dimanche 27 novembre 2016

La fille de Brest d'Emmanuelle Bercot

     
     

Dans son hôpital de Brest, une pneumologue découvre un lien direct entre des morts suspectes et la prise d'un médicament commercialisé depuis 30 ans, le Mediator. De l’isolement des débuts à l’explosion médiatique de l’affaire, l’histoire inspirée de la vie d’Irène Frachon est une bataille de David contre Goliath pour voir enfin triompher la vérité. (AlloCiné)


En fin d'année 2009, un nom commence à circuler : Mediator, celui de la marque sous laquelle est commercialisé le Benfluorex par les laboratoires Servier, médicament retiré de la vente en fin d'année 2009.
Mais c'est en 2010 qu'éclate l'un des plus grands scandales sanitaires, connu sous le nom du Scandale du Mediator, dont nous devons la révélation à la lanceuse d'alerte Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest.
Emmanuelle Bercot a été approchée il y a déjà quelques années pour adapter le livre d'Irène Frachon "Mediator 150 mg : Combien de morts ?", elle a pris son temps pour adapter ce livre, a rencontré Irène Frachon et a mûri finement son projet.
Elle rencontrait une autre difficulté : ne pas réussir à trouver une actrice pour camper Irène Frachon. Elle doit la suggestion de Sidse Babett Knudsen à Catherine Deneuve, héroïne de son précédent film "La tête haute", raison pour laquelle celle-ci figure dans les remerciements.
Ce film retrace donc la lutte d'Irène Frachon contre le Mediator sur les années 2009 et 2010, en se basant pour la première partie le livre de celle-ci et pour la deuxième les entretiens que la réalisatrice a eu eu avec elle.


Comparé à juste à titre à "Erin Brokovich", ce film est à l'image d'Irène Frachon : dynamique, obstinée, une femme qui a su se battre jusqu'au bout pour faire flancher les laboratoires Servier et faire reconnaître la dangerosité mortelle de ce médicament pourtant prescrit depuis 1976.
C'est clairement le combat de David contre Goliath mais heureusement qu'il y a des gens comme elle qui un jour se battent pour sauver des gens comme nous.
Emmanuelle Bercot a su ne pas tomber dans le piège de ce genre de film : perdre le rythme et finir en documentaire.
Au contraire, une situation appelle la suivante et son découpage temporel est très bien fait car il met en lumière les moments-clés de cette terrible affaire qui, je le rappelle, n'est toujours pas finie à l'heure actuelle (et mettra encore certainement des années à connaître un épilogue).
Pour écrire son scénario, Emmanuelle Bercot s'est entourée de Séverine Bosschem, toutes les deux elles ont rencontré les différents protagonistes du scandale du Mediator.
Et en tant que réalisatrice, non seulement il n'y a pas un seul temps mort mais elle plonge d'emblée le spectateur dans le sujet avec une scène d'ouverture se déroulant dans un bloc opératoire lors d'une opération à cœur ouvert (et cœurs sensibles faites attention, cette scène ainsi qu'une autre sont difficilement soutenables).
Emmanuelle Bercot réitère ce processus mais avec une autopsie cette fois-ci à un autre moment important du film.
Je me suis interrogée pour savoir comment Emmanuelle Bercot avait fait pour tourner ces deux scènes, et bien la réalisatrice n'a reculé devant rien et à elle-même assisté à ces deux opérations (à noter que son père est chirurgien cardiaque, l'univers hospitalier ne lui était donc pas totalement inconnu).
La mise en scène d'Emmanuelle Bercot est donc particulièrement enlevée et si elle est une réalisatrice/actrice plutôt rare elle a le mérite d'avoir marqué par trois fois le cinéma Français en un an de temps : avec son précédent film "La tête haute" et avec son Prix d'interprétation à Cannes dans "Mon roi".
Il pourrait paraître saugrenu d'avoir choisi une actrice Danoise pour incarner une Brestoise pur souche, mais il faut reconnaître que Sidse Babett Knudsen, découverte l'année dernière pour ma part dans "L'hermine", s'impose dès les premières secondes et campe une Irène Frachon plus vraie que nature.
Le film a également le mérite de ne pas se focaliser sur Irène mais de mettre aussi en avant les personnes qui l'ont accompagnée dans ce combat : le professeur Antoine Le Bihan, campé par un Benoît Magimel ventripotent, avec qui elle entretient un belle relation sous le signe de la tendresse; son mari Bruno (Patrick Ligardes) ainsi que ses enfants qui l'ont soutenue du début à la fin; Arsène Weber (Olivier Pasquier), son Père Noël de la CNAM; Anne Jouan (Lara Neumann) la journaliste du Figaro qui a fait éclater le scandale dans la presse; mais aussi toute l'équipe du CHU de Brest et l'étudiante Flore Michelet qui a consacré sa thèse à ce médicament et au silence de l'Afssaps et de la CNAM ainsi que Corinne (Isabelle de Herthog), l'une des patientes d'Irène victime du Mediator.
Il y a également de très belles scènes, très touchantes, celle qui m'a le plus marquée reste sans doute l'interview avec Elise Lucet dans un journal télévisé, c'est là que le spectateur s'approche le plus de la personnalité d'Irène Frachon : une femme, une mère, un médecin, proche des gens, de ses patients, humaine tout simplement.


Le scandale du Mediator n'est aujourd'hui pas achevé mais malheureusement ses victimes, pour celles qui sont toujours en vie, en payent tous les jours le prix.
En novembre 2010, la CNAM a confirmé officiellement le chiffre de 500 morts liées au Mediator, une étude estime que ce médicament pourrait entraîner de 500 à 1 000 morts, voire plus.
Nous, patients, sommes donc bien peu de choses face à l'appétit financier de l'industrie pharmaceutique et au silence et à l'aveuglement coupables des autorités de santé censées nous protéger.
Il est plus que temps que cela cesse.


Film engagé et coup de poing, "La fille de Brest" est certainement l'une des œuvres les plus marquantes de cette fin d'année au cinéma, je conseille bien évidemment d'aller le voir.


     
     




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