dimanche 31 décembre 2017

C'est le coeur qui lâche en dernier de Margaret Atwood


Stan et Charmaine ont été touchés de plein fouet par la crise économique qui consume les États-Unis. Tous deux survivent grâce aux maigres pourboires que gagne Charmaine dans un bar sordide et se voient contraints de loger dans leur voiture... Aussi, lorsqu'ils découvrent à la télévision une publicité pour une ville qui leur promet un toit au-dessus de leurs têtes, ils signent sans réfléchir : ils n'ont plus rien à perdre. À Consilience, chacun a un travail, avec la satisfaction d'oeuvrer pour la communauté, et une maison. Un mois sur deux. Le reste du temps, les habitants le passent en prison... ou ils sont également logés et nourris ! Le bonheur. 
Mais le système veut que pendant leur absence, un autre couple s'installe chez eux avant d'être incarcéré à son tour. 
Et Stan tombe bientôt sur un mot qui va le rendre fou de désir pour celle qui se glisse entre ses draps quand lui n'y est pas : « Je suis affamée de toi. » (Robert Laffont)

Depuis que j'ai découvert Margaret Atwood avec "La petite poule rouge vide son cœur" et la lecture cette année de "La servante écarlate", je n'arrête plus avec cette auteur, raison pour laquelle je me suis littéralement jetée sur sa dernière parution au titre une nouvelle fois intrigant : "C'est le cœur qui lâche en dernier".
Margaret Atwood excelle décidément dans la dystopie, ce nouveau roman en étant une, sauf que celui-ci est plus déjanté et moins sérieux dans sa noirceur que "La servante écarlate".

La côte Est des Etats-Unis connaît une grave crise économique, Charmaine et Stan se retrouvent sans emploi, sans maison, obligés de vivre dans leur voiture, de fouiller les poubelles pour se nourrir et d'exercer un boulot minable.
Ça, c'était jusqu'à ce qu'ils découvrent l'existence du projet Consilience : "Travaillez avec des gens qui partagent votre façon de voir ! Contribuez à résoudre les problèmes de la nation en matière de chômage et de criminalité tout en réglant les vôtres ! Mettez l'accent sur le positif !", où le principe est simple : chacun travaille et habite une jolie maison un mois puis passe un mois en prison tout en y exerçant une activité utile à la communauté.
Et ça marche ... ou pas.

Margaret Atwood est honnête : il y a forcément au moins un loup derrière ce vernis et le sourire affiché pourrait se fissurer lorsque l'on cherche à creuser, comme Charmaine le fait : "Quand bien même elle pourrait en parler à quelqu'un, quand bien même on la croirait, ils feraient semblant que non, parce que, pour eux, la vérité, c'est du botulisme. Ils auraient peur de la contamination. Elle est seule.", puis ensuite Stan.
Si une telle communauté pouvait fonctionner, ça se saurait, ai-je envie de dire.
Mais plutôt que de sombrer dans la noirceur, Margaret Atwood livre ici une jouissive et déjantée dystopie, où Elvis et les nounours bleus ne sont jamais loin.
J'ai beaucoup souri au cours de cette lecture, j'ai même rigolé à quelques moments, car c'est drôle, même si l'on se doute que les personnages vont avoir des problèmes, et rien n'est tout noir ou tout blanc.
Stan va découvrir un autre visage de Charmaine, et va s'embraser pour une mystérieuse Jasmine et son rouge-à-lèvres, tandis que Charmaine va découvrir les joies du libertinage tout en se posant des questions sur l'une de ses activités au sein de Consilience, activité qui a inspiré le titre du roman : "Si on commet de mauvaises actions pour des raisons dont on vous a dit qu'elles étaient bonnes, est-ce que ça fait de vous quelqu'un de mauvais ?".
Je suis agréablement surprise de voir à quel point Margaret Atwood maîtrise les genres, elle est aussi excellente dans un registre grave que dans un plus drôle, à l'humour grinçant il faut bien le reconnaître.
J'aime décidément beaucoup son style, sa façon de raconter une histoire ainsi que les personnages qu'elle créée.
Voilà une auteur que je ne suis pas prête d'abandonner dont le plaisir de lecture est à chaque fois renouvelé.

"C'est le cœur qui lâche en dernier" est une grinçante dystopie à l'humour noir, encore une perle littéraire signée Margaret Atwood à découvrir de toute urgence.

2 commentaires:

  1. Ravie que ce roman t'ait plu !
    J'ai commencé "Lady Oracle" de la même autrice. Pas du tout dystopique, mais un portrait de femme encore tout à fait surprenant !

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    1. Je l'ai acheté récemment, je me retiens sinon je vais lire tout Margaret Atwood à la suite.

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