jeudi 31 janvier 2013

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka


Nous sommes en 1919. Un bateau quitte l’Empire du Levant avec à son bord plusieurs dizaines de jeunes femmes promises à des Japonais travaillant aux États-Unis, toutes mariées par procuration. C’est après une éprouvante traversée de l’Océan pacifique qu’elles rencontrent pour la première fois à San Francisco leurs futurs maris. Celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui auquel elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir. À la façon d’un chœur antique, leurs voix se lèvent et racontent leurs misérables vies d’exilées… leurs nuits de noces, souvent brutales, leurs rudes journées de travail dans les champs, leurs combats pour apprivoiser une langue inconnue, la naissance de leurs enfants, l’humiliation des Blancs… Une véritable clameur jusqu’au silence de la guerre et la détention dans les camps d'internement – l’État considère tout Japonais vivant en Amérique comme traître. Bientôt, l’oubli emporte tout, comme si elles, leurs époux et leurs progénitures n’avaient jamais existé. (Phébus)

"Parce qu'à présent nous étions sur le bateau, le passé était derrière nous et il n'y avait pas de retour possible.".
Dès le début pour toutes ces femmes il n'y a pas de retour possible.
Certaines laissent des enfants, toutes au moins un parent, pour une promesse de vie meilleure aux Etats-Unis.
Loin d'être l'Eldorado promis, toutes ces femmes vont aller de déconvenue en déconvenue, accumulant les déceptions et trimant toute leur vie pour un semblant de morceau de Paradis.
Sur la papier, cette histoire avait tout pour plaire, dans la réalité il en est tout autrement car j'ai été globalement déçue par ce deuxième roman de Julie Otsuka.

Tout d'abord, l'auteur utilise exclusivement une narration en "nous", désignant ainsi toutes les femmes dans leur globalité, sans chercher à distinguer l'une plus que l'autre, à s'attacher à l'une plus qu'à l'autre.
Au final ce style de narration très impersonnel a pour conséquence que le lecteur ne s'attache à aucun de ces personnages féminins et d'une façon plus générale à l'histoire puisqu'avec cette narration l'auteur l'expulse et l'empêche volontairement de se fondre dans le destin de ces femmes.
De plus, l'auteur se permet aussi vers la fin d'exprimer d'autres voix que celles de ces femmes, mais toujours sous une forme globale et impersonnelle : "Tout ce que nous savons c'est que les Japonais sont là-bas quelque part, dans tel ou tel lieu, et que nous ne les reverrons sans doute jamais plus en ce bas monde.".
Le choix de cette narration reste pour moi un mystère : volonté de faire jaillir en une voix celles de plusieurs dizaines de femmes ou bien détachement choisi pour illustrer la disparition des japonais aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre Mondiale ou accentuer le fait que ces femmes ne sont plus chez elles au Japon, qu'elles ne le sont pas et ne le seront jamais aux Etats-Unis, en quelque sorte qu'elles deviennent sans identité car sans pays ?
A des moments l'auteur part aussi dans des inventaires à la Prévert comme au début du roman : "Certaines descendaient des montagnes et n'avaient jamais vu la mer, sauf en image, certaines étaient filles de pêcheur et elles avaient toujours vécu sur le rivage.", quel était le but recherché ? Remplir des lignes sur une feuille ? Meubler son chapitre ?
Le thème choisi méritait un meilleur traitement et n'avait pas besoin de tant de listes pour que le lecteur saisisse le message sous-jacent.
Le découpage de l'histoire est inégal : des chapitres courts, d'autres plus longs, des sauts dans le temps peu marqués, tout cela crée une histoire touffue qui a tendance à s'emmêler par moment, avec des retours sur certaines anecdotes comme si l'auteur s'était rendue compte d'un oubli au cours de son écriture.
Là où Julie Otsuka avait traité finement de l'internement des japonais aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre Mondiale dans "Quand l'empereur était un dieu", ici il n'en subsiste plus grand chose.
D'une part parce que tout cela reste très général sans suivre un personnage en particulier, d'autre part parce qu'elle a gardé un oeil extérieur sur ces évènements et qu'à mon sens elle a trop cherché à créer un parallèle avec les déportations de Juifs pour une destination inconnue qui s'effectuaient au vu et au su de toute la population : "Les Japonais se sont-ils rendus dans les centres d'accueil de leur plein gré ou sous la contrainte ? Quelle est leur destination finale ? Pourquoi n'avons-nous pas été informés de leur départ à l'avance ? Qui va les défendre, si la chose est possible ? Sont-ils innocents ? Sont-ils coupables ? Sont-ils vraiment partis ?".
Il n'y a pas de comparaison possible, que cela ait été ou non l'intention de l'auteur c'est en tout cas le ressenti que j'ai fini par avoir dans ma lecture.

"Certaines n'avaient jamais vu la mer" n'a pas l'éclat du précédent et premier roman de Julie Otsuka, ne serait-ce que par le choix délibéré de l'auteur de rester au-dessus de son histoire sans chercher à s'attacher à suivre et à écrire sur un destin de femme en particulier.
Plus de déception que de satisfaction pour ma part alors que l'histoire était intéressante et aurait mérité un autre traitement pour lui donner plus de relief et s'attirer la totale adhésion du lecteur.
Si Julie Otsuka a cherché à opérer un virage à quasi 180° par rapport à son précédent roman elle aurait dû y réfléchir à deux fois car le style proposé ici déroute et risque de laisser sur le bord de la route plus d'un lecteur.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices

lundi 28 janvier 2013

Snoopy - Chienne de vie ! de Charles M. Schulz


Connu de tous, ce personnage fait partie de l'univers des Peanuts. Snoopy est le chien de Charlie Brown, garçon timide et maladroit. Snoopy passe son temps à dormir et philosopher sur le toit de sa niche, à communiquer avec son pote Woodstock (moineau de son état), à jouer au base-ball ou encore à jouer à l'as de l'aviation ! Cette série est apparue pour la première fois en 1950 aux États-Unis. Très vite apprécié par un large public et diffusé dans plus de 1500 titres à travers le monde, Snoopy a connu une gloire internationale jamais égalée (adaptation au théâtre, dessin animé, produits dérivés, gadgets de toute sorte etc.). En France la série a d'abord été publiée dans FRANCE-SOIR. L'exploitation de la série est ensuite passée en format poche (chez Dupuis puis Gallimard puis Presse-Pocket) et enfin en album cartonné chez Hachette et Dargaud. Parallèlement à l'édition des albums cartonnés classiques, la collection L'encyclopédie Charlie Brown a été relancée en 93. (Dargaud)



