mercredi 14 mars 2012
Trash circus de Joseph Incardona
Frédéric Haltier travaille dans l’univers schizophrène de la télé réalité. Version trash. Argent, sexe, drogue, cynisme et hypocrisie… Mais ce jeune homme moderne entretient également une passion secrète pour les rassemblements hooligans, leur violence et leur sauvagerie. Tout irait donc pour le mieux dans cette existence soigneusement compartimentée si Haltier n’avait pas l’idée malencontreuse de mélanger le travail et le plaisir. Un de ses collègues en paiera le prix sur un fauteuil roulant. Dès lors, d’inquiétants messages s’accumulent dans la boîte vocale, sur l’ordinateur ou dans les poches d’Haltier. Toujours les mêmes : « Je sais qui vous êtes Frédéric Haltier… ». La traque commence… (Parigramme Eds)
Sex, drugs and violence, voilà qui résumerait assez bien ce livre et son personnage principal.
Frédéric Haltier travaille à la télévision, c'est un jeune loup (et c'est peu dire) qui cherche à s'imposer et ne recule devant rien pour arriver à ses fins, pour qui les femmes sont uniquement des objets sexuels servant à assouvir ses fantasmes, qui comprend "oui" lorsqu'elles disent "non", qui vit dans le luxe et la richesse, et qui adore les rassemblements hooligans lors des matchs de foot pour leur violence.
Ironiquement parlant, c'est le gendre rêvé par toute belle-mère.
De sexe, il en est beaucoup question dans le livre, d'ailleurs le cerveau de Frédéric Haltier se situe à son entre-jambe tellement il ne pense qu'à ça et ne semble presque vivre que pour ça.
L'auteur a choisi d'utiliser un langage cru, parfois choquant, afin de mieux cadrer avec l'univers dans lequel il a placé son histoire : celui de la télévision, mais pas n'importe laquelle : la télé-réalité.
Et là, plus c'est trash, mieux c'est !
Donc il lui fallait en faire autant avec son livre et y mettre de la vulgarité, de la misogynie, des moeurs dépravées (orgies, call-girl ...).
L'histoire est racontée à la première personne du singulier, ainsi le lecteur est directement en contact avec Frédéric Haltier et partage absolument toutes ses pensées, ce qui fait que dès les premières phrases j'ai été prise par la lecture.
Pourtant, l'auteur n'épargne rien au lecteur des pensées plus ou moins abjectes de son personnage : "Qu'est-ce qui te prend de penser à ces connasses et à leur vie ? Pourquoi pas choisir celle à gros nichons, lui demander d'ôter son dentier et de la lui foutre bien profond dans sa gorge de vieille ?"
C'est la paradoxe de cette lecture, elle est prenante alors que je ne ressentais aucune apathie pour le personnage.
De drogue, il en est aussi beaucoup question car Frédéric Haltier est un pur et dur junkie, il est même incapable de vivre sans ses pilules et c'est uniquement grâce à elles qu'il réussit à garder le rythme dans sa vie professionnelle : "Je pourrais attendre que quelqu'un arrive, profiter de ... Non, Fred. Aujourd'hui, tu vas bien, tu as volontairement renoncé à prendre la pilule miracle. La coke a été absorbée par ton corps, personne n'en saura rien, sauf si tu décèdes de mort violente ces prochains jours et qu'un échantillon prélevé de tes cheveux en révèle la présence. On en tirerait alors les conclusions qui s'imposent, c'est-à-dire rien du tout, si ce n'est de gonfler un camembert de statistiques."
Enfin, il est aussi question de violence, car le personnage de Frédéric Haltier habite en lui une grande violence, il aime se défouler les soirs de match, prendre part aux bagarres, et il va même jusqu'à mélanger sa passion personnelle avec son milieu professionnel (deux de ses collègues en feront les frais).
Toute cette violence masque en partie une enfance difficile, il s'est érigé des murs pour se protéger mais en agissant ainsi, il est l'artisan de son propre malheur : "L'amour je n'en veux surtout pas, pas besoin d'amour.", bien qu'ayant également en lui une fort propension à l'égoïsme : il ne voit quasiment jamais ses filles et ne cherche surtout pas à avoir de contact avec.
Au-delà du personnage tout à fait détestable qu'est Frédéric Haltier, j'y ai vu une critique en bonne et due forme de l'auteur envers la société actuelle où chacun à la volonté de réussir à tout prix et ce à n'importe quel prix.
Pour cela, il a notamment construit un personnage abominable et superficiel car vivant d'artifices, mais il a également pris un malin plaisir à glisser quelques subtilités dans son texte.
Ainsi, la société de production s'appelle Pendémol, ce qui n'est pas sans rappeler Endémol; et puis j'ai trouvé qu'il avait choisi les noms de famille de ses personnages les plus horribles en contradiction avec leur personnalité : Thierry Muguet (qui est tout sauf une fleur de printemps), Frédéric Haltier (son attitude n'a rien de noble, non seulement il se croit supérieur mais il le dit et le fait sentir aux autres, rabaissant régulièrement son assistante).
Je reprocherai toutefois à ce livre que le côté polar arrive tardivement, trop d'ailleurs, et qu'il n'est pas exploité à fond. Il n'y a pas de réel suspens, tout se dénoue trop facilement, alors que l'auteur aurait pu développer beaucoup plus tôt cet aspect et faire sombrer complètement dans la paranoïa son personnage.
Ce qui rejoint mon deuxième reproche, l'auteur aurait pu aller plus dans la descente aux enfers de son personnage, finalement il reste très soft par rapport à tout le trash de son écriture.
C'est en tout cas le sentiment que j'ai ressenti, tant de trash et de vulgarité pour une banale scène où le harcèlement prend son sens, scène qui d'ailleurs a un aspect représentation au cirque.
Je ne regrette pas cette lecture, bien que je ne cautionne absolument pas le comportement du personnage, car de moi-même je ne serai pas forcément allée vers ce polar noir.
Cela m'a permis de découvrir ce style et si j'ai été gênée par certaines scènes violentes et/ou immorales je restais captivée par l'histoire, pour voir la chute du personnage qui était inéluctable selon moi.
C'est un livre particulier, avec une ambiance et un style littéraire qui peuvent déranger et mettre mal à l'aise, mais il est également saisissant.
Je remercie Babelio et les éditions Parigramme Noir 7.5 pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération spéciale Masse Critique.
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