jeudi 28 novembre 2013

Charly 9 de Jean Teulé


Charles IX fut de tous nos rois de France l’un des plus calamiteux. A 22 ans, pour faire plaisir à sa mère, il ordonna le massacre de la Saint Barthélemy qui épouvanta l’Europe entière. Abasourdi par l’énormité de son crime, il sombra dans la folie. Courant le lapin et le cerf dans les salles du Louvre, fabriquant de la fausse monnaie pour remplir les caisses désespérément vides du royaume, il accumula les initiatives désastreuses. Transpirant le sang par tous les pores de son pauvre corps décharné, Charles IX mourut à 23 ans, haï de tous. 
Pourtant, il avait un bon fond. (Julliard)

"C'est cruauté d'être humain et humanité d'être cruel ...", et ô combien difficile d'être roi de France, en tout cas pour Charles IX, un roi calamiteux qui ne laissât pas grande impression dans l'Histoire de France.
Entouré et conseillé par une mère intrigante, une Médicis (pléonasme donc avec le qualificatif d'intrigante), et par son frère cadet envieux de sa place, Charles IX, ou Charly 9 comme l'a appelé Jean Teulé, est un mou incapable de prendre une décision par lui-même et qui accepte d'ordonner la Saint Barthélémy uniquement pour faire plaisir à maman.
Lui si réticent au départ finira par demander qu'aucun protestant ne soit épargné : "Mais tuez-les tous, tous ! Je ne veux jamais voir un seul  visage, entendre un jour une voix qui me le reproche !" et  sera hanté par ce massacre le restant de sa courte vie, sombrant même dans la folie.

Heureusement que Jean Teulé est là pour rendre ses lettres de noblesse, enfin de façon toute relative, à ce roi conspué par la vindicte populaire qui n'est finalement connu que pour le massacre de la Saint Barthélémy.
Jean Teulé a le chic pour donner vie à des personnages historiques, à se glisser dans leur peau pour distiller au lecteur leurs pensées et les rendre plus humains.
Ainsi, ici il est surtout question des sentiments qui habitent Charles IX, homme intéressé par les femmes mais finalement peu par le reste de l'humanité : "Aux civilisations, je préfère les paysages.", roi sans envergure et absolument pas destiné à régner, qui passât l'année qui lui restait à vivre dans le regret et les remords d'avoir autant de sang sur la conscience et sur les mains, même indirectement, et qui au final n'avait pas si mauvais fond.
Certes, il a beaucoup gambergé dans sa tête, à tel point qu'il a sombré dans la folie, chassant le cerf et le lapin dans le Louvre, décidant de frapper monnaie pour renflouer les caisses vides du royaume, mais il est aussi lunatique, passant d'un extrême - celui des regrets du massacre - à l'autre - celui des regrets de ne pas avoir versé assez de sang : "Je n'ai pas assez mis la main au sang de mes sujets ... ce qui est cause que mon destin est imparfait par le manquement de victimes.".
Et sinon, quand tout cela l'embête, il fait l'autruche ou se gave de pâté : "Oh ça, surtout croyez que je ne suis pas fier de cela qui n'est pas mon chef-d'oeuvre. Je compte bien à l'avenir prendre d'autres décisions qui seront meilleures pour les gens. J'ai quelques idées mais là, je voudrais du pâté !".
Même si le lecteur sourit souvent au cours de la lecture, il y a, comme toujours chez Jean Teulé, un fond de vérité historique.
Ainsi, c'est à Charles IX que nous devons le changement d'année au 1er janvier au lieu du 1er avril, ceci étant également la cause des poissons d'avril le 1er de ce mois (et à l'époque ce n'était pas des poissons en papier qu'on mettait dans le dos des gens mais des poissons pourris).
Ce sont des petits détails qui font plaisir à la lecture, soit parce qu'ils nous rappellent des souvenirs soit parce qu'ils nous permettent d'apprendre quelque chose.
Par contre, je ne comprends pas forcément le choix de l'auteur de garder également des éléments faisant partie du mythe : Charles IX transpirant du sang, sa sœur Marguerite se promenant avec la tête de son amant conservé dans du formol.
Certes, cela ne m'a pas gênée dans ma lecture et cela apportait une touche de fantaisie, mais je ne suis pas sûre qu'autant de fantaisie était nécessaire, le livre en contient déjà beaucoup.
Quant au style, et bien c'est dans la pure tradition de Jean Teulé, c'est assez déjanté, jouissif à lire, résolument moderne, et ça se lit extrêmement rapidement.

"Charly 9" est un roman très plaisant à lire, divertissant et instructif à la fois, avec la verve inimitable et si caractéristique de Jean Teulé, pour le plus grand plaisir de la lectrice que je suis.

Un grand merci à Marjolaine pour le prêt de ce livre ! 

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