Snoopy est non seulement un chien attachant mais il est aussi riche en surprises : il réfléchit à beaucoup de choses, il possède un Van Gogh dans sa niche ainsi que d'autres décorations et plantes vertes, il aime manger, à tel point que cela perturbe parfois son sommeil : "Je déteste ne pas pouvoir dormir ! Je commence à gamberger, et tout ça tourne en rond ... C'est déjà épouvantable de ne pas pouvoir fermer l'oeil et de penser aux problèmes de la vie ... Mais c'est insupportable de ne pas pouvoir fermer l'oeil et de penser à une pizza !", et puis il tombe amoureux, ici d'une ravissante cocker qu'il songe sérieusement à épouser : "Quelle fille ! Il faut que je lui demande de m'épouser. On vivra ici ... La maison lui plaira ... J'engagerai même une caniche pour faire le ménage !".
Pour la caniche pour faire le ménage je t'arrête tout de suite Snoopy, il en est hors de question ! Pourquoi ne pas utiliser les oreilles tombantes de ta cocker ? Pratique pour aller sous les meubles !
Snoopy respire le bonheur et la joie de vivre et sous ses airs calmes : "A l'intérieur, c'est un tourbillon d'émotions !".
Autour de lui gravite Charlie Brown, son maître, Linus, Sally, Schroeder et Lucy, la philosophe-bagarreuse de la bande cherchant à attirer l'attention de Schroeder :  "Selon ma théorie, la fin du monde ne peut pas arriver aujourd'hui, parce que quelque part dans le monde, c'est déjà demain ! Elle est réconfortante, ma théorie, non ?".
Comme le dit le titre, c'est une chienne de vie que mène Snoopy, avec des aventures sympathiques et drôles et des personnages attachants.
Ca se lit très facilement, l'histoire est constituée de petites historiettes qui n'ont pas vraiment de lien entre elles mais ça ne pose pas de problème.
Quant au graphisme, il est très beau et n'a pas vieilli pourtant, Snoopy est né dans les années 1950, il est mondialement connu et ce personnage est reconnaissable entre tous.
J'aime beaucoup le trait de dessin de Charles M. Schulz ainsi que la mise en couleur variée et à aucun moment agressive pour les yeux.
La mise en page est sobre, les couleurs donnent une tonalité gaie à l'ensemble et même si les cases ne regorgent pas de détails elles montrent que l'auteur a privilégié la qualité à la quantité.
De plus, les textes sont écrits en gros caractère ce qui ne fatigue pas les yeux.

"Chienne de vie !" est un album de Snoopy très agréable à lire, il s'agissait de ma première lecture de Snoopy, comme quoi il n'y a pas d'âge pour commencer, et j'ai passé un très bon moment en compagnie de ce petit chien, moment que je souhaite d'ailleurs renouveler rapidement.


Livre lu dans le cadre du challenge Totem - Chien

dimanche 27 janvier 2013

Batman The killing joke d'Alan Moore et Brian Bolland


Une des plus belles épopées de Batman dans une édition recolorisée et partiellement redessinée par Brian Bolland. Le texte est signé Alan Moore. En prime, une histoire courte de Bolland. (Panini Comics)

"Se souvenir n'est pas sain. Le passé est un endroit riche en tracas et complications. "Le passé simple" ça n'existe pas !"
Le passé du Joker n'est pas simple, pour lui tout s'est joué sur un mauvais jour et il est devenu un criminel fou, enfin, c'est ainsi que lui voit la chose car pour Batman, son ennemi juré, il n'en est pas de même et son voire même ses mauvais jours ne peuvent lui servir d'excuses ni de justificatifs.

Pour cet opus de Batman, Alan Moore a décidé de revisiter les origines du Joker et de le confronter une nouvelle fois à Batman, confrontation qui laissera des traces puisqu'il paralyse Barbara Gordon en lui tirant dans la colonne vertébrale et capture son père, le commissaire Gordon, pour tenter dans le rendre fou dans le parc d'attractions qu'il vient d'acquérir, après s'être une nouvelle fois échappé de l'asile d'Arkham : "Mesdames et messieurs ! Vous en avez entendu parler dans les journaux ! Maintenant, tremblez alors qu'apparaît devant vos yeux ébahis l'une des plus lamentables erreurs de la nature ! Voici l'homme ordinaire ! Ordinaire physiquement, mais affligé d'une moralité difforme. Voyez comme la foi en l'humanité est enflée, l'odieuse bosse que forme la conscience sociale, la décoloration de l'optimisme flétri ... âmes sensibles s'abstenir.".
Choix judicieux que de montrer au lecteur le passé du Joker, avec des planches en noir et blanc qui se colorisent au fur et à mesure mais uniquement avec un rouge qui devient de plus en plus dominant, d'autant plus que l'auteur ne cherche pas à excuser ou faire aimer son personnage.
Le Joker reste un personnage fou à lier et détestable, avant de plonger dans une cuve de produit chimique il était même plutôt un raté, un homme qui s’apitoyait sur lui-même et incapable de gagner sa vie et de s'occuper de sa famille.
Il était absurde, tout comme la mort de sa femme avec un chauffe-biberon l'est, mais sa nouvelle situation lui a ouvert une autre voie dans l'absurde : celle de la menace qu'il représente par ses pulsions meurtrières mais surtout sa folie : "Les souvenirs forment une foire perfide. Elle vous entraîne des pommes d'amour de l'enfance aux montagnes russes de l'adolescence, états d'âme doux comme la barbe-à-papa mais soudain, vous prenez un virage malheureux et vous retrouvez dans les ténèbres froides, sales et ambiguës de ces souvenirs que vous auriez préféré oublier. [...] Mais peut-on vivre sans eux ? Les souvenirs sont la base de notre raison. Refuser d'y faire face, c'est nier la raison elle-même. Quoique, pourquoi pas ? Nous ne sommes pas tenus de garder la raison. Il faut savoir raison perdre !".
La colorisation faite par Brian Bolland est une franche réussite, il n'hésite pas à utiliser des couleurs tranchantes, comme le jaune du chemisier de Barbara, avec des nuances plus sombres pour le Batman, l'homme chauve-souris qui agit la nuit.
Mais l'opposition entre Batman et le Joker ne se limite pas qu'aux couleurs caractérisant ces personnages, ils ont une vision diamétralement opposée de la vie et de ses aléas, ainsi pour le Joker : "Tout ce en quoi nous croyons, ce pour quoi nous luttons ... ce n'est qu'une horrible, monstrueuse farce !" alors que pour Batman c'est l'inverse qui est vrai.
Pourtant, la fin est des plus surprenantes, comme un pied de nez à cette guerre à la vie à la mort entre ces deux personnages.

Première incursion réussie dans l'univers de Batman avec "The killing joke", album qui s'est offert Alan Moore pour un scénario ciselé, Brian Bolland à la colorisation, ce dernier offrant également une histoire courte inédite "Un parfait innocent" en fin d'album ainsi qu'une série d'esquisses.

La théorie de la contorsion de Margaux Motin


Je suis quelqu'un d'assez souple, dans la vie, en général. J'veux dire, je m'adapte à peu près à toutes les situations. Mais dès qu'on essaie de me ranger dans des cases et de me coller des étiquettes, je suis trop nombreuses, on fait des crises de claustrophobie. C'est mauvais pour mon teint et en plus, après, je digère mal. Je veux bien être " Mère ", ça me va. " Illustratrice ", c'est cool. " Fiiiille ", ça me satisfait, de toute façon, si je devais faire pipi debout, j'arrêterais pas de saloper mes godasses. Mais je ne peux pas être que ça, tout le temps. Je veux être libre d'être toutes les femmes que j'ai envie d'être, même celles auxquelles j'ai pas encore pensé, même celle que je ne pensais pas vouloir être y'a cinq minutes. Et ça me semble évident que ça serait archi pas écologique tout le papier qu'il faudrait pour coller des étiquettes à toutes ces bonnes femmes... Donc autant nous laisser courir toutes nues dans les champs de pâquerettes. (Marabout)

Après "J'aurais adoré être ethnologue" voici le deuxième volume de la vie d'illustratrice, de parisienne branchée et de maman cool de Margaux Motin.
Un roman graphique en demi-teinte pour ma part qui ne m'a fait que sourire et juste à certains moments, pour le reste ça se lit mais ça ne m'a pas marquée plus que ça.
Du côté des petites histoires réussies je retiens Sleeping beauty, une version revisitée et moderne de la princesse endormie dans la forêt, et la Playlist spéciale coeur brisé, celle que l'on écoute juste après une rupture, histoire de remuer encore le couteau dans la plaie, à des stades différents de la vie.
Quelques beaux moments graphiques également, ceux où l'auteur part d'une photo et se rajoute dessus en dessin, un procédé qui donne un peu d'originalité à l'ensemble de cette bande dessinée.
Margaux Motin se présente comme une jeune femme branchée, adorant le shopping et plus particulièrement les chaussures, illustratrice free-lance qui doit jongler avec sa carrière professionnelle et sa vie de maman, mais également comme une jeune femme trash et non exclusivement féminine : "Le chien est sans doute le seul organisme vivant à aimer l'odeur du Tampax plein.".
Au passage, elle parle aussi de sa mère et de sa soeur : "Ma soeur et moi, faut dire ce qui est, on est un peu Audrey Hepburn et Kim Bassinger ... mais finies à la pisse.", un peu de son homme et beaucoup de sa fille.
Cette bande dessinée s'adresse exclusivement aux filles, elle est en tout cas très orientée en ce sens et je le regrette car cela stigmatise trop la bande dessinée féminine en la cantonnant dans le rayon "girly", d'autant plus que je ne me reconnais pas franchement dans cette jeune femme et que même Bridget Jones n'a pas un côté aussi désespérée et ravissante idiote se focalisant quasi exclusivement sur le shopping.

