jeudi 12 novembre 2015

Constellation d'Adrien Bosc


Le 27 octobre 1949, le nouvel avion d’Air France, le Constellation, lancé par l’extravagant M. Howard Hughes, accueille trente-sept passagers. Le 28 octobre, l’avion ne répond plus à la tour de contrôle. Il a disparu en descendant sur l’île Santa Maria, dans l’archipel des Açores. Aucun survivant. La question que pose Adrien Bosc dans cet ambitieux premier roman n’est pas tant comment, mais pourquoi ? Quel est l’enchaînement d’infimes causalités qui, mises bout à bout, ont précipité l’avion vers le mont Redondo ? Quel est le hasard objectif, notion chère aux surréalistes, qui rend « nécessaire » ce tombeau d’acier ? Et qui sont les passagers ? Si l’on connaît Marcel Cerdan, l’amant boxeur d’Édith Piaf, si l’on se souvient de cette musicienne prodige que fut Ginette Neveu, dont une partie du violon sera retrouvée des années après, l’auteur lie les destins entre eux. (Stock)

Comme beaucoup de monde, de la catastrophe aérienne du 28 octobre 1949 je n’ai retenu que la disparition du boxeur Marcel Cerdan, le grand amour d’Edith Piaf, et très vaguement celle de la violoniste virtuose Ginette Neveu.
Lire un roman traitant d’une catastrophe aérienne après une année 2014 particulièrement meurtrière et une année 2015 qui en prend la même tournure était-il une bonne idée ?
Et bien sans hésitation : oui, car entre 1949 et aujourd’hui l’aéronautique a fait beaucoup de progrès ; et surtout, Adrien Bosc a eu l’idée géniale de s’interroger sur le pourquoi de cette catastrophe et de redonner vie l’espace de quelques lignes à toutes les personnes disparues.
C’est dans l’archipel des Açores que cet avion va disparaître, trouvant sa dernière demeure au sommet du mont Redondo : "Au sommet du mont Redondo, une âme veille au salut de quarante-huit naufragés du ciel.".
Nous sommes bien peu de chose (et mon amie la rose me l’a encore dit ce matin), mais nous avons bien souvent tendance à l’oublier, à nous croire indestructibles.
Pourtant d’un abri solide et fiable, le nouvel avion Constellation d’Air France issu de l’imagination de Howard Hughes, il ne restera plus que des miettes éparpillées aux quatre coins d’un mont : "D’un corps solide aérodynamique et étincelant l’avion est disséminé en un amas de tôles.".
C’est aussi ce qu’il restera des trente-sept passagers et onze membres d’équipage, des miettes, des reliquats, des morceaux de ce qu’ils ont été et de ce qu’ils ont chéri, à l’image du Stradivarius de Ginette Neveu.
Mais qu’est-ce qui a poussé ces personnes à se trouver ensemble dans cet avion ? Quelles ont été leurs motivations ?
Pour Marcel Cerdan rejoindre plus rapidement Edith à New York, pour Ginette Neveu et son frère une tournée, pour d’autres l’espoir d’un nouveau départ aux Etats-Unis, pour certains une nouvelle vie.
Ces personnes n’avaient rien en commun, hormis le destin, qui leur fut des plus cruels.
C’est tout cela que s’attache à démontrer Adrien Bosc dans son roman, mais aussi qu’il n’y avait de toute façon rien à y faire, le destin avait décidé pour eux que l’heure de leur mort était venue, rien n’aurait pu y changer : "Plus l’oracle est précis, moins on l’écoute, telle est la leçon de Cassandre. Et quand il est entendu, tout geste contraire concourt à son accomplissement, se débattre, rebrousser chemin fait partie du jeu, telle est la leçon de l’oracle de Delphes. En somme, nul n’échappe à son destin.".
Je trouve que pour un premier roman, Adrien Bosc s’est lancé un beau défi : celui de s’interroger sur le hasard qui met en relation des personnes entre elles, et le destin.
J’ai beaucoup aimé son style et la construction de son récit, alternant les chapitres entre le vol jusqu’à la catastrophe et les flashbacks pour narrer le passé de tous les personnages.
Même si l’issue est connue il y a un certain suspens qui est entretenu dans tout le récit, j’ai été piquée au jeu et c’est quasiment d’une traite que j’ai lu ce roman.

Adrien Bosc livre avec "Constellation" un premier roman ambitieux et maîtrisé qui restera parmi mes belles découvertes littéraires 2015.

C’est avec impatience que j’attends désormais son deuxième roman.

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