dimanche 3 décembre 2017

Un pays à l'aube de Dennis Lehane


L'Amérique se remet difficilement des soubresauts de la Première Guerre mondiale. De retour d'Europe, les soldats entendent retrouver leurs emplois souvent occupés par des Noirs en leur absence. L'économie est ébranlée, le pays s'est endetté et l'inflation fait des ravages. La vie devient de plus en plus difficile pour les classes pauvres, en particulier dans les villes. C'est sur ce terreau que fleurissent les luttes syndicales, que prospèrent les groupes anarchistes et bolcheviques, et aussi les premiers mouvements de défense de la cause noire. (Payot et Rivages)

Après le formidable "Shutter Island", roman avec lequel j'ai découvert Dennis Lehane, et "Un dernier verre avant la guerre", le premier tome de la série Kenzie et Gennaro, je me suis dit que cela faisait longtemps, bien trop longtemps, que je n'avais pas lu un livre de cet auteur.
A l'origine je voulais lire "Ils vivent la nuit", sauf que je me suis rendue compte qu'il s'agissait d'une trilogie, dite Coughlin du nom de la famille principale, j'ai donc commencé par le premier : "Un pays à l'aube".
L'Amérique se remet difficilement de la Première Guerre Mondiale, les soldats essayent tant bien que mal de retrouver leur place dans une société où l'économie est vacillante, où la vie est de plus en plus difficile, particulièrement pour les classes les plus pauvres, et où la ségrégation raciale est de mise : "Alors que la côte est et la côte ouest se concentraient sur la récession et la guerre, les téléphones et le base-ball, les anarchistes et leurs bombes, les progressistes et leurs alliés partisans du retour aux bonnes vieilles traditions religieuses avaient émergé du Sud et du Midwest.".
Ajouter par-dessus cela l'épidémie de grippe Espagnole, l'Amérique des années 20 est donc une poudrière sur le point d'exploser.
Dans la famille Coughlin, d'origine Irlandaise, il n'y a pas ce genre de problèmes, Thomas Couglin, le patriarche, est capitaine de police à Boston, Aiden dit Danny est policier, le cadet est avocat, et le plus jeune s'apprête à suivre le chemin de ses aînés.
Sauf que le collègue et ami de Danny, Steve Coyle, va le pousser à suivre les réunions syndicales, et Danny va découvrir la réalité des conditions de vie des policiers de Boston : misérables, ce qui va le pousser à se révolter contre cette injustice et à s'opposer à son père.

Difficile de résumer ce livre de Dennis Lehane tant il est riche de personnages, de situations, et tant il retranscrit de façon exacte les conditions de vie à Boston juste avant les années 20 et l'avènement de la prohibition.
Le récit suit trois personnages dont les destins vont se croiser : un joueur de base-ball, Luther Laurence un jeune Noir venant de s'installer avec sa femme à Tulsa, ville qu'il va devoir fuir et se réfugier à Boston, et enfin Danny Coughlin.
Cela permet d'avoir une photographie de l'époque en s'intéressant à toutes les couches sociales, des plus miséreuses aux plus aisées.
S'il y a un personnage principal, c'est évidemment Danny, qui va découvrir l'envers du décors et déchanter de l'Amérique : "Nous sommes soi-disant au pays de la liberté, mais qu'en est-il du droit de s'exprimer ? De se réunir ? Il n'est pas pour nous, pas aujourd'hui."; mais aussi perdre ses illusions de pouvoir obtenir mieux pacifiquement : "C'était la fin de tous leurs rêves de paix et de solution mutuellement satisfaisante, l'anéantissement de tout le travail accompli, des manifestations de bonne volonté et de de bonne foi, de l'espoir.".
En 1918, les patrouilleurs de Boston n'ont pas eu d'augmentation salariale depuis 1905, ils n'arrivent pas à faire vivre leur famille, ils vont finir par se mettre en grève, et déclencher le chaos à Boston.
Tout cela est vrai, et bien méconnu, quant à l'issue de ce conflit elle est tout simplement écœurante mais à vous de le découvrir en lisant ce roman.
Et qui sait aussi ce qu'il est advenu des malheureux qui ont eu l'outrecuidance de survivre à la grippe Espagnole ?
Là aussi c'est l’écœurement qui vous guette.
C'est une Amérique en mutation dont parle Dennis Lehane, où les syndicats deviennent plus présents et n'hésitent plus à recourir à la force pour se faire entendre, où la population qui crève de faim se révolte, où il ne faudrait pas que le communisme gagne trop les esprits mais où pourtant tout est fait pour cela soit le cas.
C'est un roman riche basé sur des faits historiques, c'est un pavé mais quelle histoire, que de personnages attachants, quelle belle description sans concession de l'Amérique.
Dennis Lehane, décidément, a tout d'un grand auteur et frappe toujours juste.
Inutile de vous dire que je vais bien entendu me précipiter lire les deux autres romans composant cette série.

"Un pays à l'aube" est un excellent roman de Dennis Lehane dont je vous conseille la lecture, à la fois pour le style de l'auteur mais aussi pour l'histoire qu'il y raconte.


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