"La théorie de la contorsion" n'est pas vraiment faite pour moi, je n'ai pas réussi à entrer dans l'une des boîtes de l'auteur ne me reconnaissant pas vraiment dans le portrait de cette jeune femme moderne.
Une bande dessinée qui se lit rapidement, qui fait sourire à certaines moments sans toutefois révolutionner la bande dessinée féminine, un cran en-dessous de la précédente bande dessinée de Margaux Motin.

samedi 26 janvier 2013

Entre ciel et terre de Jón Kalman Stefánsson


" Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d'autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le coeur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être ni vivants ni morts ". 
Parfois les mots font que l'on meurt de froid. Cela arrive à Bàrôur, pêcheur à la morue parti en mer sans sa vareuse. Trop occupé à retenir les vers du Paradis perdu du grand poète anglais Milton, il n'a pensé ni aux préparatifs de son équipage ni à se protéger du mauvais temps. Quand, de retour sur la terre ferme, ses camarades sortent du bateau son cadavre gelé, son meilleur ami, qui n'est pas parvenu à le sauver, entame un périlleux voyage à travers l'île pour rendre à son propriétaire, un vieux capitaine devenu aveugle, ce livre dans lequel Bàrôur s'était fatalement plongé, et pour savoir s'il a encore la force et l'envie de continuer à vivre. 
Par la grâce d'une narration où chaque mot est à sa place, nous accompagnons dans son voyage initiatique un jeune pêcheur islandais qui pleure son meilleur ami : sa douleur devient la nôtre, puis son espoir aussi. Entre ciel et terre, d'une force hypnotique, nous offre une de ces lectures trop rares dont on ne sort pas indemne. Une révélation... (Gallimard)

"Ceux qui habitent dans cette vallée ne voient que des fragments du ciel. Ils ont pour horizon les montagnes et les rêves.", et ceux qui n'habitent pas dans cette vallée partent pêcher la morue dans la mer glaciale, au péril de leur vie : "Les rames ploient presque sous l'effort, douze bras parfaitement entraînés, des muscles bandés qui, ajoutés les uns aux autres, déploient une sacrée puissance et voilà que, devant nous, le fjord s'ouvre sur la Mer Glaciale face à laquelle nous ne sommes rien, face à laquelle nous n'avons que notre foi en la miséricorde du Seigneur et peut-être aussi un soupçon de bon sens, de courage et de désir de vivre.".
De bon sens, Bàrôur va en manquer car hypnotisé par la poésie qu'il vient de lire il en a oublié sa vareuse, et c'est mort de froid qu'il reviendra de cette sortie en mer.
Son meilleur ami, armé de sa tristesse et du "Paradis perdu" de Milton va alors traverser l'île pour rendre ce livre à son propriétaire.

Je sors mitigée de cette lecture, avec l'impression d'être passée à côté de quelque chose mais sans non plus réussir à mettre la main sur quoi.
Je suis restée extérieure à cette histoire, j'ai eu beaucoup de mal avec les prénoms, ainsi qu'avec les différents personnages, les histoires s'emboîtant les unes dans les autres.
D'ailleurs les parties du livre sont inégales tout comme la longueur des chapitres, ceci ne m'a pas aidée à entrer dans l'histoire.
Je ne sais pas si c'était par manque d'attention ou si la période est peu propice mais je n'ai même pas eu trop envie de passer dix minutes à essayer de comprendre, c'est un style de narration qui n'est pas fait pour moi, tout du moins pas actuellement.
Pourtant, à certains moments j'ai cru pouvoir entrer dans la lecture, j'y suis même rentrée mais cela n'a duré que le temps d'un chapitre car au suivant je décrochais de nouveau en attendant la suite.
Parfois il y a de très beaux paysages, de très belles phrases emplies de vérité comme celles-ci : "L'enfer est un être défunt.", je ne peux pas non plus dire que je n'ai rien ressenti de la tristesse de ce garçon d'avoir perdu son meilleur ami, ni même de la forme de bêtise de cette mort, mais tout cela n'a pas suffi à me convaincre et à me faire adhérer à ce roman.
J'ai tout de même apprécié les passages concernant la pêche à la morue, ce sont des instants forts où j'ai réussi à voir toute la dureté et la dangerosité de ce métier, où j'ai eu froid et peur avec les personnages : "Ils rament et leurs coeurs pompent le sang, distillant en eux le doute sur le poisson et sur la vie, mais aucunement sur Dieu, non, car sinon, ils oseraient à peine monter sur cette coquille de noix, ce cercueil ouvert, posé à la surface de la mer, bleue en surface, mais noire comme le charbon en dessous.".
Ce livre contient une forme de poésie qui n'a pas su me conquérir ni me faire rêver aux grands espaces de l'Islande.

Une incursion plutôt rare de ma part dans la littérature islandaise avec "Entre ciel et terre" dont je ne ressors pas conquise, avec le sentiment d'être passée à côté de cette histoire et de cette lecture, peut-être parce que ce moment ne se prêtait pas à une telle lecture ou peut-être parce que cela ne me convient pas.
Je reconnais tout de même à ce roman de beaux passages forts et intenses en sentiment humain qui sans doute sauront plus toucher d'autres lecteurs.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

mardi 22 janvier 2013

Les lettres d'Edith Wharton


À Paris, la jeune Lizzie West tombe amoureuse de Vincent Deering, le père de la petite fille dont elle est l'institutrice. Devenu veuf, Deering doit repartir aux États-Unis. Les amants se promettent de s'écrire, mais rapidement Lizzie ne reçoit plus aucune lettre. Quelques années plus tard, elle le croise par hasard... Une analyse fine et pénétrante du coeur d'une femme amoureuse par l'auteur de Chez les heureux du monde. (Gallimard)


"Les lettres" est une nouvelle d’Edith Wharton, romancière américaine ayant passé la plus grande partie de sa vie en France.
C’est donc tout naturellement que l’intrigue de cette nouvelle se situe à Paris, soi-disant ville des amoureux mais ici plutôt ville des déboires amoureux de la jeune Lizzie West.

