jeudi 28 décembre 2017
Les trois jours de Pompéi d'Alberto Angela
Tout à la fois archéologue et homme de télévision, l'Italien Alberto Angela reprend la formule du "docufiction sur papier", qui a fait le succès d'Empire (Payot, 2016), pour nous offrir un reportage au coeur du quotidien de Pompéi durant les deux jours ayant précédé le réveil du Vésuve, en 79 de notre ère, puis pour nous décrire la colère destructrice du volcan dans un film catastrophe qui durera l'équivalent d"une troisième journée. Un livre d'histoire qui brise bien des idées reçues à partir des dernières découvertes scientifiques (la catastrophe aurait eu lieu à l'automne et non en août), mais qui possède aussi un tel souffle romanesque qu'on se croirait embarqués à bord d'un Titanic de l'Antiquité. (Payot)
Dès que je vois Pompéi dans un titre, je deviens toute chose, ce n'est un secret pour personne : j'aime énormément cette histoire et cet endroit d'Italie.
Ce livre d'Alberto Angela est un docufiction, c'est-à-dire qu'il part de faits réels et étayés par des preuves scientifiques et archéologiques ainsi que de personnes ayant vécu à Pompéi dont il extrapole les activités et pour certains leur devenir, tandis que pour d'autres des preuves historiques prouvent qu'ils ont réussi à survivre, d'un moyen ou d'un autre, à l'éruption de 79 après J.C.
Ce livre a même réussi à m'apprendre des choses sur Pompéi et à briser une ou deux croyances, la première concernant le Vésuve, qui à l'époque n'avait ni le même nom ni la même forme qu'aujourd'hui : "Contrairement à ce que disent les guides touristiques, les films, les documentaires et les romans, il n'existait pas encore à cette date ! Dans ce cas, me direz-vous, qu'est-ce qui détruisit Pompéi, Terzigno, Herculanum, Boscoreale, Oplontis et Stabies ? Tout simplement un autre volcan qui se situait au même endroit, mais beaucoup plus ancien : le Somma.".
Par la suite, nous allons donc parler du Vesuvius, tel qu'il était à l'époque, et situer l'éruption en octobre et non en août, les historiens s'accordant de plus en plus pour dater l'éruption à l'automne et non en été (rapport aux vêtements portés et aux récoltes déjà faites).
Alberto Angela va donc tracer le parcours de plusieurs personnes et faire voyager le lecteur dans le temps et géographiquement, deux jours avant l'éruption et la journée de celle-ci, le tout étayé de documents historiques, archéologiques, scientifiques.
Cela permet de donner une vision assez bonne de la vie quotidienne à cette époque, des événements rythmant la journée, de l'organisation d'une ville telle que Pompéi.
Si comme moi vous vous êtes extasié à Pompéi devant les ornières creusées dans les pierres, sachez qu'elles n'ont pas été faites par le passage des charrettes mais volontairement pour permettre à celles-ci de circuler de nuit, car la ville de Pompéi étant interdite à tout engin roulant à partir du matin.
Comme quoi, on a rien inventé à notre époque en limitant l'accès des centres villes aux voitures.
J'ai eu quelques fois l'impression de me coucher moins bête, j'ai aussi voyagé dans Pompéi, marché dans des rues connues, pénétrée dans des lieux visités, et j'ai aussi eu une furieuse envie de'y retourner pour voir des détails m'ayant échappé la première fois.
Tout en narrant la vie quotidienne, l'auteur amène doucement mais sûrement l'éruption à venir, dont des signes avant-coureurs n'auraient pas dû tromper la population si celle-ci savait ce qui l'attendait.
Mais peu de monde se doutait de la réelle nature du Vesuvius, ni que son réveil allait être soudain et destructeur : "Les vulcanologues ayant étudié les différentes phases de l'éruption de 79 après J.-C. ont réussi à déterminer le laps de temps qui a fait la différence entre la vie et la mort à Pompéi : les habitants qui ont choisi de fuir dans les deux ou trois premières heures ont eu la possibilité de s'en sortir, mais tous ceux qui ont tergiversé ou ont préféré attendre en ville que le volcan se calme étaient voués à une mort certaine.".
