dimanche 29 septembre 2013
Il était une fois en France Tome 6 La Terre Promise de Sylvain Vallée et Fabien Nury
« Jamais à l’abri… »
Juillet 1949. Joseph Joanovici comparaît devant la Cour de Justice de Paris pour collaboration. Son avocat est optimiste : les jurés lui pardonneront d’avoir fait fortune sur le dos des nazis, quand ils verront le nombre de Juifs qu’il a sauvés ! Monsieur Joseph lui aussi veut encore croire qu’il pourra se faire oublier, peut-être même trouver refuge en Terre Promise... C’est sans compter sur la haine tenace du juge Legentil, qui suivrait son ennemi intime jusqu’en enfer si cela lui permettait de faire triompher la justice. Immense succès public et critique, récompensée par le Prix de la Série à Angoulême, la saga de Fabien Nury et Sylvain Vallée se clôture superbement par ce 6e album. Les dernières années d’un personnage ambigu et magnifique, dont les paradoxes incroyables, mis en exergue avec virtuosité par les deux auteurs, perturbent les notions de bien et de mal... (Glénat)
Je ne sais si Joseph Joanovici a mérité la Terre Promise, mais c'est en tout cas en Israël qu'il fuit, lassé de sa vie à Mende, assigné à résidence, après plusieurs mois passés en prison et rejeté par ses filles qui lui reprochent la mort de leur mère, sa vie de façon générale et la présence de l'horripilante Lucie-Fer à ses côtés.
Inutile de se voiler d'illusion, si Joseph Joanovici est en semi-liberté, c'est parce que le Fisc a besoin qu'il lui rembourse les sommes dues et non payées depuis des années : "Ils m'ont tout pris, et maintenant, ils vont me remettre au turbin pour leur compte comme une vulgaire putain.", et de toute façon, Joanovici est un homme de ressources qui même à Mende se relance dans le commerce de la ferraille et gagne des sommes importantes d'argent.
Pourtant, ses ennemis sont toujours là, qu'il s'agisse du petit juge de Melun ou bien d'autres personnes, et ce n'est pas faute d'avoir été mis en garde par sa défunte femme, mais Joseph Joanovici se sent ici traqué : "Je ne serai jamais à l'abri.", la France n'est plus un pays sûr alors il s'en va.
Mais c'est sans compter sur le juge de Melun qui a décidément une dent contre lui et qui réussit à convaincre Lucie, la fidèle Lucie, de lui fournir des informations de premier ordre.
Il faut dire que Lucie y trouve son compte : l'homme qu'elle aime désespérément revient en France et elle peut reprendre l'emprise qu'elle exerce sur lui, ou plutôt qu'elle croit exercer.
Joseph Joanovici a perdu de sa superbe, c'est un vieil homme désormais, mais sa première et ultime confrontation avec son pire ennemi est un grand moment de cette série, pour ne pas dire son apothéose.
Depuis le temps que ces deux-là se couraient après, il fallait bien qu'ils finissent par se parler et se dire ce qu'ils ont sur le cœur, mais la confession de chacun a des répercussions bien particulières et cela leur permet de se rendre compte que rien n'est tout noir ou tout blanc et que la vérité n'est parfois pas celle que l'on attendait : "Vous croyez quoi ? Qu'on se lève un matin et qu'on décide d'être un criminel ? Qu'on se dit "Tiens aujourd'hui, je vais être un gros salaud, pour le plaisir ?" ce n'est pas comme ça que ça se passe. On fait ce qu'on peut dans la vie, avec les cartes qu'on a.".
Ce volume a le mérite d'offrir des clés de compréhension au premier tome que je trouvais confus et peu clair sur bien des aspects, mais également de conclure cette histoire d'une façon que je qualifierai de surprenante.
Il ne faut pas s'attendre à quelque chose de grandiose et surtout pas à avoir des réponses à toutes nos interrogations, impossible une fois le livre refermé de dire qui était vraiment Joseph Joanovici et s'il a fait le bien, le mal, les deux, ou si c'était simplement un homme qui a tout fait pour se sortir de sa condition et qui y a réussi.
Le personnage était complexe, ici les auteurs ont choisi de s'inspirer de faits réels pour bâtir une fiction et c'est une réussite, tant du point de vue de l'intrigue qu'au niveau des graphismes.
Cette série est esthétique et sobre, une belle réussite du duo Sylvain Vallée et Fabien Nury qui a su travailler de concert pour fournir une bande dessinée de qualité.
Difficile de dire qui du juge Legentil ou du ferrailleur Joseph Joanovici a le plus vendu son âme au diable pour obtenir ce qu'il désirait, une chose est sûre : l'un comme l'autre auront perdu beaucoup dans leur quête respective.
"La Terre Promise" est un dénouement à la hauteur de cette formidable et intéressante série qu' "Il était une fois en France" qui retrace, de façon romancée, la vie et le parcours de Joseph Joanovici, un homme ambigu qui restera à jamais une énigme de l'Histoire.
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