mercredi 13 décembre 2017

Elle s'appelait Tomoji de Jirô Taniguchi


Taniguchi met ici en scène la rencontre entre deux adolescents dans le Japon de l’entre-deux guerres (1925-1932). Tomoji vit dans la campagne au nord du mont Fuji, tandis que Fumiaki fait ses premiers pas de photographe à Tokyo. L’auteur nous fait découvrir avec sa sensibilité habituelle ce qui va unir ces personnages. 
Une histoire inspirée de personnages réels qui fonderont par la suite une branche dérivée du bouddhisme. (Rue de Sèvres)

Jirô Taniguchi, c'est toujours beau et poétique, alors quand pour la première fois il s'intéresse à la vie d'une personne ayant réellement existé et bien c'est aussi tout cela.
"Elle s'appelait Tomoji" est l'un de ses derniers ouvrages, Jirô Taniguchi nous ayant quitté en février de cette année, et dans ce roman graphique l'auteur s'intéresse à Tomoji Uchida, une femme née en 1913, ayant réellement existé, et qui a créé un temple Bouddhiste dans la région de Tokyo.
C'est d'ailleurs ce temps qui a demandé à l'auteur de rendre hommage à cette femme.
Non seulement Jirö Taniguchi s'attaque à une forme de biographie, mais c'est aussi la première fois que le personnage central de son histoire est féminin.
Je parle de forme de biographie car plutôt que de raconter cette partie de l'histoire Jirô Taniguchi s'est intéressé à ce qui s'est passé avant, sa jeunesse, sa première rencontre avec celui qui deviendra son mari, les années de travail et de souffrance puis son mariage.
Le bonheur n'apporterait pas grand chose à cette histoire, pour comprendre Tomoji il faut savoir d'où elle vient et ce qu'elle a vécu, le reste coule de source.

Tomoji a vécu une enfance en partie heureuse jusqu'à la venue de drames, qui au lieu de l'affaiblir vont forger son caractère et faire d'elle la femme qu'elle deviendra : "Après les difficultés il y a toujours quelque chose d'heureux qui arrive.".
C'est dans le Japon de l'entre-deux guerres que Tomoji grandit, perd une partie de sa famille, manque de croiser par hasard Fumiaki, alors jeune phorographe, sans savoir que ce jeune homme deviendra quelques années plus tard son mari, son pilier : "Avec toi, j'ai l'impression de pouvoir surmonter toutes les difficultés.".
Je trouve le principe intéressant, j'ai été portée par cette histoire bien que le découpage puisse au début déboussoler, mais tout finit par prendre sens.
Au-delà de l'histoire familiale de Tomoji, heureuse puis triste, j'ai été touchée par la beauté des paysages, Tomoji vivant dans la campagne au nord du mont Fuji, des lieux que l'on n'a pas l'habitude voir dans les romans, ainsi que par l'époque, sans doute parce que l'histoire Japonaise m'est majoritairement inconnue.
Tomoji est issue d'un milieu pauvre, traditionnel, c'est ce Japon que l'auteur met en lumière, une image bien lointaine de celle que l'on se fait de ce pays.
C'est aussi un Japon avec lequel l'auteur n'est pas familier, il n'a pas habitué le lecteur à cela à travers son oeuvre et finalement il excelle là encore à le dépeindre.
Il fait également référence au tremblement de terre de 1923 de façon très réaliste.
Les Japonais ne le savent pas mais dans quelques années ils connaîtront d'autres drames tout aussi terribles, voire même plus, et il ne faut pas non plus oublier le séisme de 2011.
J'apprécie énormément le plume et le dessin de Jirô Taniguchi, ce roman ne fait donc pas exception.
Il dégage une sensibilité et respire la simplicité et le bonheur de vivre, que demander de plus à une oeuvre que de nous transporter le temps de la lecture dans un autre endroit, à une autre époque.
Il y a aussi beaucoup de réflexions, j'aime ces planches où Tomoji est seule face à la nature, et face à elle-même, à ses réflexions intérieures.
Dans le fond, après avoir lu sa vie jusqu'au moment où elle se marie il est inutile d'en dire plus, le lecteur a parfaitement saisi quelle femme était Tomoji et comment elle en arrivera à créer, avec le soutien de son mari, le temps Shôjushin.

"Elle s'appelait Tomoji" est un beau et sensible roman graphique du regretté Jirô Taniguchi qui y déploie, une fois encore, toute l'étendue de son art.


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