vendredi 27 juillet 2012

Inquisitio






Depuis toujours (ou presque), j’ai été attirée par les sagas, notamment celles de l’été qui permettent de passer, en général, des soirées agréables.

Certes, la dernière en date, "La maison des Rocheville", était un nanar que j’avais même proposé d’adopter mais comme je n’ai pas dit "Fontaine – enfin saga de l’été – je ne boirai plus de ton eau" je suis repartie en ce mois de juillet avec la saga proposée par France 2 : "Inquisitio".
A noter que j’étais déjà repartie dans les sagas en suivant "Rani", l’Angélique des Indes, cet hiver.

Pour situer le contexte, l’histoire se passe au Moyen-Âge (dans les années 1370), en France, en Avignon plus précisément, au moment du Grand Schisme d’Occident avec deux papes à la tête de la Chétienneté : l’un à Rome et l’autre à Avignon ; mais également au moment de l’Inquisition.
Il y a quelques années, la peste noire a décimé une bonne partie de la population européenne, à commencer par la France, et c’est avec crainte que les habitants redoutent le mal noir.

C’est sûr, j’ai un peu grincé des dents en regardant le premier épisode vu les libertés historiques prises (la Sainte Catherine de Sienne n’est tout de même pas transformée en putain mais en fanatique religieuse n’hésitant pas à s’allier avec le Démon pour parvenir à ses fins), mais au final j’ai fini par en prendre mon parti, en me disant qu’il s’agissait d’une fiction et qu’il avait, de toute façon, bien fallu arranger certaines choses pour faire cadrer l’histoire.
Et surtout, je n’ai pas compris le déchaînement médiatique et sur internet des Catholiques, qui frisaient voire dépassaient les bornes de l’intégrisme religieux, en dénonçant cette série, disant qu’il s’agissait d’un brûlot anti-catholique.
Là c’est clairement du grand n’importe quoi et ne même plus arriver à distinguer la réalité de la fiction c’est franchement malheureux, en plus d’être inquiétant.
Cela voudrait donc dire qu’en France on rejette viscéralement l’imaginaire et la fiction ?
Il ne faudrait donc faire que des séries constituées exclusivement de faits véridiques, prouvés, en gros, des documentaires ?
Et bien, c’est malheureux tout ça, qu’en France on ne sache plus ce qu’est une fiction et qu’on ne le comprenne plus.
Il est temps de réapprendre la fiction.
A ce sujet il y a un article très intéressant du site A-Suivre  - Le Village sur ce sujet : http://www.a-suivre.org/levillage/polemique-apres-inquisitio-france-et-fiction-le-divorce.html

Pour en revenir à Inquisitio, cette série contient tous les ingrédients d’une saga de l’été : une famille divisée avec un secret, une maison de famille, une sorcière (rousse, certes ça fait un peu cliché mais toujours moins que Rani-la-belle-jeune-femme-en-détresse), une histoire d’amour (très légère pour le coup), des méchants, un évènement (ici la peste), de la magie, quelques pouvoirs surnaturels (don de prescience), et un couple (plus qu’) improbable où je suis quelque peu frustrée par la fin.
Ah non, le dernier point ne fait pas partie des ingrédients d’une saga de l’été, c’est juste mon ingrédient personnel qui sert à alimenter ma frustration permanente et ma propension plus qu’inquiétante à m’attacher/imaginer des couples improbables (pourtant là j’aurai vraiment aimé le voir, je peux même rédiger une thèse sur le sujet s’il le faut ! D’ailleurs s’il y a une saison 2, je peux écrire un courrier pour justifier mon point de vue, ou simplement satisfaire mon imagination débordante. Et si je pensais à un scénario ?).
Du côté des personnages ils sont tous attachants, si, si, même les méchants (car, je vais y venir plus loin, le méchant n’est pas celui que l’on croit).
La famille De Naples est particulièrement attachante, avec une relation forte entre le père, Samuel, et sa fille, Aurore, la mère étant morte en la mettant au monde, mais également avec David, le grand-père d’Aurore.
Tandis que son autre grand-père, rabbin, reproche toujours à Samuel et à Aurore la mort de sa fille unique.
C’est une grande douleur qui habite ce personnage et Samuel n’en prendra la mesure qu’à la fin.
Le personnage du grand Inquisiteur, le redoutable Guillermo Barnal, apparaît comme le méchant de l’histoire.
En fait, il n’en est rien et c’est presque le personnage le plus attachant car il condense à lui seul toute la complexité humaine : il est sûr de ses convictions et a voué sa vie à Dieu mais dans le même temps il est rongé par une faute qu’il porte depuis petit et pour laquelle il s’est mutilé en se crevant un œil, en guise de punition et pour ne pas oublier.
Et c’est un homme qui détient un grand savoir et qui s’y connaît en science.
Même s’il s’oppose à Samuel de Naples qui défend une forme de science et la médecine, il est lui-même un homme de science, dans une autre mesure.
Et si la relation père/fille chez les de Naples est forte, je trouve que celle entre l’Inquisiteur et Silas, son novice, l’est tout autant mais dans une autre dimension.


