Après plusieurs années d'études loin des siens, Jeanne Le Perthuis de Vauds (Judith Chemla) rentre parmi les siens et retrouve son père (Jean-Pierre Darroussin), sa mère (Yolande Moreau) et sa sœur de lait Rosalie (Nina Meurisse).
Jeanne est une jeune femme protégée, avec des rêves pleins la tête et une certaine idée de la droiture, à l'occasion d'un déjeuner elle rencontre Julien de Lamare (Swann Arlaud), jeune homme criblé des dettes de son père.
Malgré les mises en garde et questions de ses parents, elle l'épouse.
Mais ce dernier se révèle très vite pingre, brutal, volage, puisqu'il met enceinte Rosalie et veut ensuite la chasser.
Jeanne commence peu à peu à perdre ses illusions.
Après "La loi du marché", Stéphane Brizé a pris un tout autre chemin pour son nouveau film, en décidant d'adapter le classique de Guy de Maupassant "Une vie".
Quoique ... ces deux films ne sont pas diamétralement opposés car Jeanne, à l'image de Thierry, a une haute idée de la vie et des valeurs importantes.
Jeanne a une totale, naïve diront certains, confiance en l'Homme. Elle ne pourra jamais imaginer du mal dans un être humain, et surtout pas en Julien, son mari.
Pourtant, ce dernier la malmène, la traite d'enfant, la sépare de ses parents bien-aimés, la trompe, tout d'abord avec Rosalie puis avec Gilberte de Fourville (Clotilde Hesme), se révèle pingre en diminuant le bois utilisé pour le chauffage, à tel point que Jeanne finit par attraper une infection pulmonaire.
A partir de cette première tromperie, Jeanne commence peu à peu à perdre ses illusions.
Pourtant, elle continue à y croire, mais elle va de nouveau déchanter en découvrant la nouvelle infidélité de son mari.
Puis, une fois ce dernier mort, c'est son fils Paul qui va lui causer de nombreux soucis, accumulant des dettes, ne donnant des nouvelles à sa mère que pour lui réclamer de l'argent.
Terrible vie que celle de Jeanne, mais une vie qui sera aussi ponctuée de beaux et tendres moments.
Le film couvre presque trente ans de la vie de Jeanne, pour cela il y a eu un travail sur le maquillage et la coiffure de Judith Chemla, travail remarquable car non seulement le personnage vieillit ben à l'écran mais son apparence reflète aussi son état physique et psychologique.
J'avais précédemment vu l'adaptation de ce livre à la télévision par Elizabeth Rappeneau, malgré quelques écarts par rapport au récit le scénario est assez fidèle à l'oeuvre originale.
Et encore, je dirai même que le scénario, signé par Stéphane Brizé et Florence Vignon, a "modernisé" certains points de l'histoire, à l'image de la mort de Julien et de sa maîtresse, que je trouve nettement plus dramatique et esthétique dans le film par rapport à la version littéraire qui devait l'être à son époque.
L'avantage des textes de Guy de Maupassant, à l'image d' "Une vie" publié en 1883, c'est qu'ils restent extrêmement modernes dans les thèmes qu'ils traitent.
Malgré une histoire se déroulant au dix-neuvième siècle en Normandie, les péripéties de Jeanne sont toujours d'actualité : adultère, mensonge.
Si bien que Jeanne est un personnage pour lequel le spectateur ressent une profonde empathie.
Le film de Stéphane Brizé se remarque également pour sa mise en scène irréprochable et très travaillée.
En choisissant de tourner en format quasi carré 1.33 et caméra à l'épaule, le réalisateur enferme son héroïne dans la boîte de sa vie et dont elle n'arrive plus à s'extraire, entraînant par la même occasion le spectateur dedans, mais il capte aussi toute la vie qui anime ce personnage.
Stéphane Brizé a recours à des ellipses tout au long du film, mais il a aussi adopté pour un découpage intéressant des scènes : lorsque Jeanne est joyeuse le spectateur passe d'une scène à l'autre sur la vision d'une Jeanne vieillie, en noir, le long d'un chemin sous la pluie semblant porter toute la misère de son existence sur ses épaules; a contrario, lorsque Jeanne traverse des moments difficiles elle se remémore des instants joyeux, ce qui permet également de combler des trous coupés lors des ellipses.
C'est un travail que j'ai beaucoup apprécié et qui donne une dimension toute particulière à ce film, c'est à la fois moderne tout en conservant le cœur classique de l'histoire.
Il y a également de très belles scènes, notamment une Jeanne se promenant face à une mer déchaînée, d'ailleurs la Normandie est aussi un personnage très présent dans ce film, une région qui finalement est restée à peu près la même en plus d'un siècle.
Ce qui m'a sans doute le plus touchée dans cette mise en scène, c'est le choix du réalisateur de tourner plusieurs scènes avec Jeanne et son père en train de jardiner, toujours à des moments clés de l'histoire.
C'est une belle façon de montrer l'attachement de Jeanne envers son père, et dans d'autres scènes envers sa mère, c'est aussi une forme d’exutoire pour ce personnage qui va connaître de nombreux tourments.
La bande sonore du film est assez épurée, pour les thèmes musicaux Stéphane Brizé a fait le choix du piano forte, l'ancêtre du piano actuel, sinon il n'y a que le bruit de la nature : les oiseaux qui chantent, le vent qui souffle, la mer qui roule ses vagues venant se briser sur les rochers et les cailloux de la plage.
Comme dans son précédent film, j'ai également pu apprécier la justesse du casting, avec une Judith Chemla éblouissante, une révélation pour ma part, une actrice habituée des planches au théâtre et qui habite littéralement le personnage de Jeanne.
Face à elle quelques acteurs connus, comme Jean-Pierre Darroussin (j'ai passé le film à chercher qui était l'acteur derrière le rôle du père tant je ne l'ai pas reconnu) et Yolande Moreau, et d'autres moins, mais tous sont très justes dans leur rôle et donnent vie à la perfection à tous les personnages créés par Guy de Maupassant qui, décidément, n'ont pas pris une ride.
Stéphane Brizé signe une belle adaptation moderne d' "Une vie", célèbre roman de Guy de Maupassant, dans laquelle il a su mettre sa patte et confirme être un réalisateur talentueux.
Tu me donnerais presque envie d'aller le voir! Mais je suis encore traumatisée par cette lecture, et bien qu'appréciant particulièrement Judith Chemla, je ne me sens pas le courage d'aller affronter tant de noirceur...
RépondreSupprimerÇa n'est effectivement pas joyeux mais la mise en scène est vraiment très belle.
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