mardi 25 septembre 2012

Le pont des arts de Catherine Meurisse


Vous ne savez pas distinguer un chef-d'oeuvre d'une croûte ? Laissez Baudelaire vous l'apprendre ! Vous ne pouvez pas voir les fruits de mer en peinture ? Diderot risque de vous convaincre du contraire... Les impressionnistes vous lassent ? Zola vous remettra le compas dans l'oeil ! Après les hommes de lettres, visitez le musée idéal de Catherine Meurisse, où les peintres et les écrivains nourrissent des amitiés extraordinaires pour l'amour de l'art. (Sarbacane)

Je ne sais pas si à l'issue de la lecture de cette bande dessinée je saurai sans l'ombre d'un doute distinguer un chef-d'oeuvre d'une croûte (tous les goûts ne sont-ils pas dans la nature ?), mais une chose est sûre : j'ai pris beaucoup de plaisir à cette promenade artistique proposée par Catherine Meurisse.

L'auteur propose ici son musée idéal, elle sélectionne les peintres qui ont marqué leur époque et pour en parler fait interagir des écrivains célèbres, forme de clin d'oeil à l'une de ses précédentes bandes dessinées "Mes hommes de lettres".
C'est extrêmement drôle, il y a des jeux des mots, ainsi Diderot s'adressant à son valet : "Arrêtez d'être fataliste, Jacques, c'est usant à la fin !", des phrases cinglantes telle celle de George Sand : "Le problème c'est que, quand un tableau accuse une paralysie mentale à ce point, je ne peux m'empêcher de déplorer l'erreur du maître.", le mystère sur la Joconde est résolu (ou pas) par un gardien : "Si vous croyez vous adresser à une demoiselle, vous vous gourez. Vingt ans que je suis ici, vingt ans que je dis que cette bonne femme est un homme.", Emile Zola se désespère quelque peu de l'incompréhension des personnes de son époque : "Un chat. Noir. Ca les fait rire. Ah bien sûr, vous n'avez pas perdu votre journée, quand vous trouvez un chat. C'est la seule métaphore sexuelle que vos pauvres cerveaux de frustrés puissent comprendre.", tandis que Charles Baudelaire s'enthousiasme pour le génie de Delacroix : "Pas hautain. Supérieur à nous tous. Retenez bien ça : Delacroix est le plus suggestif de tous les peintres ... celui dont les oeuvres rappellent à la mémoire des sentiments et des pensées poétiques qu'on croyait enfouis pour toujours dans la nuit du passé.".
J'ai en tout cas souri voire ri par moment et ce, du début à la fin, ce fut donc un très bon moment de lecture.
Il y a aussi d'autres phrases plus profondes, plus sérieuses : "Le génie de l'artiste peut certes être comparé à une difformité du cerveau, à une folie, mais c'est croire alors que la perle est une infirmité de l'huître !", quelques vérités énoncées sur des peintres qui auront eu du mal à percer : "Longtemps incompris et méprisé, Cézanne connaîtra le succès sur le tard. Ses "ratés" ouvriront la voie ... au cubisme. L'art a ses raisons que la raison, heureusement, ne connaît point.", en somme, cette bande dessinée est un condensé fort agréable d'art, qu'il soit littéraire ou de peinture.
C'est ludique et à aucun moment barbant, c'est écrit de façon intelligente, sans chercher à donner une leçon magistrale et cela convient quel que soit le niveau de culture du lecteur.
J'ai particulièrement apprécié l'articulation que fait ressortir l'auteur entre les peintres et les écrivains, généralement ces deux formes d'art sont présentées séparément or, elles sont liées l'une à l'autre.
Le graphisme relève de la caricature mais cela ne m'a aucunement dérangée, je trouve même que cela colle parfaitement avec le ton de cette bande dessinée.
L'index en fin d'ouvrage des personnalités croisées dans le récit est bienvenue et complète à merveille celui-ci.

"Le pont des arts" est un album plein de fraîcheur et d'humour, qui se lit avec beaucoup de plaisir, servi par la plume caricaturale de Catherine Meurisse, et qui permet de revisiter de façon ludique les classiques de la peinture française.



"Point de pâte d'amande dans du lait, ici ... Vous avez des personnages de tous les jours, en muscles et en os, peints grandeur nature ! Géniale indécence ! Et puis , avouez : une femme à poil, peinarde, entourée d'hommes habillés, qui en outre a le culot de vous regarder dans les yeux, ça vous remue, n'est-ce pas ?"




"Là, vous avez la sauvagerie de la peinture pure ... et non de la peinture "astiquée"!" (Charles Baudelaire)




2 commentaires:

  1. Un chef-d'oeuvre d'une croûte ? Ça me semble bien rigolo. :-)

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  2. @ isallysun : j'ai bien rigolé en lisant cette bande dessinée, il y a de l'humour dans le texte et dans les dessins.

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