Si le spectateur développe une empathie immédiate pour le personnage de Samuel de Naples, elle se développe sur la durée pour celui de Guillermo Barnal, c’est là l’une des réussites des scénaristes.
Le vrai méchant de l’histoire, c’est Turenne, et même si on déteste le personnage, il faut bien avouer que l’histoire serait un peu creuse sans lui. Et dans les deux derniers épisodes, il a des remarques amusantes, il apporte une légère touche d’humour à une série sombre.
Quant à Madeleine, la sorcière, je ne dirai pas que je n’ai pas aimé le personnage, au contraire il apporte un quelque chose à l’histoire, et sa relation avec Aurore est intéressante : sans enfant elle lui transmet son savoir car cette dernière a un don de voyance ; mais j’ai une légère impression que ce personnage n’a pas été exploité à fond, ou alors trop tardivement.


Ce qui m’a intéressé avec ce personnage, comme pour celui d’Aurore d’ailleurs, c’est que ce sont deux femmes en avance sur leur temps, qui veulent être traitées à égalité des hommes et qui ne comprennent pas pourquoi elles n’ont pas les mêmes droits (à l’époque elles n’en ont même pas beaucoup voire pas). Elles ne se laissent pas dicter leur conduite par les hommes, c’est vrai pour Madeleine et on sent bien que cela sera aussi le cas pour Aurore, qui d’ailleurs malgré son jeune âge comprend très bien des notions de trahison ou de rejet et qui un père plutôt compréhensif, l’absence de mère y étant sans doute aussi pour quelque chose dans cette relative liberté qui lui est accordée.


Cette série permet de montrer à la fois le monde Chrétien divisé avec deux papes, et le quartier Juif de Carpentras, la Carrière.


Le réalisateur de la série le reconnaît lui-même, il présente une version du Moyen-Age telle qu’il l’a imaginée, c’est-à-dire un mélange entre l’historique, la science-fiction et le jeu vidéo.
Dis comme cela, ça pourrait faire peur mais au final, le résultat visuel est plus que réussi et ça ne choque pas outre mesure, d’autant plus que c’est complètement assumé par Nicolas Cuche.
Il se dégage de l'histoire des relents du "Nom de la rose" mais j'ai interprété ça comme un hommage, ça fait clin d'oeil plutôt que pâle copie.
Du point de vue de la mise en scène c’est très bien fait, il y a mêmes de très jolies scènes qui n’ont rien à envier aux séries américaines, notamment une de mise à nu de Barnal dans une Eglise face au Dieu qu’il sert.
Et puis le réalisateur a su créer une ambiance, c’est une histoire relativement sombre et brumeuse, qui se passe souvent de nuit et/ou en forêt.
L’un des atouts est un tournage exclusif en décors réels et non en studio, et de surcroît uniquement dans des sites français.
A l’heure où les séries ou films partent tourner à l’étranger des histoires se passant en France, il est bon de le souligner.
Certes, on voit un peu trop de rats pendant les premiers épisodes, inutile d’en montrer tout le temps, tout d’abord car nous ne sommes pas à Fort Boyard et surtout on sait très bien que la peste va finir par arriver.
Quelques rats une ou deux fois, le message est tout aussi clair.
Le prologue peut apparaître long mais il est nécessaire pour comprendre la suite de l'histoire.


