dimanche 8 novembre 2015

Manderley for ever de Tatiana de Rosnay


« La nuit dernière, j’ai rêvé que je retournais à Manderley », cette phrase mythique a transporté des générations de lecteurs. Rebecca ou Les Oiseaux, immortalisés par Alfred Hitchcock, ont enthousiasmé des millions de spectateurs. Mais que sait-on réellement de la vie de Daphné du Maurier ? Tatiana de Rosnay, en admiratrice inconditionnelle, s’est lancée sur ses traces. Sans rien occulter, allant de découvertes en surprises, elle dresse le portrait d’une romancière énigmatique, auteur d’une œuvre sombre souvent dérangeante. Attachée à ses racines françaises, fille d’un père adoré gloire du théâtre londonien, épouse du général Browning, Daphné du Maurier eut en apparence la vie lisse d’une mère de famille. Mais le goût du secret qui caractérise ses romans se reflète dans ses liaisons clandestines dont certaines avec des femmes. Manderley forever raconte une histoire haletante, qui débute à Mayfair, sous le signe de Peter Pan, et s’achève à Kilmarth, la maison du bord de l’océan, après un détour par Menabilly, manoir de Cornouailles, pour lequel Daphné du Maurier nourrissait une passion dévorante. Plus qu’une biographie littéraire, Manderley forever est le roman vrai d’une femme libre persuadée que le bonheur n’est pas un objet à posséder mais un état d’âme. (Albin Michel)

Daphné du Maurier fait partie de mes auteurs préférés, j'ai lu quelques-uns de ses romans, en commençant bien évidemment par "Rebecca", j'en ai même déjà relu plusieurs, et cette biographie signée par Tatiana de Rosnay ne m'était pas inconnue.
Pourtant, j'aime énormément cette auteur, je savais qu'elle avait des ancêtres Français, mais je ne m'étais jamais intéressée plus que cela à sa vie.
C'est d'ailleurs le cas de la grande majorité des auteurs que je lis, je les apprécie pour leurs œuvres, le reste est secondaire.
Après tout, pourquoi ne pas pousser la porte et visiter l'envers du décors.

J'avoue avoir été piquée au jeu, dans le sens où ce roman a le mérite de rendre de plus en plus curieux le lecteur sur la vie de Daphné du Maurier.
Je ne savais pas à quel point son père avait été proche de James Barrie, l'auteur de "Peter Pan", ni qu'elle avait deux sœurs avec qui elle est restée proche toute sa vie.
La famille Du Maurier n'est pas ordinaire, très jeune les parents encouragent leurs aptitudes artistiques, la jeune Daphné restera d'ailleurs marquée par l'une des gouvernantes qu'elle utilisera plus tard dans son chef d'oeuvre "Rebecca" : "Jamais elle n'oubliera Milton Hall, ni la longue robe noire de Mme Parker.".
Daphné est une personne complexe, pendant longtemps elle tiendra plus du garçon manqué que de la fille coquette, elle sent le carcan qui entoure sa condition de femme et dès son plus jeune âge elle cherche à s'en débarrasser : "Pourquoi ne suis-je pas un homme ? Les hommes font toutes les choses qui demandent du courage.".
Une phrase résume assez bien la personnalité de Daphné du Maurier : "Elle préfère heurter les consciences que de laisser indifférent.".
Et il est sûr qu'elle va heurter les consciences, en développant des sentiments amoureux à l'égard de femmes, la première étant Mlle Fernande Yvon avec qui elle restera en relation toute sa vie durant, un aspect de sa vie qui sera pendant longtemps gardé secret; mais aussi en écrivant des romans sombres, qualifiés de romans gothiques, mettant en scène des personnages torturés psychologiquement avec une emprise là aussi psychologique sur d'autres personnages.
Qui aurait pu s'attendre à ce que tant de noirceur vienne d'une femme telle que Daphné du Maurier.
Dans ce livre, on ressent aussi que Daphné du Maurier, c'est la vie par l'écriture, et quasiment uniquement par ce biais.
Certes, elle aime son mari, mais elle le laissera pourtant seul bien souvent (ce qui ne sera pas sans impact sur sa vie conjugale), elle délaissera aussi ses deux filles pendant plusieurs années et s'attachera de façon prononcée à son fils, en somme pas tout à fait l'exemple d'une mère, elle n'hésitera pas non plus à se détacher de sa mère et de ses sœurs, tout ça pour réussir à mieux crééer et coucher sur papier toutes les idées d'histoires qui lui traversent l'esprit : "Comment leur faire comprendre, à tous, sans les blesser, sans les heurter, que sa priorité, ce n'est ni son enfant, ni son mariage, ni sa mère, ni ses sœurs, c'st écrire ?".
Sans l'écriture, Daphné du Maurier n'est plus grand chose : "Un romancier qui n'écrit plus est une entité sans vie. Un mort vivant.", il n'y a qu'à s'intéresser aux dernières années de sa vie pour le constater; mais dans ce livre elle est aussi présentée comme une personne dessinant nettement les contours de ce que doit être réellement un écrivain et de la façon dont il doit se comporter : "Daphné ne se laisse pas abattre; selon elle, un romancier doit être libre, ne doit pas écrire pour les autres, et doit apprendre à ne pas craindre les réactions d'autrui.".
Je partage assez son point de vue et j'ai trouvé intéressantes les parties qui concernent justement le comportement de Daphné du Maurier face aux critiques et à l’accueil de chacun de ses romans par le public du monde entier.
Tout comme celles qui traitent de l'adaptation cinématographique de plusieurs de ses romans, particulièrement par Alfred Hitchcock, dont elle apprécie très moyennement le résultat à l'écran.
Mais il y a deux choses qui m'ont le plus touchée dans ce roman : l'attachement viscéral de Daphné du Maurier pour Menabilly : "Son beau Boy aux yeux verts va sur ses cinquante ans, et les fait. Elle le regarde dormir et se demande où est passé le magnifique jeune homme sur le bateau blanc. Et elle dans tout ça ? Entre-temps, Lady Browning est tombée folle amoureuse d'une maison. Comment expliquer cela à son mari ? Cela ne s'explique pas, cela se vit.", une demeure qui l'a énormément inspirée d'un point de vue créatif, sans doute car c'est un sentiment que non seulement je comprends mais aussi ressens; et par dessus tout, le fait de connaître la genèse et la naissance de tous les écrits de cette auteur.
J'y ai pris d'autant plus de plaisir que j'en ai lu un certain nombre, et ce livre a une grande qualité : celui de pousser le lecteur a vouloir lire ou relire Daphné du Maurier.
Néanmoins, je ne suis pas sûre qu'un lecteur n'ayant jamais lu ou très peu de Daphné du Maurier pourrait ressentir autant d'émotions que j'ai pu en vivre.
Enfin, si je ne nie pas le long, fastidieux mais abouti travail de recherches de Tatiana de Rosnay, je dois reconnaître que le style narratif est banal.
D'un autre côté, je n'ai pas lu ce roman pour la plume de Tatiana de Rosnay (heureusement car je n'ai pas grand chose à dire d'un point de vue stylistique) mais pour en apprendre plus sur Daphné du Maurier, dans un sens ce roman a donc joué son rôle.