Lizzie West est une jeune fille simple gagnant sa vie comme institutrice.
Elle s’amourache alors du père d’une de ses élèves : Vincent Deering, peintre de son état : "Ils avaient échangé un baiser, voilà le fait nouveau.".
Ce dernier devient vite veuf, semble répondre à sa flamme, puis doit repartir aux Etats-Unis en prenant soin de laisser sa fillette à un couple d’amis sur la Côte d’Azur et fait jurer à Lizzie de lui écrire pour lui donner des nouvelles : "Ce pacte, à y penser au long d'une nuit d'insomnie, avait surtout consisté - de sa part à lui - à la supplier de lui faire parvenir des nouvelles fréquentes et détaillées et, de sa part à elle, en promesses de les lui donner chaque fois qu'il écrirait pour les lui demander.".
Bien entendu, Lizzie n’aura plus de nouvelles de Deering jusqu’à ce qu’elle le revoit à Paris quelques années plus tard.
La roue de la fortune a tourné et Lizzie en est sortie vainqueur : elle a hérité de la fortune d’un parent et vit désormais plus chichement qu’auparavant : "Elle avait beaucoup espéré de cette opportunité de pouvoir flâner, voyager et surtout musarder - cet art propre aux femmes -, sans parler du pouvoir de se montrer "gentille" envers ses anciennes compagnes d'un temps moins favorable.".
Le rapport de force est inversé, car Deering vit désormais dans le dénuement, mais Lizzie ne lui résistera pas bien longtemps et finira par l’épouser.

Il ne faut pas se laisser abuser par le titre, il ne s’agit pas d’un roman épistolaire mais d’un roman dont l’intrigue tourne autour de lettres : celles envoyées par Lizzie à Deering et restées sans réponse.
L’auteur a pris le parti de ne pas montrer leur contenu au lecteur, il n’y en avait de toute façon pas besoin puisque ce dernier imagine sans problème leur contenu.
L'auteur a vécu de nombreuses années en France, cela se voit immédiatement à la lecture tant les descriptions de Paris sont précises et retranscrivent l'atmosphère de la capitale française.
J'ai bien aimé également la vision des hommes français qu'a Edith Wharton, ou tout de moins ce qu'elle fait penser à la tante de Lizzie : "Elle en était encore au même stade que ses compatriotes féminines qui goûtent au maximum l'excitation périlleuse d'être exposées aux regards d'un Gaulois licencieux.".
J'ai souri, car ceci a traversé le temps et les époques et l'auteur est toujours très respectueuse de la France. Elle apporte juste sa vision très précise des français et de leur comportement.
En tout cas, cette nouvelle est bien amère et non dénuée de morale.

Lizzie West, l'héroïne, n’est pas une oie blanche, pourtant elle se laissera abusée par Vincent Deering et croira tout ce qu’il lui dit pour finir par l’épouser et l’entretenir.
Car Vincent Deering est un profiteur, purement et simplement, incapable de faire quoi que ce soit avec ses dix doigts, il se dit peintre mais est incapable de vivre de son art, qui est certainement médiocre, c’est en tout cas ce que laisse à penser l’auteur.
Lizzie West n’est pas non plus une victime dans le sens où même lorsqu’elle apprend la vérité elle préfère fermer les yeux et continuer ainsi, rabrouant une nouvelle fois celle qui est certainement son amie la plus sincère alors que quelques minutes auparavant sa décision était toute autre : "Et même si, maintenant, elle pourrait lui pardonner de l'avoir oubliée, elle ne pourrait jamais excuser sa duperie.".
Lizzie West condense à elle seule l’image de la femme aveuglée par l’amour et que rien ni personne ne peut ramener à la raison.
Elle a peur de se retrouver seule, à l'origine sans doute peur de vivre et de finir sa vie seule, et c'est pour toutes ces raisons qu'elle se laisse abuser et accepte sa situation : "De cette appréhension, elle détournait résolument ses pensées, consciente du fait que, si elle se laissait aller à l'envisager, la force motrice de son existence disparaîtrait et qu'elle ne saurait plus ni pourquoi elle se levait le matin, ni pourquoi elle se couchait le soir.".
En somme, c'est une réaction tout à fait humaine et compréhensible, tout le monde ou presque a plus ou moins connu une personne ainsi faite qui accepte de fermer les yeux par peur de se retrouver seule.
Edith Wharton a réussi à croquer un portrait féminin au plus proche de la réalité sans faire détester son héroïne ni attirer la pitié du lecteur sur elle.
Malgré ses résolutions, Lizzie finit sans trop d’effort par céder à Deering, sans voir à aucun moment à quel point il est profiteur et paresseux : "Le changement de son sort ne l'avait entraîné à aucun excès : il était simplement trop paresseux pour rédiger le chèque comme il avait été trop paresseux pour se rappeler sa dette.".
D’ailleurs, l’auteur a joué finement dans son écriture, pendant la première partie de l’histoire elle ne laisse rien transparaître de la vraie nature de Deering, ainsi le lecteur croit dur comme fer, tout comme Lizzie, à la sincérité des sentiments qu’il éprouve pour la jeune femme.
Ce n’est que dans la deuxième partie que le lecteur commence à se poser des questions et à percevoir la vérité, se séparant ainsi du personnage de Lizzie qui préfère s’enfermer dans son amour, dans ses certitudes et dans sa vie quotidienne avec son petit confort dû à sa situation financière.
Je n’approuve pas l’attitude de Lizzie : "Voilà qui n'arrivait jamais dans les romans : le bonheur "bâti sur le mensonge" s'effondrait toujours, ensevelissant son architecte présomptueux sous ses ruines. A en croire les lois de la fiction, si Deering l'avait trahie une fois, il devait fatalement continuer à le faire. Et, cependant, elle était convaincue qu'il n'en était rien.", mais c’est là l’un des tours de force de l’auteur, je ne la déteste pas non plus, je n’ai pas eu envie d’envoyer promener le livre devant tant de naïveté et d’aveuglement ni de secouer Lizzie pour la ramener à la raison et je ne lui en veux pas.
Au contraire, je comprends en un sens pourquoi elle agit ainsi, ceci est dû en grande partie au style littéraire d’Edith Wharton dont la plume est toujours aussi précise et affûtée quand il s’agit de parler des affres de la vie amoureuse.


Goûter au style d'Edith Wharton c'est y revenir, et même si plusieurs mois se sont écoulés depuis ma dernière (et première) lecture de cette auteur, j'ai lu avec grand plaisir "Les lettres", conte oscillant entre le doux et l'amer et pénétrant au plus profond du coeur d'une femme amoureuse qui a perdu tout ou partie de sa raison, mais ne dit-on pas que la raison n'a jamais raison quand il s'agit du coeur ?

Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre W


Livre lu dans le cadre du challenge Edith Wharton

lundi 21 janvier 2013

Soleil vert de Richard Fleischer





En 2022, les hommes ont épuisé les ressources naturelles. Seul le soleil vert, sorte de pastille, parvient à nourrir une population miséreuse qui ne sait pas comment créer de tels aliments. Omniprésente et terriblement répressive, la police assure l'ordre. Accompagné de son fidèle ami, un policier va découvrir, au péril de sa vie, l'effroyable réalité de cette société inhumaine. (AlloCiné)

Dans la lignée de "Fahrenheit 451" ou "La planète des singes", "Soleil vert" est un film d’anticipation de 1973 adapté du roman éponyme de Harry Harrisson.

Pour commencer, un petit mot sur la piètre traduction du titre : en version originale le titre est "Soylent Green", ce qui n’a pas grand-chose à voir avec le soleil (contraction du terme anglais lentille de soja) et qui a une portée plus grande que le titre en français, à savoir qu’il fait référence à la fois à la nourriture synthétique mais également à la firme Soylent qui la produit.

