samedi 4 octobre 2014

Chinoises de Xinran


De 1989 à 1997, Xinran a présenté chaque nuit à la radio chinoise une émission où elle invitait les femmes à parler d'elles-mêmes. Elle a rencontré des centaines d'entre elles. Avec compassion, elle les a écoutées se raconter. Elles disent leurs souffrances incroyables : mariages forcés, viols, familles décimées, pauvreté ou folie... Mais elles disent aussi comment, en dépit des épreuves, en dépit du chaos politique, elles chérissent et nourrissent ce qui leur reste. (Philippe Picquier)

De 1989 à 1997, Xinran a présenté chaque nuit une émission de radio où les femmes chinoises pouvaient, dans l'anonymat le plus complet, raconter leur vie, leurs souffrances, leur histoire.
Mariages forcés, viols, familles séparées par la folie du régime communiste, emprisonnement, internement dans des camps de redressement, autant d'histoires que Xinran a patiemment écoutées pendant des années, retranscris, et ce sont avec ces précieux témoignages qu'elle a fui la Chine pour gagner la Grande Bretagne et se décider à publier certaines de ces histoires il y a quelques années.
"Les Chinois disent que "dans chaque famille, il y a un livre qu'il vaut mieux ne pas lire à haute voix"", ici ce ne sont que des livres qui concernent les femmes et leur condition et rien que de les lire suffit à glacer le sang.
Xinran a bâti dans un premier temps son livre autour de la question : "Que valait donc la vie d'une femme en Chine ?", mais également autour de trois questions qu'une étudiante lui avait posées : "De quelle philosophie se réclament les femmes ? Que signifie le mot "bonheur" pour une femme ? Et qu'est-ce qui fait d'une femme une femme "bien" ?".
A la fin de l'ouvrage il n'y a pas de réponse claire et précise à ces questions, juste des esquisses pour mieux comprendre.
Tandis que nous, femmes Occidentales, avons acquis des libertés depuis plusieurs dizaines d'années, et qu'aujourd'hui certaines se revendiquent d'un féminisme qui n'en est plus vraiment un, les femmes Chinoises commençaient à peine à s'émanciper, à prendre quelques libertés, à oser aller à l'encontre des habitudes et de la tradition : "Les hommes travaillent dur pour gagner de l'argent, les femmes travaillent dur parce que c'est leur destin.".
De lire tous les témoignages de ces femmes, cela m'a fait froid dans le dos mais m'a aussi fait prendre conscience que je ne connaissais rien des conditions de vie des femmes en Chine, que j'étais à mille lieux de penser que cela pouvait encore exister de nos jours.
Car la Chine de Pearl Buck où l'on bande les pieds des petites filles n'est finalement pas bien loin dans les récits de toutes ces femmes.
J'ai été profondément interpellée et à bien des moments choquée par la façon dont les Chinois se comportent envers leur femme, les réduisant parfois à une chose encore plus insignifiante qu'un objet de décoration : "Plus de la moitié des familles chinoises sont composées de femmes qui travaillent trop et d'hommes qui soupirent après leurs ambitions perdues, critiquent leurs femmes et font des crises de nerf. En plus, beaucoup de Chinois pensent que dire un mot gentil à leur femme est indigne d'eux. Je ne comprends pas pourquoi. Comment un homme qui vit sans aucun complexe sur le dos d'une faible femme peut-il encore se respecter ?".
D'une certaine façon, les récits constituants ce livre sont révoltants sur bien des aspects, à tel point qu'au début je n'arrivais qu'à lire un chapitre avant de refermer le livre et d'attendre un peu de temps pour lire le suivant.
Puis, j'ai fini par les enchaîner jusqu'à la toute dernière page, en me disant qu'à eux tous ils constituaient une certaine vision de la femme Chinoise, du parcours qu'elles ont accomplies et de celui qu'il leur reste encore à faire.
Il y a également un fond historique peu connu qui, s'il n'est qu'esquissé, a eu le mérite de piquer ma curiosité et de me pousser à me renseigner sur les années 50 à 90 en Chine.
Ce pays qui a vécu pendant de nombreuses années en vase clos a fini par s'ouvrir sur le monde et c'est son passé qui permet de mieux comprendre pourquoi aujourd'hui la Chine ne cesse d'être présente dans presque tous les pays du monde.
C'est d'ailleurs sur une réflexion forte de sens de Xinran à ce sujet que je souhaite conclure : "Quand la Chine a commencé à s'ouvrir, ce fut comme si un enfant affamé dévorait tout ce qui lui tombait sous la main sans faire de distinction. Plus tard, alors que le monde découvrait une Chine rose de bonheur dans ses nouveaux atours, qui ne hurlait plus de faim, la communauté des journalistes a assisté, muette, aux convulsions de ce corps ravagé par les douleurs de l'indigestion. Mais c'était un corps dont le cerveau était stérile car le cerveau de la Chine n'avait pas encore développé les cellules nécessaires pour absorber la vérité et la liberté. Le divorce entre ce qu'ils savaient et ce qu'il leur était permis de dire mettait à rude épreuve la santé mentale et physique des journalistes.".

"Chinoises" de Xinran fait partie de ces claques littéraires pour lesquelles on tend l'autre joue, un livre fort à lire de toute urgence pour découvrir une Chine vue de l'intérieur à travers le regard de femmes de tout milieu social, de tout âge, de toute profession, partageant uniquement leur identité de Chinoises.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2014 pour PAL en danger / Chute de PAL



Livre lu dans le cadre du Challenge Destination PAL

2 commentaires: