Ce roman vrai, puissant à couper le souffle, fait alterner le destin parallèle de deux gamines extraordinairement belles, séparées à l’âge de douze ans, et les témoignages d’outre-tombe de prostituées assassinées, pendues, lapidées en Iran. Leurs voix authentiques, parfois crues et teintées d’humour noir, surprennent, choquent, bousculent préjugés et émotions, bouleversent. Ces femmes sont si vivantes qu’elles resteront à jamais dans notre mémoire.
À travers ce voyage au bout de l’enfer des mollahs, on comprend le non-dit de la folie islamiste : la haine de la chair, du corps féminin et du plaisir. L’obsession mâle de la sexualité et la tartufferie de ceux qui célèbrent la mort en criant « Allah Akbar ! » pour mieux lui imputer leurs crimes.
Ici, la frontière entre la réalité et la fiction est aussi fine qu’un cheveu de femme. (Grasset)
Dans ce roman, il est question de Soudabeh et Zahra, deux
filles magnifiques dont les chemins vont se séparer et qui connaîtront pourtant
le même destin : elles deviendront prostituées.
Mais cela, elles ne le savent pas encore lorsqu’elles sont
amies en étant plus jeunes.
Mais plutôt que de s’arrêter à ce récit fictionnel sur ces
deux héroïnes, l’auteur va aussi compléter son récit avec des témoignages de
prostituées qui ont été assassinées.
Certes, ces récits sont eux aussi fictifs, mais les crimes
sont eux bien réels.
Car être fille en Iran, c’est plus que l’enfer : "Naître
fille dans ce pays est un crime en soi.", et pour être considérée comme
une pute il n’y a qu’un infime pas à franchir : "Un rien fait de vous
une pute, dans cette contrée. Femme, dès qu'on vous remarque, pour quelque
raison que ce soit, vous êtes forcément une pute.".
Alors que des femmes soient assassinées en étant désignées
immédiatement comme des prostituées, pour certains c’est bien fait pour elles
et inutile d’aller chercher plus loin et surtout pas la vérité : "Qui
mènerait ici une enquête digne de ce nom pour une pauvre femme dont la vie ne
valait que la moitié de celle d'un homme ? Déjà que la vie d'un homme ne valait
pas grand-chose.".
Ceci n’est pas une fiction, Chahdortt Djavann part de faits
réels : dans plusieurs villes d’Iran et depuis plusieurs années des femmes
sont retrouvées assassinées sans que cela émeuve qui que ce soit dans la
population.
Et c’est à travers le prisme de la fiction que l’auteur va
dénoncer plusieurs choses : que le système islamique contrôle tout, que le
voile est une prison pour les femmes, que les hommes les asservissent ainsi et
les utilisent pour assouvir leurs frustrations, particulièrement sexuelles.
Car ne soyez pas étonnés, mais dans un pays tel que l’Iran
la prostitution est omniprésente : "Ici, sur cette terre sacrée de
l'islam, souillée pourtant par le péché, Shéhérazade et ses mille et une nuits
de fables se muent en une seule nuit et mille et une fornications.", à
tous les coins de rue et ce malgré les tchadors : "Tâche ardue et
contradictoire. Elles portent le hijab le plus sévère et parviennent à se
prostituer sans montrer la plus infime parcelle de leur corps. Du grand art
!".
Il ne faut point juger ces femmes, bien souvent la
prostitution est le seul recours qu’elles ont, dans un pays où le chômage
explose tout comme le trafic de drogue.
Chahdortt Djavann a placé la femme au cœur de son récit, et
montre à quel point il est difficile, pour ne pas dire sans issue, de naître
tout simplement femme dans certains pays : "Habiter un corps de
femme, dans l'immense majorité des pays musulmans, est en soi un une
faute.".
Elle n’hésite pas à dénoncer de façon percutante
l’hypocrisie des islamistes qui asservissent ainsi les femmes tout en se parant
du voile de l’innocence et du droit divin.
Difficile de ne pas être bouleversée par ce texte, ni
dérangée par la puissance des mots qui frappent toujours justes.
Par moment ce récit m’a mis mal à l’aise, le dégoût m’a
entièrement envahie et bien souvent j’ai été au bord de la nausée, parce que ce
que je lisais dépassait tout ce que j’avais jamais pu (naïvement) imaginer sur
le sujet.
Et c’est sans doute la plus grande force de ce récit, l’uppercut
qu’il déclenche à chaque phrase ou presque, parce que de temps à autre cela
fait du bien de s’en prendre en pleine figure avec une lecture.
Si "Les putes voilées n’iront jamais au paradis !" tant mieux pour elles, et pour toutes les autres femmes, car ce n’est point un paradis qui leur est promis mais un enfer pur et simple qui commence sur terre, quel formidable roman de Chahdortt Djavann.
En effet, c'est un texte très brutal, mais tellement puissant.
RépondreSupprimerUne belle claque littéraire, merci pour le conseil !
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