L’introduction du film plante le décor : la montée de l’industrialisation au vingtième siècle pour finir par s’écrouler au vingt-et-unième siècle.
L’histoire se passe en 2022, il n’y a plus aucune ressource naturelle, manger de la viande n’est même pas un luxe mais relève quasiment de l’impossibilité, tandis que dans le même temps la population s’est fortement accrue, engendrant énormément de pauvreté, de chômage et un manque cruel de logements.
Au milieu de tout cela, il y a Robert Thorn, un détective hors pair, qui partage son appartement avec Sol Roth, un homme âgé ayant connu le monde avant le changement et passant ses journées à regretter le passé : la nature, les animaux, la nourriture naturelle.
Thorn se trouve appelé sur une scène de crime, un homme connu et haut placé a été exécuté dans son appartement, il en profite pour faire la rencontre de Shirl, un « mobilier » de l’appartement.
Belle évolution : certaines femmes font partie du mobilier des appartements en y étant attachées par contrat et doivent satisfaire les plaisirs des acquéreurs de l’appartement.
Mais le principal intérêt du film n’est pas sur la résolution de cette enquête, de toute façon le spectateur sait pertinemment qui l’auteur du meurtre, mais sur la découverte que Thorn va faire, poussé par son ami Sol, que la véritable nature du soleil vert.


C’est un monde décadent qui est présenté dans ce film, il ne manque presque qu’une guerre pour que le tableau soit parfait.
La foultitude se rue tous les jours au marché pour s’approvisionner en eau potable, soleil jaune, soleil rouge et surtout le très recherché soleil vert.
C’est une dénonciation des politiciens corrompus, des industriels cyniques parqués dans les beaux quartiers et les beaux immeubles, et d’une population toujours plus grande qui souffre de pauvreté et de malnutrition, un peu ce qui se passe déjà dans certains pays et qui pourraient s’étendre si la population mondiale continue de croître de façon non maîtrisée.
Il y a également d’autres sous-entendus : des personnes qui disparaissent, surtout les personnages âgées qui s’en vont au Foyer, lieu où elles se font euthanasier pour être ensuite emmenées dans des bennes type ramassage des ordures ménagères ; et les émeutes qui sont réprimées violemment avec le ramassage des gêneurs par des pelleteuses qui les expédient à l’arrière des camions.
Ca rappelle dangereusement les camps de concentration issus d’un régime totalitaire tout cela.
Les humains ne sont que des jetons sans importance sur le jeu d’échec maîtrisé par quelques puissants.
Quant au soleil vert, Thorn n’est pas au bout de ses surprises et il a la preuve recherché par l’Echange, une bibliothèque fréquentée par des gens instruits, le soleil vert, ce fameux biscuit miracle, n’est rien d’autre que du cannibalisme car fabriqué à partir des corps euthanasiés au Foyer.


La première partie du film sert surtout à planter le décor et à familiariser le spectateur avec les personnages principaux.
C’est une partie qui peut sembler faire du sur-place, mais ce n’est qu’une apparence.
Il s’y passe beaucoup de choses qui seront déterminantes par la suite, notamment en ce qui concerne les personnages et leur évolution.
Il serait trop réducteur de dire que Thorn est un profiteur, c’est surtout un homme qui travaille mais qui a du mal à s’en sortir dans la vie, essentiellement marquée par son amitié avec Sol, un ancien professeur.
Ce dernier va jouer le rôle de déclencheur, lui ouvrir les yeux sur la réalité du monde dans lequel il vit et ce qu’il était avant.
Ce n’est pas forcément ce que l’on peut qualifier de mentor dans le sens traditionnel, mais c’en est un tout de même.
La deuxième partie est plus riche en action et elle ouvre au spectateur toute l’horreur de la vie en 2022 et de ce qui se cache derrière un soi-disant produit miracle et nécessaire pour la vie, outre le fait que l’Homme a totalement anéanti la nature et les ressources naturelles.
Il y a une très belle scène entre Thorn et Sol lorsque celui-ci est au Foyer et que Thorn assiste à son agonie. Il voit le film projeté sur un écran géant circulaire (un I-Max pour nous aujourd’hui) et se rend compte pour la première fois de ce qu’était la vie avant : les animaux dans les bois, la mer, les couchers de soleil, la nuit, l’océan, la vie sous marine.
D’ailleurs, l’ambiance du film est plutôt dans une atmosphère jaunâtre où le soleil n’a pas vraiment de place, où la nuit est sombre, des poussières voltigeant à longueur de journée.
La musique classique qui accompagne ces scènes est magnifique et colle parfaitement aux images.
Quant aux acteurs, le jeu de Charlton Heston est remarquable (décidément, la Terre dans le futur et lui ça devient une habitude, rôle différent de celui de La planète des singes mais qui se recroise sur certaines thématiques développées), tout comme celui d’Edward G. Robinson, décédé peu de temps après la fin du tournage, et la délicieuse Leigh Taylor-Young dans le rôle d’une femme-mobilier tombant amoureuse de Thorn.
Je regrette la fin, une forme d’apothéose, mais qui m’a laissée totalement dans l’inconnu sur la suite, un peu trop libre en somme d’imaginer ce qui va se passer.
Le film coupe brusquement, sans doute trop, comme si le réalisateur n’avait plus su quoi montrer ou comment conclure ce film.
C’est un peu dommage, je suis restée sur ma faim/fin dans tous les sens du terme, alors que le suspens avait bien monté crescendo et que mon attention était définitivement captée par l’histoire.


"Soleil vert" est un film d’anticipation qui mérite vraiment le coup d’œil, d’autant qu’il a moins vieilli, ou alors mieux, que son homologue "Fahrenheit 451" de François Truffaut.
Le propos n’est absolument pas démodé et il est intéressant au regard des évènements passés et actuels de visionner ce film.
Par curiosité, je lirai bien le livre également, même si l’histoire diffère quelque peu.

Batman de Tim Burton




Le célèbre et impitoyable justicier, Batman, est de retour. Plus beau, plus fort et plus dépoussiéré que jamais, il s'apprête à nettoyer Gotham City et à affronter le terrible Joker... (AlloCiné)

J’aime les films de Tim Burton, j’étais curieuse de voir (enfin) son "Batman", au final j’y ai pris moins de plaisir que ce à quoi je m’attendais, pour une raison simple et qui sera sans doute jugée bête par certains : difficile de voir le Joker après l’interprétation magistrale de Heath Ledger dans le film de Christopher Nolan.
Je ne remets pas du tout en cause l’interprétation de Jack Nicholson, mais ses bouffonneries me sont apparues quelque peu vieillottes et je n’attendais plus grand chose de ce personnage pour tout dire.


Déjà, le générique de début est extrêmement dépouillé : il défile pour révéler le symbole de Batman : une chauve-souris.
Rien d’original, une ambiance plutôt sombre, bienvenue à Gotham City, en espérant que la suite ne soit pas à l’image de ce générique dépouillé sauvé par la musique originale de Danny Elfman.


Pour l’histoire, une belle et talentueuse journaliste, Vicky Vale s’intéresse au Batman avec un acolyte totalement sous son charme (mais pas elle), la demoiselle tombe sous le charme de Bruce Wayne qui n’est autre que Batman, pendant que Jack Napier, un gangster de Gotham, a fait un petit plongeon dans le bassin d’une usine chimique pour en ressortir en Joker, personnage défiguré et fou à lier (remarquez, niveau folie, Jack Napier en tenait déjà une belle couche).
Sans grande surprise, Joker va vouloir Vicky, le belle fille (blonde) en détresse, et va se battre avec Batman.


Trop de romance et de grosses ficelles et pas assez de noirceur et de profondeur pour que ce Batman prenne place dans mes préférences cinématographiques.
La première apparition de Batman n’est en rien spectaculaire, de plus j’ai eu beaucoup de mal avec l’acteur l’interprétant : Michael Keaton, j’ai du mal à le voir physiquement en Batman/Bruce Wayne, d’autant plus que le côté Bruce Wayne est quasiment occulté.
Pas d’embarras à présenter qui il est ni ce qu’il fait, non, j’ai plus eu l’impression que Tim Burton donnait la part belle à son ami Jack Nicholson pour lui permettre d’exécuter des numéros de claquettes (je grossis le trait) devant la caméra.
Car des numéros du Joker, ça il y en a, mais c’est plus un côté humour grossier que humour dément qui est présenté dans le film.
D’ailleurs, le Joker est presque le personnage principal qui éclipse Batman, mauvaise répartition des personnages dans le scénario, outre le fait que ce Joker ne m’a fait peur ni inquiétée à aucun moment, dommage pour un personnage sensé être un dément diabolique et génial inspirant la crainte à tout un chacun.
J’ai trouvé cette interprétation trop grotesque pour être crédible et je n’ai pu m’empêcher de la comparer à celle de Heath Ledger dans la version de Christopher Nolan.
Au final un personnage plus clownesque qu’autre chose, à la limite du grotesque et sans réelle profondeur psychologique.


