samedi 8 décembre 2012
Desolation Road de Jérôme Noirez
CALIFORNIE, 1930. Dans le quartier des femmes de la prison de San Quentin, une jeune fille de dix-sept ans attend le jour de son exécution. Elle s’appelle June, a une bouille d’ange, parle avec maladresse et timidité. Elle raconte ce qui l’a menée là, sur la desolation road, la route de la désolation qu'on emprunte un jour et qu'on ne peut plus jamais quitter : une passion absolue, déchirante pour un garçon nommé David, une histoire d’amour ponctuée par le vol, le kidnapping et le meurtre à travers la Californie de la Grande Dépression, en compagnie des parias, des criminels et des fantômes. Quand le journaliste venu l’interviewer demande à June ce qu’est l’amour à ses yeux, elle répond : « De la poussière et des étoiles, monsieur. » Le long de la desolation road, il n’y a rien d’autre à contempler. (Gulf Stream Collection Courants Noirs)
June Madero a dix-sept, elle est dans le couloir de la mort de la prison de San Quentin juste en face de la baie de San Fransisco, elle a une bouille mi-enfant mi-ange et pourtant sa vie va déjà s'achever, elle a emprunté la route de la désolation et est arrivée à son terme.
Son homme, David O'Reilly, qu'elle a suivi dans cette épopée mortelle à travers la Californie, a déjà été exécuté.
L'histoire se passe en 1931, en plein pendant la Grande Dépression suite à la crise de 1929 et la prohibition, et le périple de June et David a laissé derrière lui de nombreux cadavres, tout comme l'honneur ou la dignité de ces deux personnages : "La dignité c'est un truc inventé par des gens qui n'ont jamais eu le ventre vide.".
Tous deux sont malheureux et mal aimés dans leur famille respective, ils vont se rapprocher et petit à petit l'amitié va se transformer en amour à la vie à la mort, une passion dévorante qui ne laisse place à rien d'autre, hormis l'instinct de survie, par n'importe quel moyen et à n'importe quel prix : "Il cherchait à me consoler, comme je l'avais fait pour lui auparavant. Mais moi, je voulais juste qu'il m'embrasse, qu'il m'embrasse avec passion; j'avais tué ces hommes par amour pour lui, parce que je n'imaginais pas un instant de continuer à vivre sans lui, et je n'avais aucun remords, aucun.".
Interviewée par le journaliste Gayle Hudson, June va lui livrer son histoire, dit-elle la vérité ou ment-elle par moment ? Le doute sera mis dans l'esprit du lecteur et je ne saurai trop dire si elle a cherché à maquiller la réalité ou non, mais une chose est sûre, le lecteur, tout comme le journaliste, est ému par l'histoire de cette jeune fille, par cet amour au-delà de la vie et de la mort.
Malgré son jeune âge, elle fait preuve d'une certaine maturité : "En définitive, il n'y a rien d'autre que ça, la poussière ici-bas et les étoiles au ciel ... Et nous, de quoi est-on faits ?", et réutilisera cette métaphore pour définir l'amour : "L'amour ... C'est de la poussière et des étoiles.".
L'histoire de June et de David n'est pas Bonnie & Clyde en plus jeunes, elle peut y faire penser par moment mais les personnages ont leur personnalité propre et leurs motivations sont différentes.
Ici, il s'agit de fuir leur famille où ils n'étaient pas vraiment aimés et d'essayer de trouver mieux ailleurs.
Mais où ? Car la crise de 1929 est passée par là et le travail est difficile à trouver, et à garder lorsque quelqu'un à la chance d'en avoir trouvé un.
J'ai beaucoup aimé le contexte de l'histoire, à la fois dans la période : les années 30 aux Etats-Unis, mais également dans l'état américain choisi : la Californie.
Il y a le rêve que représente Los Angeles et à côté des villes pauvres essayant de survivre, le désert, des routes à n'en plus finir sans quasiment âme qui vive et des villes abandonnées comme celle de Desolation que les deux personnages cherchent à rejoindre, et pour finir la prison dans la baie de San Francisco, un espace clos après tant de grands espaces et de liberté.
C'est un récit très visuel et je l'imagine facilement en film ou en téléfilm, la construction narrative laisse en tout cas la place à une adaptation cinématographique.
L'alchimie entre les personnages fonctionne bien et je n'ai pas trouvé qu'ils faisaient trop mûrs pour leur âge, leur passé explique totalement la clairvoyance et la philosophie qu'ils ont atteintes, il explique aussi leur manque de réflexion, de discernement entre le bien et le mal et leurs erreurs.
Si l'auteur cherche à présenter June sous un jour amical au lecteur, il ne lui cache pas non plus son caractère violent et son mode de pensée particulier, en fait il laisse le soin à chacun de se forger son opinion sur ce personnage central.
Cette lecture était aussi l'occasion de découvrir la collection Courants Noirs de Gulf Stream, en ce qui concerne ce livre, il est de qualité tout à fait honnête et laisse à penser que si les autres livres de cette collection sont de même qualité il faut alors les lire le plus rapidement possible.
J'ai également apprécié la mise en forme, notamment la couverture illustrée par Aurélien Police qui s'accorde parfaitement avec le titre, ainsi que les trois annexes à la fin du roman sur l'essor de la voiture aux Etats-Unis dans les années 20, la Grande Dépression et la prohibition, ce sont de bons compléments à la fiction qui s'adressent, à mon avis, à un public plus jeune qui ne connaît pas encore très bien l'histoire industrielle du vingtième siècle des Etats-Unis.
Maintenant pour les aspects négatifs, je reproche au quatrième de couverture d'en dire beaucoup trop sur l'histoire et de finalement ménager peu de suspens au lecteur.
De surcroît, il y a une légère faute car le périple de June et David s'étale sur 1930 et 1931, et en 1931 June est en prison et non pas en 1930 comme mentionné dans le résumé, à moins qu'il faille comprendre "années 30" mais c'est mal formulé à mon sens.
"Desolation Road" est un livre noir racontant une road story tragique, et s'il ne fait pas bon emprunter la route de la désolation car personne n'en revient, je vous incite au contraire à emprunter la route littéraire menant à ce livre, vous y découvrirez une histoire riche et émouvante ainsi qu'un auteur et une maison d'édition qui méritent tous deux d'être suivis de près pour la qualité de leur travail respectif.
Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre N
Livre lu dans le cadre du challenge Lettres San Franciscaines
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Salut la Miss ! Et oui, une revenante, j'ai été un peu privée d'internet ces derniers temps ! J'ai vu ce livre il n'y a pas très longtemps et j'ai été très tentée de le prendre. Vu ce que tu en dis je regrette de ne pas l'avoir fait. Il va falloir que je fouine ce weekend !
RépondreSupprimer@ Sylla : welcome back ! J'ai aussi été tentée de l'acheter mais finalement je l'ai emprunté en bibliothèque. Pour l'instant je n'ai pas été déçue avec les livres édités par Gulf Stream, laisse-toi tenter !
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