À 15 ans, Adèle ne se pose pas de question : une fille, ça sort avec des garçons. Sa vie bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir le désir et lui permettra de s’affirmer en tant que femme et adulte. Face au regard des autres Adèle grandit, se cherche, se perd, se trouve... (AlloCiné)
Librement adapté de la bande dessinée de Julie Maroh "Le bleu est une couleur chaude", le nouveau film d'Abdellatif Kechiche traite du parcours d'Adèle, dans un premier chapitre à l'âge de 15 ans où la jeune fille se découvre et dans un deuxième chapitre un peu plus âgée où la jeune femme va se perdre.
La construction cinématographique d'Abdellatif Kechiche est intéressante à plus d'un titre.
Tout d'abord, le bleu est une couleur omni-présente pendant tout le film : les cheveux d'Emma, le papier dans la chambre d'Adèle, comme un écho à la bande dessinée dont s'est inspiré le réalisateur.
Ensuite, les scènes d'ouverture et de clôture du film forment un parallèle tendant à transformer la vie d'Adèle comme un cycle voué à recommencer.
Le film s'ouvre sur Adèle partant de chez ses parents pour aller à l'école, il se termine par Adèle partant de l'exposition d'Emma pour certainement rentrer chez elle.
Le réalisateur, également scénariste, a choisi de modifier le prénom d'une des héroïnes pour garder celui de l'actrice l'incarnant, dans une volonté de créer une fusion entre fiction et réalité.
La présence de la littérature, particulièrement de Marivaux, est également une habitude chez Abdellatif Kechiche, et il est difficile de ne pas voir le parallèle entre le livre de Marivaux étudié par Adèle en classe, s'intéressant au coup de foudre et à la rencontre amoureuse, et son coup de foudre pour une jeune femme aux cheveux bleus croisée dans la rue.
Adèle se met au diapason de l'héroïne de Marivaux, mais dans une relation qui la fait s'interroger, douter, se chercher : pour elle à 15 ans, une fille va avec un garçon pas avec une autre fille.
Adèle va devoir s'affranchir des barrières et du carcan de ce qui est normal aux yeux des autres pour vivre une belle histoire d'amour avec Emma.
La façon de filmer d'Abdellatif Kechiche est crue, comme d'ordinaire il n'hésite pas à filmer ses actrices au plus près de leur visage, pour capter la moindre de leurs émotions.
Ainsi, il n'épargne rien au spectateur des larmes d'Adèle, de la violence d'une scène de dispute et de la tristesse d'une autre où les deux femmes se retrouvent, en vain; tout comme il ne cache pas la violence et le côté cru pouvant déranger des scènes d'amour entre les deux jeunes femmes.
Car oui, la passion ça peut être violent et souvent l'Humain retrouve son côté bestial pour accomplir un acte d'amour.
Et oui également, les histoires d'amour peuvent se finir mal, le décalage entre les deux personnages n'a jamais été caché, mais il faut aussi savoir profiter de l'instant et prendre la vie comme elle vient.
Quelle maîtrise, quel sens de la mise en scène, quelle perfection dans la façon de filmer et de mettre en scène ces deux actrices qui donnent le meilleur d'elles face à la caméra de leur réalisateur.
D'ailleurs, parlons-en des actrices, d'une Léa Seydoux incarnant avec justesse Emma, l'artiste aux cheveux bleus bien dans sa tête et dans sa peau, et la révélation, Adèle Exarchopoulos, campant une Adèle qui se cherche, se perd, se trouve, tout en fragilité, sans pudeur et sans toutefois tomber dans le racoleur, le moralisateur et le voyeurisme.
Pour livrer une telle interprétation elles ont dû souffrir et beaucoup travailler sur elles-mêmes, mais elles crèvent l'écran et l'illuminent de leur beauté, elles portent à elles deux le film sur leurs épaules et sont indissociables l'une de l'autre dans sa réussite.
Si l'histoire est belle, la musique l'est tout autant et a été particulièrement bien choisie pour coller aux images.
Et la durée du film n'est absolument pas un problème, pour ma part je n'ai pas vu filer ces trois heures et j'ai particulièrement apprécié l'ellipse du réalisateur pour passer du premier au deuxième chapitre.
Je n'ai pas encore lu "Le bleu est une couleur chaude" mais j'ai très envie de découvrir ce roman graphique, et je ne regrette qu'une chose par rapport à ce film, c'est le manque de drame présent à l'inverse dans la bande dessinée.
Car oui, la tension dramatique monte et j'attendais quelque chose de grave et de triste qui n'est jamais venu et qui selon moi aurait dû être présent.
Mais c'est bien le seul petit point de détail sur lequel j'ai trouvé à redire.
Vous l'avez bien compris, il faut passer outre les polémiques autour de ce film, ainsi que de sa Palme d'Or surprenante car pour la première fois de l'histoire du Festival de Cannes elle n'est pas attribuée qu'à un film mais également aux deux actrices interprétant les rôles principaux, "La vie d'Adèle" tutoie la perfection et cela faisait extrêmement longtemps que je n'avais pas eu la chance de voir une telle perle cinématographique.
"La vie d'Adèle" est sans nul doute la plus belle surprise et le plus beau film au niveau mondial de cette année 2013, un film d'Abdellatif Kechiche particulièrement inspiré et au sommet de son art qu'il faut aller voir de toute urgence.
Ce film a reçu la Palme d'Or du Festival de Cannes 2013
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