De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. Il y en avait un sur le mur d'en face. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de WINSTON... Au loin, un hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol courbe. C'était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n'avaient pas d'importance. Seule comptait la Police de la Pensée. (Gallimard)
"Big Brother vous regarde",
tel est le mantra de "1984" de George Orwell.
Et pour surveiller, Big Brother
surveille puisqu’il s’est immiscé au plus intime de chaque foyer de ce monde,
en tout cas en ce qui concerne les membres appartenant au Parti Intérieur et au
Parti Extérieur, les Prolétaires étant relativement épargnés par cette
surveillance, redécoupé en trois grandes puissances suite à des guerres
nucléaires dans les années 1950.
Il est d’ailleurs intéressant de
constater que le chiffre 3 a une place importante dans ce récit : 3
grandes puissances (Océania, Eurasia et Estasie), 3 classes sociales (le Parti
Intérieur, le Parti Extérieur, les Prolétaires), 3 personnages principaux
(Winston Smith, Julia et O’Brien), 3 parties distinctes (la rencontre
entre Winston et Julia, leur histoire d’amour, leur arrestation et le travail
de purge sur leur esprit) et un slogan composé de 3 phrases : "La guerre, c’est la paix. La liberté,
c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force.".
A travers cette dystopie, George
Orwell s’inspire grandement pour fonder son régime totalitaire des régimes
totalitaires staliniens et hitlériens.
Big Brother est représenté comme un
homme doté d’une moustache, il n’y a aucune équivoque sur la personne dont il
s’inspire, et comme dans les régimes
staliniens il y a des purges touchant y compris les plus fervents membres du
parti et le trucage de l’histoire (notamment des photos) et la propagande y
sont monnaie courante.
Il emprunte également des aspects du
fascisme, l’auteur ne s’en cache pas puisqu’il nomme par le biais du personnage
d’O’Brien ces différents régimes totalitaires.
Mais le sien va plus loin, il touche
quasiment à la perfection et à l’aboutissement du régime totalitaire, à tel
point que j’ai eu le sentiment tout au long de ma lecture qu’avec un tel régime
l’Humanité courait de toute façon à sa perte, que ce n’était qu’une question de
temps.
Tout est très bien rodé et il n’y a
aucune place pour les opposants ou les gêneurs, puisque de toute façon ils
finissent à un moment ou à un autre par être vaporisés et disparaître
définitivement de la surface de la Terre et de la mémoire collective.
Là où George Orwell va encore plus
loin, c’est qu’au final Big Brother ne pourrait être qu’une création du Parti,
tout comme son ennemi juré l’opposant politique Emmanuel Goldstein.
La manipulation des esprits et des
foules est poussée à l’extrême, les sentiments amoureux sont annihilés, les
personnes ne sont plus que des êtres obéissants et dénoués de toute réflexion
personnelle.
Et comme faire et défaire c’est
toujours faire quelque chose, la langue est sans cesse revue, le novlangue
prenant le pas sur l’ancilangue vouée à disparaître (mais on se doute bien que
le sort du novlangue sera le même).
Néanmoins, j’ai été dérangée par un
aspect dans ce récit, c’est la bêtise et la naïveté profonde de Winston et de
Julia.
Ils foncent dans le piège tête
baissée, ils suivent et font aveuglément confiance à O’Brien sans avoir à aucun
moment un doute leur effleurant l’esprit.
Pour quelqu’un comme Winston
imperméable aux mensonges et aux manipulations du Parti, c’est peu crédible.
Finalement, le côté humain est un peu
trop délaissé au profit de la mécanique du régime totalitaire.
Quant à l’absence totale des
Etats-Unis, elle est incompréhensible, d’autant plus qu’à l’époque où ce livre
fut écrit ils devenaient la première puissance mondiale au lendemain de la
Seconde Guerre Mondiale.
"1984" est un livre
marquant par l’implacabilité et la perfection du régime totalitaire qu’il
dépeint, la fin du monde étant proche à brève échéance, mais j’ai tout de même
été contente de refermer ce livre très noir, si peu optimiste et sans aucune
lueur d’espoir.
Lire "1984", c’est lire un
cauchemar dont on souhaite qu’il ne devienne jamais réalité.
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