mardi 27 février 2018

La douleur de Marguerite Duras


La dernière guerre, Marguerite Duras l'a vécue tout à la fois comme femme dont le mari avait été déporté, comme résistante, mais aussi, comme écrivain. Lucide, étonnée, désespérée parfois, elle a, pendant ces années, tenu un journal, écrit des textes que lui inspirait tout ce qu'elle voyait, ce qu'elle vivait, les gens qu'elle rencontrait ou affrontait. (Gallimard - P.O.L)

J'ai vu "La douleur" d'Emmanuel Finkiel, il me fallait lire le roman, retrouver les mots de Marguerite Duras et prolonger l'atmosphère que dégage le film.
C'est tout aussi beau à lire qu'à voir, j'ai retrouvé les images du films, elles se superposaient au fur et à mesure que je lisais, j'au lu les mots de Marguerite Duras et dans le même je les entendais prononcés à mes oreilles.
"La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie.", cette douleur c'est celle de l'attente, celle du retour - ou non - de Robert, le mari de Marguerite, membre du même réseau de résistance et arrêté et déporté.
"Il n'y a pas de raison particulière qu'il ne revienne pas. Il n'y a pas de raison pour qu'il revienne.", parfois Marguerite imagine que Robert va revenir, d'autres fois elle imagine depuis quand il est mort.
Marguerite ne sait rien, juste que la guerre est finie, que des camps sont découverts, que des prisonniers commencent à revenir, mais de Robert rien, aucune nouvelle, aucune lettre, Robert est-il mort dans un fossé le long d'un chemin ou va-t-il surgir demain en sonnant à la porte ?
Cette douleur, Marguerite la conservera tout au long de sa vie, et ce n'est que tardivement qu'elle publiera ses "Carnets de guerre".
Ce qui frappe à la lecture de cette oeuvre, outre le style de Marguerite Duras, c'est qu'elle parle sur les événements de l'époque, particulièrement sur la découverte des camps et les retours des déportés, sur les horreurs perpétrées par l'Allemagne nazie : "Une des plus grandes nations civilisées du monde, la capitale de la musique de tous les temps vient d'assassiner onze millions d'êtres humains à la façon méthodique, parfaite, d'une industrie d'état.", ce qui à l'époque n'était finalement pas si commun puisque mieux valait se taire pour que la vie reprenne son cours plus rapidement.
Elle décrit aussi la déchéance physique, la sienne rongée par l'attente mais surtout celle de Robert, son mari, flottant entre la vie et la mort mais ayant conservé intact sa pensée : "Au sortir de l'horreur, mourant, délirant, Robert L. avait encore cette faculté de n'accuser personne, sauf les gouvernements qui sont de passage dans l'histoire des peuples.".
Robert, cet homme qu'elle n'aime plus, l'attente de son retour ayant changé son amour, mais Robert cet homme avec qui elle restera en relation sa vie durant.
"La douleur" est la première nouvelle, la plus longue, composant ce livre.
Les autres sont des nouvelles issues de la guerre ou de l’après guerre, des choses que Marguerite a vécu comme le rapprochement avec l'homme qui a arrêté Robert, ses tentatives pour en savoir plus et faire passer des colis à son mari, ou encore cet interrogatoire d'un milicien attrapé par le réseau de résistance.
On sent que c'est à la fois très personnel mais avec une certaine distance, ce n'est pas tout à fait de la fiction ni complètement autobiographique.
Et puis il y a le style, la prose de Marguerite Duras à nul autre pareille, et la découverte de ce texte si longtemps repoussée.
Les mots de Marguerite Duras m'ont touchée, ce qu'elle raconte m'a parlé, c'était beau, j'ai savouré cette lecture, je ne voulais plus quitter ces mots.
Mais toute bonne chose a une fin.
Et je me suis promis de lire d'autres récits de Marguerite Duras, sans attendre encore vingt ans pour le faire, parce que je crois avoir atteint la maturité nécessaire pour apprécier pleinement son oeuvre.

"La douleur" est un magnifique recueil de nouvelles sur la guerre, l'après-guerre, l'attente et le retour des déportés, une oeuvre dans le pur style de Marguerite Duras qu'il me paraît nécessaire de découvrir sans plus tarder.

2 commentaires:

  1. Ravie que tu aies apprécié. Duras est dans mon top auteur depuis très longtemps !
    Avant ton arrivée, le club avait lu Les petits chevaux de Tarquinia.

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    1. Pour le coup je projette de lire d'autres œuvres de cette auteur pour rattraper mon retard !

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