Du point de vue des dialogues, je reconnais que certains peuvent être catalogués en "culte" tant ils sont prévisibles et téléphonés.
Ils sont aussi parfois un peu trop modernes.
Mais le scénario se tient et se déroule au fil des épisodes.
Je viendrai vous parler d’ici quelques temps du livre, histoire de comparer et de donner mes impressions.
Les acteurs sont tous bien choisis, Aurélien Wiik attire tout de suite la sympathie, Hubert Saint-Macary campe un David de Naples patriarche et protecteur, Annelise Hesme a enfin un premier grand rôle sur mesure, mais LA révélation de cette série, c’est Vladislav Galard interprétant Guillermo Barnal.
Totalement inconnu jusqu’à alors, il explose littéralement l’écran et je pense que l’on reverra cet acteur, en tout cas je le souhaite vraiment car il joue particulièrement bien et s’est approprié le personnage d’une façon intelligente pour le retranscrire à l’écran, ce qui n’était pas gagné d’avance.
Du côté des jeunes, ça fonctionne bien aussi pour Lula Cotton-Frapier (Aurore) et Quentin Merabet (Silas), premiers rôles importants et prestations toujours justes.
Ca détonne un tantinet avec Anne Brochet, j'adore cette actrice et je ne remets pas en cause la qualité de son jeu, elle n'a juste absolument pas l'âge de Catherine de Sienne (mais comme d'un autre côté il n'y a aps grand chose à voir avec la vraie ça n'est pas si grave).
Pour finir, je dirai quelques mots sur la bande son, particulièrement soignée de Christophe La Pinta.
Elle est à la fois classique/religieuse et moderne avec des guitares électriques, elle se marie à merveille avec les images, je n’ai rien à dire de ce côté-là.

"Inquisitio", c’est fini, mais cette série fut une découverte intéressante, j’ai pris du plaisir à la regarder, loin des polémiques et des déchaînements d’une minorité.
A l’origine tout de même, je tiens à le préciser, cette série n’était pas prévue pur une diffusion durant l’été, son thème ne se prêtant pas vraiment à cette période de l’année.
Maintenant ça va me manquer de ne plus avoir ma petite dose de tortures hebdomadaires, promise que j’étais au bûcher … .
A revoir ou à découvrir pour passer un agréable moment.

5 commentaires:

  1. J'ai suivi cette saga moi aussi. Je l'ai trouvée très plaisante même si, comme toi, j'ai grincé des dents devant certains aménagements historiques.

    Par ailleurs, je suis pratiquante et croyante, mais je ne vois pas pourquoi crier au bûcher : ce n'est qu'une saga, une fiction. En a-t-on fait autant avec Dan Brown et son Da Vinci Code ?

    Je retiendrai de cette saga les quatre soirées de LiveTweet que j'ai vécues avec de nombreux Twittos. C'était très drôle, très sympathique !

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  2. @ Lili : Merci, nous avons la même compréhension, il s'agit d'une fiction, inutile de crier au loup (je suis également croyante).
    Au contraire, certains criaient "au génie" ...
    J'ai vu ça, j'avais un peu décroché de Twitter ces derniers mois (manque de temps) ça m'a redonné envie d'y retourner en tout cas !

