Le 27 octobre 1949, le nouvel avion d’Air France, le
Constellation, lancé par l’extravagant M. Howard Hughes, accueille trente-sept
passagers. Le 28 octobre, l’avion ne répond plus à la tour de contrôle. Il a
disparu en descendant sur l’île Santa Maria, dans l’archipel des Açores. Aucun
survivant. La question que pose Adrien Bosc dans cet ambitieux premier roman
n’est pas tant comment, mais pourquoi ? Quel est l’enchaînement d’infimes
causalités qui, mises bout à bout, ont précipité l’avion vers le mont Redondo ?
Quel est le hasard objectif, notion chère aux surréalistes, qui rend «
nécessaire » ce tombeau d’acier ? Et qui sont les passagers ? Si l’on connaît
Marcel Cerdan, l’amant boxeur d’Édith Piaf, si l’on se souvient de cette
musicienne prodige que fut Ginette Neveu, dont une partie du violon sera
retrouvée des années après, l’auteur lie les destins entre eux. (Stock)
Comme beaucoup de monde, de la catastrophe aérienne du 28
octobre 1949 je n’ai retenu que la disparition du boxeur Marcel Cerdan, le
grand amour d’Edith Piaf, et très vaguement celle de la violoniste virtuose Ginette
Neveu.
Lire un roman traitant d’une catastrophe aérienne après une
année 2014 particulièrement meurtrière et une année 2015 qui en prend la même
tournure était-il une bonne idée ?
Et bien sans hésitation : oui, car entre 1949 et
aujourd’hui l’aéronautique a fait beaucoup de progrès ; et surtout, Adrien
Bosc a eu l’idée géniale de s’interroger sur le pourquoi de cette catastrophe
et de redonner vie l’espace de quelques lignes à toutes les personnes
disparues.
C’est dans l’archipel des Açores que cet avion va
disparaître, trouvant sa dernière demeure au sommet du mont Redondo :
"Au sommet du mont Redondo, une âme veille au salut de quarante-huit
naufragés du ciel.".
Nous sommes bien peu de chose (et mon amie la rose me l’a
encore dit ce matin), mais nous avons bien souvent tendance à l’oublier, à nous
croire indestructibles.
Pourtant d’un abri solide et fiable, le nouvel avion
Constellation d’Air France issu de l’imagination de Howard Hughes, il ne
restera plus que des miettes éparpillées aux quatre coins d’un mont :
"D’un corps solide aérodynamique et étincelant l’avion est disséminé en un
amas de tôles.".
C’est aussi ce qu’il restera des trente-sept passagers et
onze membres d’équipage, des miettes, des reliquats, des morceaux de ce qu’ils
ont été et de ce qu’ils ont chéri, à l’image du Stradivarius de Ginette Neveu.
Mais qu’est-ce qui a poussé ces personnes à se trouver
ensemble dans cet avion ? Quelles ont été leurs motivations ?
Pour Marcel Cerdan rejoindre plus rapidement Edith à New
York, pour Ginette Neveu et son frère une tournée, pour d’autres l’espoir d’un
nouveau départ aux Etats-Unis, pour certains une nouvelle vie.
Ces personnes n’avaient rien en commun, hormis le destin,
qui leur fut des plus cruels.
C’est tout cela que s’attache à démontrer Adrien Bosc dans
son roman, mais aussi qu’il n’y avait de toute façon rien à y faire, le destin
avait décidé pour eux que l’heure de leur mort était venue, rien n’aurait pu y
changer : "Plus l’oracle est précis, moins on l’écoute, telle est la
leçon de Cassandre. Et quand il est entendu, tout geste contraire concourt à
son accomplissement, se débattre, rebrousser chemin fait partie du jeu, telle
est la leçon de l’oracle de Delphes. En somme, nul n’échappe à son
destin.".
Je trouve que pour un premier roman, Adrien Bosc s’est lancé
un beau défi : celui de s’interroger sur le hasard qui met en relation des
personnes entre elles, et le destin.
J’ai beaucoup aimé son style et la construction de son
récit, alternant les chapitres entre le vol jusqu’à la catastrophe et les
flashbacks pour narrer le passé de tous les personnages.
Même si l’issue est connue il y a un certain suspens qui est
entretenu dans tout le récit, j’ai été piquée au jeu et c’est quasiment d’une
traite que j’ai lu ce roman.
Adrien Bosc livre avec "Constellation" un premier
roman ambitieux et maîtrisé qui restera parmi mes belles découvertes littéraires
2015.
C’est avec impatience que j’attends désormais son deuxième
roman.
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