lundi 19 décembre 2016

Shirley de Charlotte Brontë


1812. Du fait des guerres napoléoniennes, la province du Yorkshire subit la première dépression industrielle de l’Histoire. Les temps sont durs, aussi bien pour les patrons que pour les ouvriers qui, menacés par l’apparition des machines-outils, fomentent une révolte. Robert Moore est l’un de ces industriels dont les filatures tournent à vide. La timide Caroline, sa cousine, est éprise de lui. Mais Robert est trop préoccupé par les émeutes et les ennuis financiers pour songer à un mariage si peu lucratif. Il songe plutôt à Shirley Keeldar, une jeune héritière qui vient de s’installer en ville. Vive et entreprenante, le « capitaine Keeldar » – comme elle se laisse appeler – déborde d’idées pour investir son argent, souhaitant venir en aide aussi bien à Robert qu’aux ouvriers les plus pauvres. Convaincue qu’un mariage se prépare, Caroline en tombe malade de dépit. Elle ne comprend pas que son amie repousse les beaux partis, traite ses domestiques en familiers et ait si peu d’égards pour son ancien précepteur, le frère de Robert. Lequel envisage de fermer son usine pour refaire sa vie au Canada. La balle d’un ouvrier révolté mettra fin à ce projet… (Archipoche)

Situé dans le Yorkshire dans la période 1811-1812, pendant la dépression industrielle due aux guerres napoléoniennes et à celle de 1812, le roman suit le destin de quatre personnages centraux contrastés : Robert Moore, industriel subissant de plein fouet la dépression, son frère Louis, précepteur dans une famille; et leurs deux aimées, la timide Caroline Helstone et la fonceuse et indépendante Shirley Keeldar, héritière d'une fortune.

Je n'avais pas encore lu jusqu'à présent ce roman de Charlotte Brontë.
Contrairement à "Jane Eyre", un sommet du romantisme gothique, "Shirley" peut déconcerter le lecteur à plusieurs titres.
Tout d'abord parce que la narration ne se fait pas à la première personne du singulier mais par un narrateur omni-présent qui garde pourtant l'anonymat.
Ensuite, parce qu'il faut bien reconnaître que l'intrigue met un certain temps (environ 150 pages) avant de commencer à décoller, et que j'ai bien failli abandonner cette lecture.
Charlotte Brontë prend le temps de faire entrer en scène ses personnages, c'est sans doute l'un des aspects qui m'a dérangée car les personnages principaux, Robert Moore et Caroline Helstone, n'entrent pas tout de suite en scène et j'avoue que les personnages dont il était question ne m'inspirait qu'à moitié, tandis que Louis Moore n'arrive que 150 pages avant la fin environ.
Il est bien entendu question d'amour, avec un personnage comme Robert Moore qui ne veut y penser tant il se consacre à ses affaires : "La folie n'est que temporaire. Je la connais; je l'ai éprouvée déjà. Demain l'accès sera passé.", mais aussi de l'amour véritable, avec un grand A : "L'amour peut tout excuser, hormis la bassesse; mais la bassesse tue l'amour, meurtrit même l'affection naturelle : sans estime, le véritable amour ne peut exister.".
Les thèmes de l'amour et du mariage sont chers à Charlotte Brontë et récurrents dans son oeuvre, ainsi que la position de certains personnages comme précepteur ou gouvernante.
Un autre thème dominant dans l'oeuvre de cette auteur, c'est le féminisme, thème osé pour l'époque mais omni-présent dans "Jane Eyre" et ici représenté par le personnage de Shirley : "Ils m'ont donné un nom d'homme; j'occupe la position d'un homme; c'en est assez pour me donner une touche de virilité; et, lorsque je vois des gens comme ce superbe Anglo-Belge, ce Gérard Moore, devant moi et me parlant gravement d'affaires, je me crois tout à fait un gentleman."; mais aussi de façon plus générale par les réflexions des femmes entre elles, Caroline et Shirley, à propos des hommes : "Les hommes, je crois, s'imaginent que l'esprit des femmes ressemble un peu à celui des enfants. Eh bien ! c'est une erreur.".
Il n'y a pas que les femmes qui sont considérées comme quantité négligeable, les enfants aussi le sont : "Les enfants, vous le savez, n'ont que peu de réflexion, et leurs réflexions se portent vers l'idéal.".
Ce sont des thèmes que j'aime voir traités en littérature, je suis satisfaite d'avoir pu aller jusqu'au bout mais je reconnais que "Shirley" est une lecture exigeante qui n'a pas la beauté du romantisme gothique que l'on trouve dans "Jane Eyre".
Les personnages sont bien développés, particulièrement les femmes, même si je ne me suis pas autant attachée à elle qu'à un personnage comme Jane Eyre.
Pour remettre les choses dans leur contexte, il faut savoir que Charlotte s'est inspirée de ses sœurs Anne pour le personnage de Caroline et Emily pour celui de Shirley.
L'année où elle a écrit son roman a été marquée par la mort de son frère et de deux de ses sœurs, ce qui a sans doute influencé le sort réservé au personnage de Caroline, destiné dans un premier temps à mourir.
Comme dans "Jane Eyre", Charlotte Brontë s'est inspirée d'événements ou de lieux portés à sa connaissance pour bâtir son histoire.
Il faut aussi savoir que jusqu'à la parution de ce roman, le prénom Shirley était masculin et non féminin, c'est après la parution de ce dernier qu'il l'est devenu.
Outre une plume riche, j'ai été marquée par quelques expressions légères qui aujourd'hui prêteraient à sourire, je ne sais si cela est lié ou non à la traduction mais j'en retiens une particulièrement : "Il nous arrive rarement de converser tête à tête; mais il m'a fait souvent sentir sur le fond de son caractère n'est pas d'édredon.".
Voilà une lecture où je suis satisfaite d'être arrivée jusqu'au bout car malgré des difficultés cela en valait la peine, et grand bien m'en a pris de ne pas la lire directement dans sa langue originale car j'aurai sans nul doute abandonné.

"Shirley" est une lecture exigeante que je conseille aux lecteurs désireux de lire toute l'oeuvre des sœurs Brontë car elle ne se prête pas bien à une première lecture pour découvrir, néanmoins je reconnais que ce roman est une belle peinture des mœurs sociales et du début du féminisme au dix-neuvième siècle.


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