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  3. je ne suis pas en accord avec ce que je viens de lire . Une fiction se doit de respecter le cadre historique et le déroulement des évènements : à ce moment là toutes les fictions se déroulant pendant le dernière guerre peuvent prendre des libertés avec le rôle des résistants , des collaborateurs et pourquoi pas modifier le role de Jean Moulin pour servir le scénario et le rendre meilleur ?

    Ce n'est pas non plus parce qu'il s'agit d'une fiction religieuse qu'il faut prendre des libertés quelle que soit la religion mise en cause .
    En ce qui concerne le Da Vinci code, il a été interdit par le vatican et je ne pense pas que le pape et la curie romaine soient des intégristes plein pot .

    De même que j'aime qu'un film respecte le livre dont il est tiré j'aime aussi que la réalité historique soit respectée .

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  4. @ Marie : il y a prise de liberté et prise de liberté. Si aucune prise de liberté ne peut être faite dans ce cas toutes les fictions sont à bannir car elles ont toutes au moins une prise de liberté ou un arrangement pour convenir à l'histoire, d'ailleurs elles ne s'appelleraient plus fictions mais documentaires. Transformer Jean Moulin en collaborateur et Hitler en homme gentil, doux, attentionné de son prochain (je pousse le trait) c'est trop et effectivement je ne suis pas d'accord.
    Maintenant il n'y avait rien de choquant dans le Moyen-Âge présenté, ni dans les quelques prises de liberté historiques (même si j'ai bondi ce n'était pas au point d'éteindre la télévision aussi sec et de balancer la télécommande).
    C'était en tout cas moins grossier que dans les Tudor par exemple, raison pour laquelle, entre autres, j'ai arrêté de regarder cette série (série par contre encensée dans bien des pays, notamment la France, c'est un beau paradoxe : la fiction française est décriée pas celle américaine !). Ce que je tenais surtout à souligner en écrivant cela c'est, comme indiqué dans l'article du Village, que cela a déclenché un tollé en France alors que ces mêmes personnes qui criaient au scandale applaudissent des séries comme Les Tudor ou Docteur Who qui esquintent largement plus la réalité historique.
    Je t'assure que la polémique religieuse n'avait pas sa place, aucune religion n'était montrée du doigt ni esquintée. Au contraire, comme dans "Les rois maudits" on voyait la vie du quartier Juif et leurs préoccupations (ils étaient sollicités pour donner de l'argent en échange d'une protection), on saisissait bien les craintes qui existaient déjà à l'époque.
    Où je suis inquiète, c'est qu'en France on ne sait plus rêver, ni faire du fantastique depuis bien longtemps (plus c'est tordu, avec une grande réflexion psychologique sur le pourquoi du comment, mieux c'est), et que la fiction est en train de mourir à grand feu. L'élitisme culturel c'est bien, mais poussé à une forme d'extrême comme c'est le cas, c'est la mort de l'imagination.

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  5. alors je réfute toujours l'idée de ne pas respecter le coté religieux non pas parce que je suis une grenouille de bénitier encore heureux mais parce que je n'aime pas qu'on s'éloigne de la réalité , tout comme je n'aime pas qu'on s'éloigne de la réalité historique sur ce point de vue je ne changerai pas d'avis .

    En revanche en France vouloir allier le fantastique et le coté historique semble impossible visiblement pour les scénaristes ou pour un réalisateur à chaque fois ça ne colle pas et je ne rentre pas dedans .
    Je pense que malheureusement en France nous ne maitrisons pas le fantastique : j'ai vu Dolmen , Zodiaque et pas mal de séries françaises fantastiques mais à chaque fois c'était raté la série s'enlise , il semblerait que les américains en revanche maitrise ce domaine mieux que nous hélas .
    comme tu me le disais il y a pourtant matière a faire en France je pense au horla de maupassant , à Kafka , ce n'est pas les livres fantastiques qui manquent .

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