Toujours côté casting, c’est Kim Bassinger qui interprète Vicky Vale, loin d’être le personnage féminin le plus connu dans la franchise Batman, un pari audacieux et presque réussi dans le sens où ce personnage est trop marqué « jeune femme en détresse » et stéréotypé pour s’attirer toute la sympathie du spectateur.
Côté scénario, c’est plutôt plat avec de grosses ficelles qui se devinent assez vite et là encore une histoire qui tombe trop dans le stéréotype. Il n’y a pas vraiment de suspens ni d’originalité dans le scénario, j’ai trouvé cela quelque peu décevant, je m’attendais à quelque chose de plus construit et moins évident.
Il y a un petit côté rétro des années 50 dans le film, mais pas toujours bien exploité, dans le sens où j’aurais aimé le voir plus et mieux utilisé pour donner une vraie profondeur visuelle au film.
Au final, la touche Tim Burton se remarque surtout par l’aspect gothique qu’il a donné à son film.


"Batman" de Tim Burton a sans doute été un bon film en son temps pourtant pas si éloigné, mais j’ai trouvé qu’il avait vieilli, pas forcément dans le bon sens, et même si j’ai pris un certain plaisir à le regarder j’en attendais autre chose et au final je suis quelque peu déçue du résultat et pas convaincue par le choix de son acteur pour incarner Batman.
Certains puristes peuvent crier au scandale et à ma bêtise profonde de le comparer parfois avec les films de Christopher Nolan, néanmoins j’ai livré mon ressenti et mon avis sur ce film que je ne regrette tout de même pas d’avoir vu, au moins, j’ai élargi mon horizon cinématographique sur la franchise Batman.

Mildred Pierce de Todd Haynes





Mère de famille de la classe moyenne dans le Los Angeles des années 30, Mildred Pierce doit se battre pour subvenir aux besoins des siens et préserver son rang social. Un combat qui mènera au crime... (AlloCiné)

Mildred Pierce est une sacrée femme : capable de mettre son mari à la porte et de l’expédier chez sa maîtresse, de divorcer et d’élever ses deux filles, de se trouver un travail car il lui faut désormais gagner par elle-même sa vie et surtout, de mettre son orgueil dans sa poche pour commencer comme serveuse.
Mais comme Mildred Pierce est un sacré cordon bleu, elle va passer de serveuse à son propre restaurant vendant exclusivement du poulet, puis à étendre sa franchise à deux autres restaurants.
Pour elle-même ?
En réalité, surtout pour sa fille Veda, ingrate fille éternellement insatisfaite et qui ne se voit que dans le luxe et la reconnaissance pour enfin sortir de son quartier de seconde zone.
J’avais parlé de deux filles, et bien Mildred fera l’amère et douloureuse expérience de perdre sa plus jeune fille brusquement de maladie.


Au final, qu’y gagnera-t-elle ?
Pas l’amour de sa fille, mais elle ouvrira les yeux et comprendra que tout ce qu’elle a fait a toujours été vain car comment se faire aimer par un monstre sans cœur et comment commander l’amour naturel qu’une fille devrait vouer à sa mère ?
Mildred ressortira grandie de cette expérience de plusieurs années et donne ainsi une belle démonstration de féminisme, de courage et d’espoir pour les femmes, y compris celles d’aujourd’hui qui se battent pour vivre, une héroïne intemporelle en quelque sorte.


Mildred Pierce est une femme forte et j’ai été touchée par son histoire, son combat de femme dans la vie quotidienne pour subvenir à ses besoins, mais aussi dans ses rapports avec les hommes, notamment grâce aux sages conseils d’une voisine également amie.
Il y a de la douleur et de la tristesse, mais surtout beaucoup de travail, une valeur en laquelle je crois beaucoup.
Et puis, il y a cette Californie d’après crise de 1929, ce rêve américain qui a échoué pour tant de personnes au milieu de paysages enchanteurs fleurant bon la douceur de vivre et l’indolence.
Pour camper Mildred Pierce, c’est Kate Winslet qui a été retenue.
Dire qu’elle a travaillé ce rôle ne serait pas mentir tout comme dire qu’elle excelle dans son interprétation non plus.
Elle a su se glisser dans la peau du personnage et se l’approprier, elle qui vient du monde du cinéma où la façon de tourner n’est pas tout à fait la même que pour la télévision.
Car c’est là un autre atout de cette série, plutôt que d’en faire un film, c’est un téléfilm en cinq épisodes, ce qui permet de bien développer l’histoire et mettre en place les personnages et leurs caractères.
Car de caractère, ils n’en manquent pas, que ce soit Monty Beragon, l’indolent amant de Mildred Pierce qui se contente de vivre à ses crochets une fois le succès venu, ou l’insupportable Veda, fille bien peu aimante de Mildred Pierce dont le but principal dans la vie est de chercher à rabaisser et nuire à sa mère.
C’est Guy Pearce qui campe Monty Beragon, avec un côté acteur des années 40 il colle parfaitement au rôle et sait donner vie à ce personnage sangsue, tandis qu’Evan Rachel Wood explose dans l’un de ses premiers rôles avec une Veda adulte que j’ai eu envie de baffer à de nombreuses reprises, voire même d’étrangler.


C’est Todd Haynes qui filme cette histoire de femme-mère courage, réalisateur dont j’avais grandement apprécié le très beau "Loin du paradis", mais il est également co-scénariste avec Jon Raymond, d’après le roman de James M. Cain.
C’est très bien écrit, très bien mis en scène et très bien filmé.
Il y a eu un gros travail de recherche pour reconstituer les Etats-Unis des années 30 : niveau maison, voitures, transports en commun etc., ce qui donne des décors magnifiques et une belle reconstitution de cette époque.
Et en voyant cela, je me dis qu’il n’y a bien que les américains pour réussir à faire d’aussi belles reconstitutions et des fictions qui tiennent la route de bout en bout et se regardent avec grand plaisir.
Enfin, il n’y a pas qu’eux, cela serait trop réducteur, mais disons qu’ils en ont le monopole, sans doute parce qu’ils savent et peuvent mettre les moyens financiers derrière.
La musique est elle aussi soignée et s’intègre bien à l’ensemble.



