« Lui, c’était un homme d’excès. Un homme qui n’avait pas peur des outrances, prêt à vivre avec un corps et une mémoire démesurés. Il mangeait trop, dormait en criant, ne passait pas les portes et ne faisait aucun effort pour se lier. » C. D.-M. Clara Dupont-Monod, avec ce nouveau portrait d’un être des marges, poursuit une œuvre forte et singulière. Nestor est obèse. De cet homme désigné au regard des autres comme un monstre, elle tente, avec une paradoxale économie de mots, de saisir le mystère. Au fil des pages, et comme à l’insu du lecteur, le gros père prend la dimension d’un être humain riche de son histoire. Celui dont le seul horizon est la photo d’un phare du bout du monde devient sous nos yeux un personnage : argentin, arrivé en France pendant la dictature, il y a retrouvé une jeune femme qu’il a épousée et avec qui la vie était douce. Jusqu’au drame qui inexorablement les a éloignés l’un de l’autre, au point qu’il finisse enfermé dans la rassurante forteresse de sa propre chair. À force de patience et de tendresse, une jeune femme médecin parviendra peut-être à conjuguer sa propre solitude à celle de ce patient peu ordinaire. La langue riche et précise de Clara Dupont-Monod agit comme un charme puissant pour suggérer l’indéfinissable attachement qui naît entre ces deux-là. L’écrivain se garde bien de conclure : trois issues s’offrent au lecteur, comme s’il était impossible qu’une histoire aussi improbable et bouleversante finisse mal. (Sabine Wespieser Editions)
"Chaque tentative de vivre
lui coûtait. Sa terre natale l’avait chassé, il ne reconnaissait plus sa
maison, il avait banni sa femme et il n’avait plus d’enfant. Alors, il avait
seulement essayé de sortir la tête de l’eau.", mais il a eu beau essayer,
il n’y est pas arrivé et parce qu’il n’en peut plus, Nestor a décidé de rendre
les armes.
Nestor n’est pas comme les
autres, il est obèse, il ne sort presque pas de chez lui, il ne veut pas du
regard des autres : "On le montrait du doigt. On riait de ses gestes
d’amputé, lui, le lourdaud aux lacets défaits, le "gros père".",
mais sous cette apparence il cache une blessure profonde.
Alors, pour échapper au monde,
Nestor s’est construit une carapace : "Rester sourd aux souffrances,
à l’horrible pesanteur, aux rigoles de sueur sous les vêtements, soulever des
jambes de fonte et s’éloigner. L’urgence valait le risque. Tant pis pour la
chute. Rien n’était pire qu’un avait
soudain incarné, surgissant devant lui avec un sourire de loup.".
Nestor est un personnage très
touchant et il n’est pas possible de ne pas s’y attacher et de ne pas ressentir
d’émotion à la lecture de son histoire.
Ce livre est petit par la taille
mais grand par toute la palette de sentiments qu’il contient ainsi que le côté
humain qui m’a particulièrement marquée.
Il n’y a pas de superflu,
l’auteur va à l’essentiel et livre un condensé d’émotions pures avec l’histoire
de Nestor.
Et comme pour mieux accentuer la
singularité de ce roman, Clara Dupont-Monod propose au lecteur trois fins
alternatives aussi différentes les unes des autres : l’une porteuse
d’espoir, l’autre de tristesse et enfin une mixant ces deux sentiments.
Ces trois fins se valent et
conviennent toutes pour conclure ce roman, même si l’une a ma préférence
j’avoue ne pas avoir été capable de trancher tant cette histoire peut se
conclure d’une façon ou d’une autre.
"Nestor rend les armes"
de Clara Dupont-Monod est un beau roman aux effluves d’une sensibilité rare et
pétri de sentiments humains qu’il est bon de rappeler de temps à autre au gré
d’un roman.
Un livre à déguster pour changer
son regard sur l’autre.
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