dimanche 27 janvier 2013
Batman The killing joke d'Alan Moore et Brian Bolland
Une des plus belles épopées de Batman dans une édition recolorisée et partiellement redessinée par Brian Bolland. Le texte est signé Alan Moore. En prime, une histoire courte de Bolland. (Panini Comics)
"Se souvenir n'est pas sain. Le passé est un endroit riche en tracas et complications. "Le passé simple" ça n'existe pas !"
Le passé du Joker n'est pas simple, pour lui tout s'est joué sur un mauvais jour et il est devenu un criminel fou, enfin, c'est ainsi que lui voit la chose car pour Batman, son ennemi juré, il n'en est pas de même et son voire même ses mauvais jours ne peuvent lui servir d'excuses ni de justificatifs.
Pour cet opus de Batman, Alan Moore a décidé de revisiter les origines du Joker et de le confronter une nouvelle fois à Batman, confrontation qui laissera des traces puisqu'il paralyse Barbara Gordon en lui tirant dans la colonne vertébrale et capture son père, le commissaire Gordon, pour tenter dans le rendre fou dans le parc d'attractions qu'il vient d'acquérir, après s'être une nouvelle fois échappé de l'asile d'Arkham : "Mesdames et messieurs ! Vous en avez entendu parler dans les journaux ! Maintenant, tremblez alors qu'apparaît devant vos yeux ébahis l'une des plus lamentables erreurs de la nature ! Voici l'homme ordinaire ! Ordinaire physiquement, mais affligé d'une moralité difforme. Voyez comme la foi en l'humanité est enflée, l'odieuse bosse que forme la conscience sociale, la décoloration de l'optimisme flétri ... âmes sensibles s'abstenir.".
Choix judicieux que de montrer au lecteur le passé du Joker, avec des planches en noir et blanc qui se colorisent au fur et à mesure mais uniquement avec un rouge qui devient de plus en plus dominant, d'autant plus que l'auteur ne cherche pas à excuser ou faire aimer son personnage.
Le Joker reste un personnage fou à lier et détestable, avant de plonger dans une cuve de produit chimique il était même plutôt un raté, un homme qui s’apitoyait sur lui-même et incapable de gagner sa vie et de s'occuper de sa famille.
Il était absurde, tout comme la mort de sa femme avec un chauffe-biberon l'est, mais sa nouvelle situation lui a ouvert une autre voie dans l'absurde : celle de la menace qu'il représente par ses pulsions meurtrières mais surtout sa folie : "Les souvenirs forment une foire perfide. Elle vous entraîne des pommes d'amour de l'enfance aux montagnes russes de l'adolescence, états d'âme doux comme la barbe-à-papa mais soudain, vous prenez un virage malheureux et vous retrouvez dans les ténèbres froides, sales et ambiguës de ces souvenirs que vous auriez préféré oublier. [...] Mais peut-on vivre sans eux ? Les souvenirs sont la base de notre raison. Refuser d'y faire face, c'est nier la raison elle-même. Quoique, pourquoi pas ? Nous ne sommes pas tenus de garder la raison. Il faut savoir raison perdre !".
La colorisation faite par Brian Bolland est une franche réussite, il n'hésite pas à utiliser des couleurs tranchantes, comme le jaune du chemisier de Barbara, avec des nuances plus sombres pour le Batman, l'homme chauve-souris qui agit la nuit.
Mais l'opposition entre Batman et le Joker ne se limite pas qu'aux couleurs caractérisant ces personnages, ils ont une vision diamétralement opposée de la vie et de ses aléas, ainsi pour le Joker : "Tout ce en quoi nous croyons, ce pour quoi nous luttons ... ce n'est qu'une horrible, monstrueuse farce !" alors que pour Batman c'est l'inverse qui est vrai.
Pourtant, la fin est des plus surprenantes, comme un pied de nez à cette guerre à la vie à la mort entre ces deux personnages.
Première incursion réussie dans l'univers de Batman avec "The killing joke", album qui s'est offert Alan Moore pour un scénario ciselé, Brian Bolland à la colorisation, ce dernier offrant également une histoire courte inédite "Un parfait innocent" en fin d'album ainsi qu'une série d'esquisses.
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