"Mildred Pierce" est un téléfilm remarquable, très agréable à regarder et réussi à la perfection, tant au niveau de l’histoire que par rapport au jeu des acteurs.
Il ne me reste plus qu’à découvrir le roman de James M. Cain et je ne cache pas mon impatience de pouvoir le lire après avoir vu et aimé ce téléfilm.

dimanche 20 janvier 2013

Castle - Tome 1 La dernière aube de Lan Medina, Brian Michael Mendis, Kelly Sue Deconnick


Avant Nikky Hard et son job de consultant pour la police de New York, l’auteur de polars Richard Castle a connu le succès grâce aux aventures de Derrick Storm, détective privé poissard mais tenace. L’écrivain le plus populaire de la télévision voit maintenant Derrick Storm : La dernière aube adapté sous forme de Graphic Novel. Pour la première fois, les fans de la série télé Castle peuvent découvrir l’univers plein de meurtres, de coups fourrés et de femmes fatales de Derrick Storm. (Panini Comics)

Derrick Storm se trouve embarqué dans une drôle d'affaire.
Soit disant engagé par Madame Grout qui soupçonne son mari de la tromper, il manque de se faire descendre dans un camping où il était en planque : "Fauché. Sale. Crevé. Chassé. Ouais, super carrière.", pour être approché par la CIA qui lui demande un coup de main sur une affaire : "Dès que vous voudrez m'impressionner plutôt que chouiner, on s'y met.", et comme Derrick Storm ne peut rien refuser à une belle femme, il se trouve embarqué à l'étranger avec la CIA en plein milieu d'un règlement de comptes : "Bon, il y a du progrès. Au lieu de me faire courser par des malades armés jusqu'aux dents dans un camping je suis là, à l'étranger à essayer de retrouver l'endroit où j'aurais peut-être vu une blonde inconnue qui reste ma seule et unique piste. Est-ce que j'ai mentionné le fait que j'ai perdu mon portefeuille et mon passeport et qu'un méchant James Bond a promis qu'il me dessouderait s'il me revoyait ?".

Castle n'est pas qu'une série télévisée, la franchise s'étend désormais à des romans signés Richard Castle (et bien malin qui peut dire qui se cache derrière ce pseudonyme) et également à un comic qui met en scène Derrick Storm, le personnage créé par Richard Castle avant Nikki Hard.
J'aime beaucoup la série télévisée, j'ai donc décidé de me laisser tenter par ce comic pour voir ce que cela donnait ainsi que pour découvrir ce qu'était un comic.
Je vais être honnête, ça reste très commercial et ça ne casse pas trois pattes à un canard.
L'histoire policière est banale, ça se suit avec un petit plaisir mais l'intrigue est inexistante et c'est fort regrettable pour une histoire qui se revendique comme policière.
Dire qu'il y a deux scénaristes : Brian Michael Mendis et Kelly Sue Deconnick, à l'origine de ce comic, cela ne ressent pas à la lecture, sauf s'ils ont travaillé sur ticket de transport, dans ce cas c'est réussi.
Le personnage de Derrick Storm est loin d'être attachant, il relève même du casse-pied sur certains aspects : trop sûr de lui, obnubilé par des futilités, n'écoutant rien de ce qu'on lui dit et se montant vite la tête.
En fait, c'est une forme de Richard Castle en comic, sans le petit côté charmeur et drôle du personnage écrivain, un ersatz pas trop réussi.
Le seul point positif, c'est la forme comic de l'histoire, genre que je découvrais, et la qualité des dessins de Lan Medina ainsi que la mise en couleur.
C'est bien la seule chose qui relève le niveau de ce livre.

"Castle - La dernière aube" est un dérivé de la série Castle proposant une adaptation sous forme de comic du personnage de Derrick Storm.
Le résultat est plutôt décevant : une intrigue inexistante, un personnage peu charismatique, seule la qualité du graphisme vient relever un peu l'ensemble.

samedi 19 janvier 2013

Le meurtre de Farewell de Dashiell Hammett


On connaît la célèbre formule de Raymond Chandler, qui résume si bien l'originalité de cet auteur : "Hammet a sorti le crime du vase vénitien et l'a laissé tomber dans la rue". 
"Le Meurtre de Farewell", tiré du "Dixième indice", illustre à merveille le talent sobre et dépouillé de l'un des maîtres de la littérature noire. (Mille et une nuits)

"Le meurtre de Farewell" est une nouvelle dont l'idée de base est la suivante : Monsieur Kavalov se sentant menacé de mort par l'un de ses voisins, le capitaine Sherry : "Eh bien, il m'a dit qu'il était venu me regarder mourir. Venant de lui, sa façon de le dire, c'était une menace.", fait appel aux services d'un détective privé pour le protéger, ce qui tombe plutôt bien car sur la route qui l'amène à la demeure ce dernier va entrapercevoir un corps sur la route :  "Tout portait à croire, me dis-je, que Mr. Kavalov avait besoin d'un détective.".

Les bases sont jetées, il s'agit d'un polar qui, comme dans "Le faucon de Malte" se déroule en quasi huis clos.
Il y a un peu d'actions mais l'essentiel se situe dans les dialogues et dans les interactions des personnages entre eux.
Dashiell Hammett a choisi une narration à la première personne du singulier, permettant ainsi au lecteur de s'intéresser de près à son personnage de détective privé et à l'enquête qu'il va mener.
Du point de vue des repères spatio-temporels, l'auteur nécessite pas à donner des détails sur le temps qui passe, donnant ainsi de la vie à son récit.
Par contre, du point de vue géographique cela reste trop flou.
L'histoire se passe en Californie, apparemment dans la région de San Francisco, mais l'auteur ne s'attarde pas sur ce détail et j'ai trouvé cela quelque peu dommage car au final cette histoire aurait pu se passer n’importe où alors que les Etats-Unis sont un pays plutôt bien pourvus en zones géographiques distinctes avec chacune un caractère et des spécificités.
Du côté de l'intrigue, elle est bien construite et ne peut commencer à se deviner que vers la fin, j'avoue avoir craint un instant que le serpent ne se morde la queue.
Au final, l'intrigue ne m'a pas déçue et elle illustre bien le roman noir dont Dashiell Hammett a été le fondateur et un spécialiste reconnu par ses pairs.

"Le meurtre de Farewell" est une nouvelle noire construite de façon intelligente et dont le mécanisme fonctionne à la perfection de telle façon que le pantin ne surgisse de sa boîte qu'à la toute fin du récit.
Un moment agréable de lecture pour continuer ma découverte de Dashiell Hammett.

Le faucon de Malte de Dashiell Hammett


Beaucoup auraient remué ciel et terre pour se l'approprier, ce faucon. Certains y avaient déjà laissé leur peau. Le détective Miles Archer lui-même y était resté. Il n'était pas de taille à lutter contre le trio équivoque que formaient l'efféminé Joël Cairo, l'éléphantesque Gutman et son jeune protégé Wilmer. Mais l'associé de Miles, Sam Spade, rusé, tenace, entreprenant jusqu'au cynisme, les manoeuvre comme des enfants. Il esquive même de justesse les pièges que lui tend Brigid O'Saughnessy, la fausse ingénue, et touche au but. Mais saura-t-il tirer profit de cette victoire ? (Gallimard)

Bienvenue dans le San Francisco noir, où les cadavres sont semés le long des routes tandis que quatre personnes courent après un mystérieux faucon pour se l'approprier.
Même le détective Miles Archer y a laissé sa peau, pourtant il ne semblait pas facile à berner bien qu'alléché par l'ingénue (ou pas) Brigid O'Saughnessy aka Miss Wonderly.
C'est Sam Spade, son associé, qui reprend l'affaire en main, et avec lui, pas question de le berner ni même de l'énerver, San Francisco c'est chez lui, son territoire : "Peut-être auriez-vous pu réussir sans moi si vous m'aviez fichu la paix. Maintenant, c'est trop tard. Pas à San Francisco. C'est oui ou non; et tout de suite.".
La gent féminine a apparemment des avis bien tranchés sur ce Sam Spade, pour Brigid O'Saughnessy c'est un homme à séduie et à berner, pour Effie Perine, sa secrétaire c'est : "Sam Spade, tu es le plus beau salaud de la création - quand tu veux t'en donner la peine. Parce qu'elle a agi sans te consulter, tu restes là sans bouger, alors que tu sais qu'elle est en danger, qu'elle pourrait être ...", c'est en tout cas un personnage avec de l'envergure et qui ne laisse pas indifférent.

