteur que décidément, il se pourrait bien qu'elle soit la digne héritière de Jean Giono.
Elle a en tout cas une plume à nulle autre pareille, et avec autant de poésie le seul nom qui me vient à l'esprit est celui de Carole Martinez qui, elle aussi, manie aussi habilement et poétiquement la langue Française.
Comme dans "Le livre des nuits", cette poésie s'accompagne d'une dimension fantastique qui permet au personnage, un être broyé par la vie et écrasé sous le poids du destin, de finalement rebondir et continuer à exister.
Une nouvelle fois, Sylvie Germain a su donner vie à un être qui subit sans cesse la fatalité de son destin, je trouve d'ailleurs très beau qu'une femme écrivain arrive aussi bien à se glisser dans la peau d'un personnage masculin.
Il y a aussi une remarque mise en abîme au début du roman sur ce qu'est écrire : "Ecrire, c'est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au cœur des mots.", une définition qui laisse présager de la suite de l'histoire et permet l'espace d'un instant de saisir au vol le processus de création artistique de l'auteur.
La Seconde Guerre Mondiale est une période de l'Histoire que j'affectionne particulièrement, elle ne sert ici que d'arrière-plan, ou presque, mais elle permet aussi de bâtir ce personnage si complexe dont le seul lien avec le passé, et donc ses origines, est son ours en peluche usé par le temps.
Ce qui explique le choix pour la couverture du livre.
"Magnus" est un roman d'une poésie rare servi par l'excellente plume de Sylvie Germain, une auteur qui a désormais toute sa place sur les étagères de ma bibliothèque.
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Magnifique roman !!!
RépondreSupprimerSylvie Germain est une auteure incontournable pour moi.
Je l'ai découverte grâce à toi, merci !
SupprimerJ'ai beaucoup aimé également.
RépondreSupprimerEtudié en cours, très bon choix de la part de mon professeur je trouve ;)
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