dimanche 26 octobre 2014
L'antilope blanche de Valentine Goby
«Je voulais aller loin. Je dois y être. Douala m'arrête. La moiteur m'enveloppe. Mes jambes ne me portent plus. C'est donc ici ? Ici que je dois être ? Yves Kermarec, je m'éloigne de toi. Mon Dieu, faites que ce soit pour toujours.» En 1949, Charlotte Marthe devient directrice d'un collège de jeunes filles camerounaises. Elle n'est qu'une femme en deuil de son amour. Elle ne sait pas qu'elle deviendra l'héroïne discrète et passionnée d'une page oubliée de l'Histoire. (Folio)
En 1949, Charlotte Marthe quitte la France pour le Cameroun où elle va y diriger pendant de nombreuses années un collège de jeunes filles.
Mais à la petite histoire de Marthe se mêlera la grande, elle restera pourtant oubliée de tous et ce roman sert en quelque sorte à lui rendre hommage.
Car si Charlotte Marthe est un personnage de fiction, il est librement inspiré de Charlotte Michel, une Française qui a effectivement dirigé un collège de jeunes filles Camerounaises qui ont été baptisées les Antilopes.
Valentine Goby a comblé à sa façon les trous dans l'histoire de Charlotte Michel avec son personnage de Charlotte Marthe, permettant ainsi de mettre en lumière le travail réalisé par la "vraie" Charlotte.
Si l'idée de départ du livre m'a séduite je dois dire que je ressors quelque peu mitigée de cette lecture.
Ce roman est écrit sous forme de journal intime, ce qui permet d'être au plus proche du personnage et de son quotidien, mais aussi de ses pensées intimes.
Ainsi, je n'ai pu m'empêcher de trouver que le personnage de Charlotte Marthe tombait un peu dans le stéréotype de la femme blanche partant vivre dans une colonie Africaine : elle quitte la France pour une peine de cœur, elle s'auto-proclame laide et en déduit donc qu'elle doit s'investir dans son travail à hauteur de sa laideur : "Je suis infatigable parce que je suis laide. Exceptionnelle à la hauteur de ma laideur.", elle rencontre des hommes qui la troublent, et elle ne vit, en dehors de ses élèves, que dans un microcosme de Français expatriés comme elle.
Où est la découverte de l'Autre ? D'une culture différente ? D'un mode de vie différent ?
J'attendais de ce roman autre chose qu'une blanche expatriée en Afrique qui reste confinée ou presque dans son établissement.
Finalement, la narratrice se décrit assez bien : "J'ai quarante ans. Je suis une vieille fille tranquille, faiseuse d'Antilopes au fin fond de l'Afrique noire. Et de l'autre côté de la mer, qui suis-je ? Une vieille fille un peu dingue qui s'occupe des Noirs près d'un bidonville, tandis que les banlieues de métropole se transforment elles-mêmes en bidonvilles.", ainsi que le gouffre de plus en plus important entre elle, sa vie en Afrique, et la France.
J'ai également aimé le fond historique de ce récit, où l'on sent que toutes les colonies Françaises sont en train, les unes après les autres, de réclamer leur indépendance, c'est tout un pan historique et culturel de la France qui s'écroule.
J'attendais également de ce récit beaucoup plus d'authenticité, une part plus grande consacrée aux anecdotes de la narratrice, à ses élèves.
Au final, les élèves ne sont qu'évoquées, contrairement aux difficultés rencontrées par la narratrice dans la gestion quotidienne de ce collège, je trouve cela quelque peu dommage car j'aurais aimé en apprendre un peu plus sur ces jeunes filles qui font la fierté de la narratrice.
Cela n'empêche pas ce récit de contenir de très beaux moments, de belles évocations et finalement de présenter toute la fierté ressentit par Charlotte Marthe, et par ricochet Charlotte Michel, vis-à-vis de son travail et de ce futur qu'elle offre à toutes ces jeunes filles : "Je disparais peu à peu du monde qui compte. J'élève une centaine de filles noires, sur un tout petit point de la carte d'Afrique où le cœur de la France bat moins fort qu'ailleurs.".
Charlotte Marthe ressort de cette expérience en n'étant plus vraiment Française mais pas vraiment non plus Africaine, c'est une déracinée pour le restant de ses jours.
Quant au style de Valentine Goby dont je lisais une oeuvre pour la première fois, il est dans l'urgence, ponctué de phrases courtes pour faire ressortir le dénuement dans lequel se trouve Charlotte Marthe et les mille choses auxquelles elle a à penser avant elle-même.
Je ressors de ma lecture de "L'antilope blanche" de Valentine Goby avec une impression en demi-teinte quant au contenu, je crois surtout qu'au lieu de lire la vie romancée de Charlotte Michel à travers le personnage de Charlotte Marthe j'aurais préféré que l'auteur me raconte la vraie vie de Charlotte Michel, sans chercher à en combler les blancs par de l'invention.
Il n'en reste pas moins que "L'antilope blanche" est un livre intéressant à découvrir, j'invite donc chacun à se faire sa propre opinion sur ce roman.
Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices
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