vendredi 20 septembre 2013
Funérailles célestes de Xinran
En 1956, Wen et Kejun sont de jeunes étudiants en médecine, remplis de l’espoir des premières années du communisme en Chine. Par idéal, Kejun s’enrôle dans l’armée comme médecin. Peu après, Wen apprend la mort de son mari au combat sur les plateaux tibétains. Refusant de croire à cette nouvelle, elle part à sa recherche et découvre un paysage auquel rien ne l’a préparée – le silence, l’altitude, le vide sont terrifiants. Perdue dans les montagnes du nord, recueillie par une famille tibétaine, elle apprend à respecter leurs coutumes et leur culture. Après trente années d’errance, son opiniâtreté lui permet de découvrir ce qui est arrivé à son mari… Quand Wen retourne finalement en Chine, elle retrouve un pays profondément changé par la Révolution culturelle et Deg Xiaoping. Mais elle aussi a changé : en Chine, elle avait toujours été poussée par le matérialisme ; au Tibet, elle a découvert la spiritualité. (Editions Philippe Picquier)
Je ne pensais pas qu'une telle histoire pouvait arriver, je ne pensais pas qu'il était possible de rencontrer de telles personnes, je ne pensais pas que le Tibet était un pays si différent de la vision que nous pouvons en avoir nous, occidentaux; en fait, de toute ma lecture j'ai arrêté de penser tellement j'étais dépassée par ce que je lisais, dans le bon sens du terme.
Ayant pris un peu par hasard ce livre, je ne me suis rendue compte qu'une fois la lecture commencée qu'il s'agissait d'une histoire vraie, que Xinran, l'auteur, avait bel et bien rencontré Wen, cette femme qui a cherché pendant trente ans au Tibet ce qu'il était advenu de son mari.
"Aucune personne ordinaire n'aurait passé la moitié de sa vie à rechercher son mari : seul un amour véritable peut produire une telle détermination.", sans doute qu'aucune personne ordinaire n'aurait passé autant de temps à chercher un mari déclaré mort par l'armée, mais Wen n'est pas une femme ordinaire, ou plutôt, elle n'est plus une femme ordinaire après trente années passées au Tibet, au sein d'une famille de nomades, à apprendre une langue, des coutumes, une culture.
Wen était si peu préparée à vivre un tel choc qu'elle n'a fait qu'appliquer un précepte de l'armée, celui de rester en vie et de le considérer comme une victoire : "Quoi qu'il arrive, souvenez-vous d'une chose : le seul fait de rester en vie est en soi une victoire.".
Mais si Wen était si peu préparée à cette aventure, la lectrice que je suis ne l'était pas plus, et cette lecture a été un véritable choc, la sensation de toucher un monde éloigné de mon quotidien, un monde qui pourrait ne pas appartenir à la même planète tant il semble à des années lumières des préoccupations matérialistes et souvent futiles des pays occidentaux, une ouverture pour essayer de comprendre et de saisir ce qu'est le Tibet, réellement, en dehors de Lhassa, une ville qui n'a plus grand chose de tibétain.
Ce récit du vécu de Wen amène également un autre éclairage sur le conflit entre les Chinois et les Tibétains, loin d'une vision où tout est blanc ou noir mais où des compromis sont possibles, où des ententes existent et où parfois la guerre n'est même pas arrivée jusqu'aux oreilles des Tibétains.
Wen est pourtant très lucide sur ce conflit : "Il y a tant de haine entre les Chinois et les Tibétains, personne ne pourra jamais arranger la situation maintenant.", ce qu'elle dit est encore vrai aujourd'hui, mais au cours de son périple de trente années au Tibet elle va aussi découvrir de très belles choses et va surtout devenir une autre personne, axée sur la spiritualité et non plus sur le matérialisme.
"La guerre ne vous laisse pas le loisir d'étudier et pas la moindre chance de vous adapter.", c'est pourtant ce qui va se produire pour Wen et qui la rendra plus forte.
Mais le retour en Chine sera dur, comme une personne se réveillant d'un long coma elle apprendra la révolution culturelle, Deng Xiaoping, autant de choses qu'elle ne comprendra pas et qui la feront se sentir étrangère dans ce qui était pourtant son pays; et de sa famille plus une trace, comme balayée par la force qui a fait évoluer si vite la Chine et qui n'a pitié de rien ni de personne pour lui donner son essor.
Je ne saurais dire dans ce roman si c'est Wen la Chinoise qui cherche son mari au Tibet, ou Wen la Tibétaine qui retourne en Chine, ou encore Xinran qui cherche Wen, cette femme croisée deux jours, le temps qu'elle lui livre son histoire, et qu'elle recherche depuis désespérément.
Pour ma part, c'était moi lectrice à suivre Wen dans son périple et à chercher mes repères dans un pays qui m'est totalement inconnu.
Mon regard a changé sur la Chine, je compte d'ailleurs lire d'autres œuvres de Xinran pour en apprendre plus, ainsi que sur le Tibet, et je ne suis pas prête d'oublier ce que sont des funérailles célestes et la beauté et la spiritualité qui se cachent derrière ce geste.
"Funérailles célestes" fait partie de ces lectures qui marquent et laissent une trace indélébile, un moment de grâce, d'amour, de loyauté, de fidélité mais aussi de perte qui résonne pendant longtemps et dont il m'arrive encore souvent de penser et de m'interroger sur les points de suspension contenus dans l'histoire et qui le resteront sans doute à jamais.
Dans ces cas-là, j'aime à penser que Wen est en vie, quelque part au Tibet.
Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre X
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