mardi 18 septembre 2012
En chute libre de Carl de Souza
«Il faut que je me lève pour faire échec au sommeil et au duel dans lequel il me jette continuellement. Je réalise, durant les courts intervalles où la fièvre me laisse en paix, que cette rencontre, je dois la disputer hors de mon sommeil, et qu'elle me mettra aux prises avec l'enfant que j'étais. Il faut que je me lève pour suivre des yeux la grève jusqu'à la baie où s'est dressé le Don Diego, en réalité le Don Diego Fernandez, Golf et Spa, au milieu de bungalows qui semblent avoir été fabriqués en série à Bali, des voiles multicolores des dériveurs en attente sur une plage artificielle quotidiennement peignée, des paillotes, des dattiers transplantés. Il faut que je me lève parce que j'ai décidé de me mouvoir une demi-heure par jour. »
Jeremy Kumarsamy paye cher son entêtement. Handicapé suite à une blessure mal soignée, sous la menace d'une arrestation parce qu'il a agressé une autorité sportive, ce champion de badminton de niveau international a dû rentrer, après quinze ans d'absence, dans son pays d'origine, une ancienne colonie britannique. Reclus dans la maison de sa mère, il retrouve le fil de son enfance, et surtout d'un parcours chaotique fait de drames, d'échecs et de gloire. Peu à peu se dessine le destin d'un jeune homme ambitieux, en butte aux turbulences politiques de son pays et à des enjeux sportifs qui le dépassent. (Editions de L'Olivier)
"Tu n'es pas comme tout le monde, toi.", c'est ce que dit Litchi à Jeremy Kumarsamy, encore jeune mais déjà avec des rêves de badminton plein la tête.
Jeremy est un entêté, la seule chose qui l'intéresse dans la vie c'est le "bad" et les parties acharnées aux règles fluctuantes qu'il dispute avec sa tante.
L'école ne trouve pas grâce à ses yeux, lors d'émeutes à Port-Benjamin il suit le mouvement, perd son père dans le camp adverse et ne le reverra que longtemps après, profondément changé et blessé à vie, il entretient une relation que je qualifierai de conflictuelle avec sa mère : "Une part de moi séchait, un désert me rongeait, me vidait de ceux qui m'étaient proches.", c'est pourquoi lorsqu'il a l'opportunité de partir en Angleterre pour travailler le badminton il la saisit et ne reviendra à Port-Benjamin que quinze ans plus tard, handicapé suite à une blessure mal soignée et sous la menace d'une arrestation parce qu'il a agressé une autorité sportive : "Peut-être que s'il avait été davantage à l'écoute, s'était tenu coi sous sa pirogue, n'avait été tenté d'affronter quiconque, ou même s'y était simplement rendu pour des femmes comme les grands de la classe, rien ne se serait passé.".
Trop vite, trop jeune, Jeremy Kumarsamy s'est brûlé les ailes et en paye aujourd'hui le prix fort.
Ce roman m'a laissé une sensation étrange car j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dedans, j'ai même cru que je n'allais jamais y arriver, puis j'ai fini par être prise dans l'histoire, mais cela n'a duré qu'un temps car j'ai de nouveau décroché à la fin.
Ceci vient sans doute de sa construction, le début mêle trop le passé et le présent et cela m'a perdue, je me suis demandée quelle histoire je lisais exactement et quels en étaient les tenants et les aboutissants.
Puis pendant une bonne moitié du livre, ce n'est qu'un retour dans le passé et cela m'a permis de mieux comprendre l'histoire et le personnage, et surtout je me suis laissée prendre au jeu et à la passion dévorante du badminton qui anime le personnage principal.
Et puis vers la fin il y a de nouveau des situations trop emmêlées et l'explication de la blessure et du handicap est décevante, mon intérêt était de nouveau retombé.
La narration est dérangeante, parfois à la première personne du singulier, d'autres fois non, tout cela contribue à perdre définitivement le lecteur, en tout cas ce fut mon cas.
Autre souci, je n'ai jamais accroché au personnage principal de Jeremy Kumarsamy, il est beaucoup trop centré uniquement sur lui et sur son nombril, il ne s'ouvre jamais aux autres, à un point qu'il en devient antipathique pour le lecteur.
Il ne cherche même pas à savoir ce qu'est devenu son père, les femmes vont et viennent sans qu'il ne s'attache jamais, je m'arrête là car je ne lui ai pas trouvé une seule qualité, voilà un personnage qui n'a pas grand chose pour lui et qui finit par déclencher une réaction allergique.
On ne peut être qu'indifférent à ce personnage, il n'a jamais réussi à se présenter comme sympathique, les drames de sa vie coulent sur le lecteur comme l'encre sur le papier.
A contrario d'autres personnages comme sa tante, Felicity, sont intéressants mais finissent par être abandonnés en cours de roman et il n'est plus jamais question d'eux.
"En chute libre" porte bien son nom, il est ici question de la chute inexorable et toujours plus profonde de Jeremy Kumarsamy, ancien champion international de badminton qui s'est totalement laissé dépasser par les évènements, tout comme le lecteur qui perd trop souvent pied dans ce roman à la construction particulière et inégale, mélangeant trop le passé et le présent dans une ficelle trop complexe pour être démêlée et appréciée.
Livre lu dans le cadre du Prix Océans
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