En somme, ceux qui n'ont pas fui tout de suite se sont trouvés pris au piège, et c'est l'hébétude qui a saisi les habitants de Pompéi, Herculanum, Oplontis, Stabies, Boscoreale et Terzigno : "Au pied du volcan, la peur et l'inquiétude ont gagné la cité, mais pas autant qu'à Herculanum, directement menacée. A Pompéi, le danger semble proche mais pas encore imminent : la nuée de débris volcaniques retombe en effet à une certaine distance. Les Pompéiens ne le savent pas, mais ces déflagrations engendrées par l'interaction de l'eau et du magma ne sont qu'un prélude. Elles signifient que le bouchon obstruant la cheminée pétrifiée de l'antique Vesuvius s'apprête à sauter.".
Alors quand le bouchon saute, là non plus ils ne comprennent pas que le ciel leur tombe sur la tête, littéralement parlant : "C'est ce silence, associé à l'ampleur de l'éruption, qui déconcerte le plus les Pompéiens.", encore une fois impossible de les traiter d'imbéciles, ils n'avaient aucune idée qu'ils habitaient à côté d'un volcan.
Si Pompéi est pris sous une pluie de cendres et de pierres volcaniques, à Herculanum le destin sera tragique beaucoup plus rapidement avec une coulée pyroclastique qui rayera la ville de l'horizon : "Pour prendre toute la mesure d'un tel drame, à Herculanum comme à Saint-Pierre, il faut savoir que lors du passage d'une coulée pyroclastique on a 1 chance sur 14 000 de s'en sortir. Pas plus.".
Comme j'ai dû l'expliquer à certaines personnes, courir vite ne sert à rien, pas plus que se réfugier dans la mer.
J'ai trouvé les parallèles avec l'éruption de la Montagne Pelée intéressants, c'est aussi grâce à cette éruption que les vulcanologues ont pu reconstituer ce qui s'était passé à Pompéi et en apprendre plus sur le déroulement de ce type d'éruption.
Ce récit est particulièrement documenté, j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire et à voyager dans des lieux connus.
J'ai même très envie de découvrir "Empire", le précédent roman docufiction de cet auteur, il sait décrire les choses et les rendre compréhensibles de tous, ce n'est pas dû à tout le monde.
L'auteur reconstitue méthodiquement les derniers instants qu'ont connu les personnes en fonction de l'endroit où elles se trouvaient, si cela ne m'était pas inconnu j'ai trouvé que c'était compréhensible pour un public néophyte, et illustré de façon claire : "Le choc thermique entraîne immédiatement la mort. Plus précisément, l'eau présente dans le corps s'évapore instantanément, et le sang laisse une "auréole" rougeâtre dans les cendres autour de la victime à cause du fer contenu dans l'hémoglobine.".
Outre les parallèles avec d'autres éruptions volcaniques, l'auteur fait aussi la comparaison avec une bombe atomique :"On a calculé que l'énergie mécanique et thermique libérée par l'éruption du Vesuvius équivalait à celle de 50 000 bombes atomiques d'Hiroshima, à ceci près qu'une explosion atomique libère son énergie en une fraction de seconde, tandis qu'il faudra beaucoup plus de temps au Vesuvius.", cela fait froid dans le dos quand on constate qu'un élément naturel est toujours plus destructeur que la pire invention de l'Homme.
La Nature s'imposera toujours, ne l'oublions jamais.
Et dois-je rappeler que lorsque vous allez à Pompéi, Herculanum, Oplontis, Boscoreale, ce sont des lieux à respecter où de nombreuses personnes ont péri ?
L'entretien de ces lieux coûte très cher, si l'on veut encore que les générations futures puissent y aller, en profiter et découvrir la vie sous l'Antiquité Romaine comme cela nous a été donné de le faire il faut les protéger et ne pas les dégrader.
"La vie tient parfois à un fil, à un détail insignifiant.", on sait aujourd'hui que la vie des habitants de cette région de la Campanie a tenu en 79 après J.C à un réflexe de fuite pour survivre, pour tous les autres c'était une mort inéluctable et violente qui les attendait.
"Les trois jours de Pompéi" plonge le lecteur de façon saisissante dans le quotidien et le drame qui s'est joué en 79 après J.C, une lecture enrichissante qui donne envie de partir instantanément à Pompéi, Herculanum et Oplontis sur les traces de ces personnes et de ces cités disparues.
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