Je conseille "Manderley for ever" à tous les amateurs et connaisseurs de l'oeuvre de Daphné du Maurier qui souhaiteraient voir l'envers du décors et le processus créatif de cette auteur par rapport à ses histoires, et dans une moindre mesure aux novices de cette auteur, ne serait-ce que pour leur donner l'envie de découvrir les romans de Daphné du Maurier, est-il besoin de le dire, grande dame de la littérature Britannique.

En aparté de cette chronique, j'ai aussi décidé de parler des œuvres déjà lues de Daphné du Maurier (bien avant la création de ce blog et donc non chroniquées dessus), n'hésitez pas si vous y trouvez des envies de lecture à vous jeter sur ces romans.
Rien de bien original, j'ai découvert cette auteur par ma maman qui m'a incitée à lire "Rebecca", puis "Ma cousine Rachel".
J'étais plutôt jeune à l'époque, je dirai dans les 13/14 ans, ce sont deux romans que j'ai relus depuis lors (en Anglais notamment), et j'ai un attachement tout particulier à "Rebecca" (en menaçant les personnes ne l'ayant pas lu de ne plus leur parler par exemple, oui je suis comme ça).
J'adore la dimension psychologique et la noirceur de ces deux œuvres, entre une narratrice sans nom qui vit dans l'ombre de Rebecca et cette cousine mystérieuse dont on ne sait jamais si elle est ange ou démon.
J'ai à peu près dans la même période lu "L'auberge de la Jamaïque", "La crique du Français", sans doute le roman romantique de cette auteur, et "La maison sur le rivage", une formidable incursion de l'auteur dans le domaine du fantastique et du voyage dans le temps.
Je conseille vraiment ce dernier car il est surprenant par rapport aux autres écrits.
Quelques années plus tard, j'ai décidé d'aborder les biographies de Daphné du Maurier, en m'intéressant au roman "Les souffleurs de verre".
C'est bien mais je vais vous faire une confidence : ces écrits sont certes bien fouillés mais ils font plus ternes par rapport aux autres, je suis moins fan de Daphné du Maurier en tant que biographe (néanmoins je souhaite ardemment lire "Le monde infernal de Branwell Brontë", car je suis aussi une fervente admiratrice de la famille Brontë, Noël approche, n'hésitez pas !).
J'ai lu "Le bouc émissaire" dont j'ai peu de souvenirs (mais plutôt bons), le recueil de nouvelles "Les oiseaux", là aussi un véritable choc, je conseille vivement ce recueil de nouvelles, elles sont toutes plus excellentes les unes que les autres, ma préférence va à la nouvelle "Mobile inconnu" dont la première phrase me scotche toujours autant.
Puis, j'ai lu "Mary-Anne", une biographie romancée d'un des ancêtres de Daphné du Maurier, à lire parmi les derniers, car là aussi j'ai apprécié mais Daphné du Maurier à mes yeux n'excelle que moyennement dans l'art de la biographie, même romancée (mais je suis prête à changer d'avis avec celle de Branwell Brontë).
Enfin, je termine avec un roman avec lequel j'entretiens une relation particulière : "Le général du roi". J'ai énormément apprécié ce livre, je l'ai lu à une période de ma vie où j'étais plutôt immobilisée (à ce jour, et touchons du bois, ma seule hospitalisation), autant dire qu'avec une héroïne flamboyante qui se retrouve handicapée à vie et incapable de marcher j'ai été en symbiose total.
Je conseille ce roman qui est très vivant, et d'un certain côté follement romantique.
Je vous rassure, il me reste quelques romans de Daphné du Maurier à lire qui m'attendent sur les étagères de ma bibliothèque : "La poupée et autres nouvelles", "Les parasites" (en anglais), "Jeunesse perdue".
J'ai très envie de lire les autres recueils de nouvelles, en fait, je pense aller flâner d'ici quelques temps pour continuer à agrandir ma collection d’œuvres de cette auteur, j'ambitionne de tout lire et de tout avoir (et oui, je suis comme ça quand j'aime).

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

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