samedi 14 novembre 2015

Persepolis - Tome 2 de Marjane Satrapi


1982 : il pleut des bombes irakiennes à Téhéran et Marjane a douze ans. A peu près l'âge des gamins, ceux de la femme de ménage s'entend, qui seront envoyés sur les champs de bataille munis d'une clé en plastique censée leur ouvrir les portes du paradis. Après avoir fait connaissance avec la révolution et ses corollaires terrifiants, Marjane découvre la guerre à sa fenêtre et apprend à faire la différence entre un Mig et un F14. C'est la guerre. Alors, comme dans toutes les guerres, on tâche de ne pas se laisser abattre: on s'aime, on boit, on se déchire, on s'entraide, on se méfie des voisins et on attend la fin. On grandit aussi un peu plus vite car on vit plus intensément, et la vie de suivre ou non son cours, Inch'Allah ou au petit bonheur la chance. A douze ans, on voit grand, et Marjane n'est pas du genre à s'en laisser compter. Ses parents non plus, qui prendront le risque de lui rapporter de Turquie des posters d'Iron Maiden et de Kim Wilde ou d'organiser des fêtes interdites. (L'Association)

Ce deuxième tome de "Persepolis" s'ouvre sur un événement dont j'ai appris l'existence avec le film "Argo" : la prise d'otages à l'ambassade des Etats-Unis.
Dès le début le ton est donné, la révolution culturelle Iranienne bat son plein, les universités sont fermées et Marjane voit alors l'un de ses rêves s'écrouler : "Plus d'universités ... Et moi qui voulais devenir chimiste. Moi qui voulais faire comme Marie Curie. Je voulais être une femme savante et émancipée. Je voulais attraper un cancer pour la science.".
Bien vite, le pays s'enfonce dans un obscurantisme, la révolution islamiste ne se contente pas de fermer les lieux d'instruction et de réécrire l'histoire de l'Iran, le port du voile est décrété obligatoire pour toutes les femmes, soit-disant pour les protéger des hommes : "Ainsi donc pour protéger les femmes de tous les violeurs potentiels, le port du voile fut décrété obligatoire.", certains fuis le pays tandis que des purges d'opposants politiques se mettent en place.
Puis, c'est la guerre Iran-Irak qui éclate, un conflit qui durera huit ans et coûtera la vie à de nombreuses personnes, le régime au pouvoir n'hésitant pas à faire sortir de prison des opposants politiques afin de les envoyer se battre et mourir en héros.
J'ai trouvé particulièrement belle et juste une phrase d'une camarade de classe de Marjane alors que celle-ci tente de la consoler de la mort de son père : "J'aurais préféré qu'il reste en prison vivant, que héros mais mort.".
L'histoire traite également de l'enrôlement/endoctrinement de nombreux jeunes gens sous la promesse d'un paradis certain à leur mort, pour cela on leur remettait une clef qu'il devait porter sur eux : "La clef du paradis, c'était pour les démunis. En leur assurant une vie meilleure, des milliers de jeunes, leur clef autour du cou explosèrent sur les champs de mines.".
Une nouvelle fois, Marjane Satrapi a su choisir avec justesse les mots pour raconter son histoire et les souffrances de tout un peuple.
Elle parle des conditions de vie difficiles des Iraniens, des pénuries dans les supermarchés, des bombes larguées sur Téhéran, de la mort qui rôde de plus en plus, du déchirement des familles séparées à travers son oncle mourant dont le seul souhait est de revoir son fils vivant aux Pays-Bas.
L'Iran est un pays qui s'est alors refermé sur lui-même, tout ce qui est occidental y est banni et une nouvelle fois, Marjane peut compter sur le courage (et l'amour) de ses parents qui bravant les interdits et rusant vont lui ramener de Turquie des biens interdits en Iran, comme la dernière paire de baskets Nike ou un badge de Michael Jackson.
Pourtant, cela n'empêche pas les personnes de se procurer une partie de ces biens, par le biais du marché noir évidemment.
La terreur commence à régner partout, à travers les gardiennes de la révolution avec qui Marjane va passer un sale quart d'heure qui aurait pu lui coûter bien plus cher.
Marjane continue à grandir, elle se rebelle contre sa mère, en fumant sa première cigarette, continue à dire ce qu'elle pense et à s'habiller comme le souhaite, mais cela devient trop dangereux pour elle.
Et c'est sans doute l'une des plus belles preuves d'amour que ses parents vont lui faire, pour lui permettre de continuer à étudier et à vivre une vie normale, ils vont l'envoyer en Autriche, loin d'eux parce qu'ils savent que c'est la seule solution et la meilleure chose à faire pour leur fille : "On préfère t'avoir loin de nous et heureuse, plutôt que proche mais malheureuse et vu la situation, tu te porteras mieux ailleurs qu'ici.".
Ce passage est pour moi l'un des plus émouvants de la bande dessinée, j'ai trouvé ce geste magnifique, très fort mais aussi très douloureux.
Qu'il en faut de l'amour pour laisser partir sa fille pour lui offrir un avenir meilleur.
A cette occasion, la grand-mère de Marjane va lui dire une phrase très importante, qui lui restera toute sa vie : "Dans la vie tu rencontreras beaucoup de cons. S'ils te blessent, dis-toi que c'est la bêtise qui les pousse à te faire du mal. Ça t'évitera de répondre à leur méchanceté. Car il n'y a rien de pire au monde que l'amertume et la vengeance. Reste toujours digne et intègre à toi-même.".
D'ailleurs, la scène de cette dernière nuit où Marjane dort avec sa grand-mère est l'une des plus émouvantes, ainsi que celle du départ à l'aéroport avec ses parents.
Qu'est-ce que j'aime la grand-mère de Marjane Satrapi, c'est une personne qui aura réussi à me tirer les larmes aux yeux plusieurs fois au cours de ma lecture.

Ce deuxième tome m'a une nouvelle fois transportée dans l'Iran des années quatre-vingt, j'y ai appris bon nombre de choses à travers une histoire particulièrement émouvante et un graphisme des plus réussis, c'est donc tout naturellement que je me suis dirigée vers le troisième tome pour découvrir la vie de Marjane en Autriche.

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