dimanche 10 novembre 2013

Black Swan de Darren Aronofsky



Rivalités dans la troupe du New York City Ballet. Nina est prête à tout pour obtenir le rôle principal du Lac des cygnes que dirige l’ambigu Thomas. Mais elle se trouve bientôt confrontée à la belle et sensuelle nouvelle recrue, Lilly... (AlloCiné)


Nina est une jeune femme qui ne vit que pour la danse et qui est dévorée à l'intérieur par  son ambition et sa volonté de réussir, d'avoir enfin un rôle en haut de l'affiche.
Pour cela, elle est prête à tout ... enfin presque, c'est-à-dire qu'elle est prête à travailler sans relâche, à refaire encore et encore les mêmes pas, le même enchaînement, mais est-elle prête à travailler sur elle et se libérer de son carcan de rigueur, de son perfectionnisme ?
Car c'est sa quête de perfection qui la perd et qui fait douter Thomas Leroy de lui confier le double rôle de la Reine des Cygnes.
Il le reconnaît, elle incarnerait sans problème le Cygne Blanc, mais qu'en est-il de son double maléfique, le Cygne Noir ?



Pour cela, Nina va s'enfoncer dans sa noirceur, aller puiser au plus profond d'elle-même pour s'affranchir de sa vraie nature et trouver les ressources pour se diaboliser et incarner le Cygne Noir.
L'opposition Cygne Blanc/Cygne Noir n'est pas que dans le ballet, elle l'est également dans la vraie vie, entre Nina et la troublante et sensuelle Lilly.
Lilly ne danse pas avec la perfection de Nina, mais elle est tout ce que Nina n'est pas et qu'il va lui falloir assimiler.
Le propos est intéressant, tout comme le travail sur les angoisses qui rongent Nina, qui se mêlent peu à peu à la réalité jusqu'à brouiller les sens de Nina ainsi que les perceptions du spectateur.
Mais à trop vouloir en faire, cela finit dans l'excès et perd le spectateur qui ne sait plus que croire : est-ce la réalité ou l'imagination de Nina ?
Son esprit ne se disperse-t-il pas comme la peau de ses mains qui s'arrache d'un bloc ?
Fallait-il autant insister sur cet aspect que le spectateur a bien compris et saisis ?
Mais voilà, le réalisateur est aussi diabolique que le Cygne Noir quant au sort qu'il réserve à la douce et fragile Nina, qui pourrait bien finir broyée par la machine tout comme Beth, la précédente étoile du ballet, une sorte de miroir du futur de Nina.



De New York, il en est essentiellement question par son métro si caractéristique et bien peu d'autres vues extérieures permettent de deviner que le film s'y déroule.
Il faut dire que sans être vraiment un huis-clos, l'intrigue se joue dans le milieu hermétique de la danse, et que le seul horizon pour Nina c'est le New York City Ballet et l'appartement qu'elle partage avec sa mère, qu'elle voit parfois comme un soutien et parfois dominatrice.
Point de réelle création musicale, la partition de Tchaïkovski suffit à elle seule pour accompagner la descente aux enfers de Nina.
Visuellement sombre et réglé au millimètre près, notamment dans les scènes de ballet, la mise en scène de Darren Aronofsky est remarquable et digne d'un ballet de danse, alternant entre les chorégraphies, les disputes et les moments forts où Nina se cherche, ose, rêve et se met ensuite à le mélanger avec la réalité.
Nina fait penser à une marionnette manipulée par Thomas, un chorégraphe trouble qui arrive à faire d'elle ce qu'il veut.
D'une façon générale, Nina est facilement influençable et manipulable, elle suit sans hésiter Lilly, dans une forme de naïveté troublante, elle ne conçoit pas toujours que les autres cherchent à lui faire du mal, à la détrôner pour prendre sa place.
Il faut ajouter à cela que Nina est également névrosée, au-delà de l'anxiété, et s'est enfermée dans un cercle sans fin de quête de la perfection, pensant qu'elle seule pourra lui permettre de réussir et d’atteindre ses objectifs.
Dans une certaine mesure, il y a également transfert entre les rêves avortés de la mère de Nina pour cette fille qu'elle a choisie d'avoir en lieu et place d'une hypothétique carrière et qu'elle reporte sur Nina.
Complexe est un mot qui qualifie très bien l'histoire de ce film interprété par des actrices (et acteur) au sommet de leur art.
Natalie Portman y est tout simplement éblouissante et son double Mila Kunis est une révélation, la proximité physique de ces deux actrices étant accentuée jusqu'au point de quasiment les confondre.
Quant à Winona Ryder, elle est difficilement reconnaissable dans ce rôle d'une femme déchue et pétrie de névrose, et une french touch est donnée à ce film en la personne de Vincent Cassel qui marque et se creuse un chemin dans le cinéma américain.


"Black Swan", sans être qualifié de chef d'oeuvre, est un grand film qui brille par une mise en scène soignée et un jeu d'actrices irréprochable, transportant Natalie Portman au sommet de sa gloire et le spectateur dans l'envers du décors d'un ballet où la tragédie dansée finit par rejoindre la réalité pour ne plus former qu'un tout indissociable à l'issue fatale.


Ce film a été vu dans le cadre du Challenge New York 2014

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