mardi 3 septembre 2013

14 de Jean Echenoz


Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état. (Les Editions de Minuit)

Août 1914, la guerre vient d’être déclarée.
Anthime, trois de ses amis, et Charles, font partie des hommes mobilisés de ce village de Vendée.
Ils sont habillés, armés, et les voilà partis pour les Ardennes où pendant plusieurs jours il ne se passe pas grand-chose jusqu’à la première montée au front : "Dès lors il a bien fallu y aller : c’est là qu’on a vraiment compris qu’on devait se battre, monter en opération pour la première fois mais, jusqu’au premier impact de projectile près de lui, Anthime n’y a pas réellement cru.".
Restée là-bas, il y a Blanche, l’héritière d’une usine fabriquant des chaussures.
Elle attend le retour de deux des cinq hommes, mais reviendront-ils ? Si oui, dans quel état ?

C’est avec sobriété que Jean Echenoz évoque la guerre de 14-18 à travers quatre personnages masculins, mais aussi avec un certain lyrisme : "Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n’est-il pas la peine de s’attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n’est-il d’ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d’autant moins quand on n’aime pas tellement l’opéra, même si comme lui c’est grandiose, empathique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui cela fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c’est assez ennuyeux.".
Sans s’attarder sur les horreurs ou la dureté des combats, il parle de ce qui lui paraît essentiel et représentatif de ce qu’a été cette guerre, notamment l’incertitude des premiers jours, le manque d’équipements, les habits voyants, l’optimisme de certains, la dureté des conditions de vie au front dans les tranchées avec la boue, les poux, les rats, les désertions volontaires ou non et les sanctions qui suivaient, les bombardements aériens et l’apparition des gaz, jusqu’à l’enlisement des combats assez vite en 1914 : "A force d’avancer les uns contre les autres, jusqu’à se retrouver sans plus pouvoir, de part et d’autre, étendre ses positions, il devait arriver que cela se figeât en face-à-face : ça s’est figé dans un grand froid, comme si celui-ci gelait soudain le mouvement général des troupes, sur une longue ligne allant de la Suisse à la mer du Nord.", et les batailles pour gagner une ou deux tranchée(s) ou les défendre.
L’auteur alterne les points de vue entre Charles pendant un temps, Anthime et Blanche, passant du front à la vie civile.
Je reprocherais à son style d’être à tel point détaché de tout sentiment ou presque que finalement en tant que lecteur je n’ai pas pu ressentir trop d’émotions par rapport au destin des personnages, même si je reconnais que c’est très bien écrit et que l’essentiel y est.
Je suis restée détachée au cours de ma lecture, la fin est d’ailleurs assez prévisible, même si j’ai pris un certain plaisir à lire les tribulations d’Anthime dans une période de l’Histoire qui m’intéresse.

"14" de Jean Echenoz propose une vision relativement elliptique de la guerre de 14-18 mais néanmoins intéressante à travers le prisme de cinq hommes et d’une femme dans un style épuré allant à l’essentiel, une œuvre brute comme le fut cette guerre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire