jeudi 19 avril 2012

Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia


Michel Marini avait douze ans en 1959. C'était l'époque du rock'n'roll et de la guerre d'Algérie. Lui, il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l'arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres. Ces hommes avaient franchi le Rideau de fer pour sauver leur peau. Ils avaient abandonné leurs amours, leur famille, trahi leurs idéaux et tout ce qu'ils étaient. Ils s'étaient retrouvés à Paris dans ce club d'échecs d'arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. Et ils étaient liés par un terrible secret que Michel finirait par découvrir. Cette rencontre allait bouleverser définitivement la vie du jeune garçon. Parce qu'ils étaient tous d'incorrigibles optimistes. (Le Livre de Poche)

Il s'agit du premier roman de Jean-Michel Guenassia et à voir le volume du livre et le sujet traité, c'est presque à se demander s'il n'a pas cherché à éblouir et frapper un grand coup en débutant avec une histoire à tiroirs pendant et après la guerre d'Algérie.

Ce livre est découpé par période et l'histoire principale couvre 1959 à 1964.
L'histoire débute en 1980 à l'occasion des funérailles de Jean-Paul Sartre et permet à Michel de replonger dans ses souvenirs et de raconter sa vie d'adolescent dans le début des années 60, sa découverte du Club des Incorrigibles Optimistes et des échecs.

Michel est un adolescent comme un autre, qui vit dans une famille en apparence soudée bien que ses parents viennent de milieux sociaux différents. Il se décrit ainsi à cette époque : "Ce qui m'intéressait dans la vie, c'était le rock'n'roll, la littérature, la photographie et le baby-foot."
Puis, il va changer et grandir, tout d'abord en rencontrant deux filles : Cécile, la petite amie de son frère aîné Franck et soeur de son ami Pierre, avec qui il aura une relation quelque peu ambiguë; et Camille : "Une de ses belles passantes que l'on ne sait pas retenir.", qui sera son premier flirt.
Puis en vivant la guerre d'Algérie au sein de sa famille, avec la désertion de Franck après son engagement, le rapatriement de ses oncle, tante et cousins, la mort de son ami Pierre quelques jours avant la fin des combats; et surtout avec l'éclatement de son noyau familial et la séparation de ses parents.

Il n'est pas possible de reprocher à ce livre des approximations du contexte historique, il est très minutieux dans la reconstitution de l'époque, avec un arrière fond sonore de baby-foot et de discussions animées à la terrasse d'un café.
Le contexte historique est double : la guerre d'Algérie et la fuite du régime soviétique communiste.
Ces deux thèmes sont assez bien traités, ne s'étendent pas trop sur les détails mais rendent assez fidèlement l'ambiance, pour le premier dans le Paris des années 60 mais aussi pour les rapatriés; pour le deuxième dans l'Union Soviétique communiste où les dénonciations sont courantes et les disparitions tout autant.
J'ai presque plus apprécié le deuxième contexte historique que le premier, notamment grâce à la partie se situant à Leningrad en 1952, qui met en place un véritable climat de terreur.
L'histoire se passe également dans le milieu littéraire de l'époque, ainsi le personnage de Michel va croiser Jean-Paul Sartre, Joseph Kessel, tandis que Cécile prépare sa thèse sur Louis Aragon.
Le contexte politique est en toile de fond, et s'il est souvent question de communisme, il n'y a aucune propagande.

Le personnage principal est Michel, tout gravite autour de lui et l'histoire est narrée de ses yeux d'adolescent, ce qui est plutôt un bon parti pris de la part de l'auteur.
J'ai trouvé que les femmes de ce roman étaient toutes plus ou moins mystérieuses et gardaient systématiquement une part de mystère, traversant l'histoire à un moment donné mais sans une présence continue, exception faite de la mère de Michel, comme pour marquer encore plus l'antagonisme homme/femme (il n'y a d'ailleurs aucune femme admise dans le Club).

Néanmoins, je reproche à ce livre une histoire trop "grandiose", qui cherche trop par moment à éblouir le lecteur et qui tourne parfois en rond sans avancer dans l'intrigue.
L'auteur aurait, à mon avis, gagné en fluidité du texte en réduisant certains passages plutôt que de s'étendre sur le passé des membres du club qui, il faut bien le dire, est à peu de chose près, le même pour tous.
Il n'y a aucune ellipse dans l'histoire et cela finit par la transformer en pavé. Il faut attendre les cent dernières pages pour avoir enfin un peu d'action et un nouveau souffle dans l'histoire.
Les différentes parties sont d'ailleurs inégales en longueur.

Sans doute l'auteur a-t-il cherché à éblouir le lecteur avec son premier roman, mais l'ampleur du projet est telle qu'il aurait nécessité un travail d'écriture plus minutieux et plus elliptique pour conserver un rythme et un souffle dans l'écriture.
Ce roman reste tout de même un beau portrait d'adolescent dans le Paris des années 60 avec sa découverte de la vie et d'une certaine philosophie grâce à un club d'échec fréquenté par Jean-Paul Sartre, Joseph Kessel mais surtout créé et animé par d'incorrigibles optimistes.

Ce livre a reçu le Prix Goncourt des Lycéens 2009

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