"Le faucon de Malte" est un policier dans la pure tradition du polar noir, avec un détective haut en couleur, avec de l'esprit et de la gouaille, toujours à la limite de la légalité et de l'illégalité, gravitant autour de belles femmes dont certaines sont fatales et de mauvais garçons.
L'auteur a réussi à créer parfaitement cette atmosphère de noirceur qui ne quitte jamais le lecteur, et si ce dernier avait encore quelques doutes le caractère polar du récit il n'y a qu'à voir le vocabulaire employé par l'auteur pour comprendre tout de suite où on a mis les pieds : "T'as filé comme un pet sur une toile cirée." et ceci pendant tout le récit.
J'ai beaucoup apprécié ce côté polar noir que j'ai trouvé bien maîtrisé de bout en bout ainsi que le personnage de Sam Spade, imprévisible avec un côté cynique, ainsi que les autres personnages : Joel Cairo, un voleur effeminé, Gutman et son jeune protégé Wilmer, la vaillante et si dévouée Effie Perine et la mystérieuse Brigid O'Saughnessy.
Néanmoins, c'est un polar à l'ancienne et l'action a plus lieu dans les échanges verbaux que dans les faits.
Tout se joue dans des scènes en intérieur, entre les personnages, le lecteur n'est à aucun moment maître de la situation et il ne peut pas se forger une idée sur le coupable car il y a des retournements de situation qui interviennent systématiquement en fin de chapitre.
Cela m'a quelque peu déroutée dans ma lecture et je reconnais que je n'ai qu'à moitié apprécié le fait de tout découvrir dans des dialogues, les personnages sont trop indéterminables et versatiles pour que le lecteur puisse à un moment donné les saisir au vol.
De plus, le manque de réelle action fait que le récit reste trop linéaire et plat.
Dans le fond, il n'y a pas de véritable intrigue, d'autant plus que le faucon dont il est question apparaît tardivement dans le récit pour retomber très vite tel un soufflé raté.
Enfin, l'intrigue se situe à San Francisco et je regrette que cette ville soit si peu présente dans l'histoire.
Tout d'abord pour la raison évoquée ci-dessus : pas d'action en plein air tout se joue en intérieur confiné, ensuite parce que j'aurais aimé découvrir les bas-fonds de San Francisco ou a minima une ambiance, là, il ne se dégage rien du récit et l'histoire aurait presque très bien pu se passer dans une autre ville des Etats-Unis.

"Le faucon de Malte" est intéressant à lire pour le côté polar noir des années 30 à 50 mais son intrigue uniquement verbale et concentrée dans des salons déroutent le lecteur et font que ce livre a quelque peu vieilli, c'est en tout cas mon ressenti bien que je sois décidée à lire d'autres romans de cet auteur pour continuer à découvrir son univers.
Et puis, il faudrait aussi que je visionne la version cinématographique avec Humphrey Bogart.

Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre H



Livre lu dans le cadre du challenge Lettres San Franciscaines

Dans la ville des veuves intrépides de James Cañón


Baroque, foisonnante, éblouissante de fantaisie, la chronique tragico-burlesque d'une bourgade perdue au fin fond de la Colombie. Un roman brillant, inventif, hilarant, par le fils spirituel de Garcia Marquez et de Vargas Llosa. 
Depuis ce jour où les guérilleros ont débarqué et réquisitionné tous les hommes du village, Mariquita tombe en ruine. Seules, livrées à elles-mêmes, les femmes ne savent plus à quel saint se vouer. Qu'à cela ne tienne. De ménagères soumises, d'épouses dociles, les femmes vont se transformer en leaders politiques de choc, instigatrices flamboyantes d'un nouvel ordre social. Ainsi, les très moustachues soeurs Morales décident de remédier à leur condition de célibataires frustrées en créant un bordel ambulant ; Francisca, la veuve d'un grippe-sou notoire, mène la grande vie après avoir découvert le magot de son mari. Et surtout, Mariquita peut compter sur la tenace Rosalba, la veuve du brigadier, auto-proclamée maire, et sur le padre Rafaël, seul rescapé de la gent masculine, qui n'hésite pas à se porter volontaire pour assurer la procréation de la nouvelle génération... (Belfond)

Un jour, les guérilleros sont venus dans le village de Mariquita perdu au fin fond de la Colombie, ils ont pris tous les hommes et depuis : "Son Mariquita chéri s’était mué en un village de veuves dans un pays d’hommes.".
Il ne reste que les femmes, quelques enfants et le prêtre : "Un village habité par des femmes courageuses vivant en autarcie, qui travaillaient la terre du lever au coucher du soleil, et qui ne baisseraient jamais les bras, pas même dans les situations les plus épouvantables. Un village laissé à l'écart par les maladies et les tragédies, oublié par la mort.".
Il va leur falloir apprendre à vivre dans cette nouvelle communauté, à s'organiser, à apprivoiser leurs pulsions sexuelles car forcément, cette absence d'hommes va finir par peser sur toutes ces femmes.
Ainsi, les soeurs Morales vont mettre en place un bordel ambulant tandis que les filles du bordel de Mariquita vont finir par déserter ce village, le prêtre va se proposer comme géniteur pour repeupler Mariquita et permettre à une nouvelle génération de voir le jour, pour qu'au final toutes ces femmes finissent par se découvrir des affinités entre elles, et tant pis pour la génération future de Mariquita.
Les femmes vont réfléchir sur les hommes et sur leurs rapports avec ces derniers : "Finalement, les douze jeunes filles en arrivèrent à la conclusion que Dieu leur avait donné deux yeux pour mieux regarder les hommes, deux oreilles pour mieux entendre ce que les hommes auraient à dire, deux bras pour les embrasser et deux jambes pour les enlacer mais un seul coeur à offrir. Les hommes, quant à eux, aimaient avec leurs testicules, et Dieu leur en avait donné deux.", devoir apprendre à composer, créer une nouvelle communauté avec de nouvelles règles.

Dans son récit fantaisiste, James Cañón repousse les limites du possible en proposant le quotidien sur plusieurs années de cette bourgade de Colombie.
Il donne vie à une communauté de femmes peuplée de caractères aussi divers que variés avec comme personnage moteur celui de Rosalba, auto-proclamée maire de Mariquita.
Des erreurs, elle va en commettre énormément, elle ne va presque d'ailleurs faire que ça, prendre de mauvaises décisions, faire des listes et des listes de priorités pour ne jamais rien commencer, se laisser manipuler par le prêtre.
Au final, c'est le personnage qui évolue le plus et qui apprend sans doute le plus de ses erreurs, même si dans une certaine mesure elle continue à se montrer tyrannique sur certains aspects.
Dans une forme de communisme, elle proposera à la communauté de mettre tous leurs biens en commun, que chacun travaille à la production de quelque chose, et dans l'esprit de la Révolution Française elle va imposer une nouvelle mesure du temps, un nouveau calendrier.
C'est le personnage qui représente l'aspect politique du livre.
A contrario, Julia est celui qui condense l'essentiel de la féminité.
Chaque femme, chaque portrait peint par l'auteur touchent le lecteur.
Elles ont toutes un petit quelque chose qui plaît, qui intéresse, qui amuse, il n'y a pas une histoire identique, il y a une multitude d'histoires qui finissent par se télescoper pour faire un tout.

L'autre aspect particulièrement développé par l'auteur, c'est le féminisme.
Il présente dans son histoire des femmes plus débrouillardes que les hommes, qui prennent des décisions, savent s'imposer et finissent par très bien se passer des hommes dans leur vie quotidienne, à commencer par le prêtre, véritable serpent tenté par la chair et qui finit par sombrer dans une folie meurtrière : "Mais votre Dieu n'habite pas dans ce village, padre [...] Il nous a lâchées, et vous êtes vraiment têtu pour continuer à croire en lui.".
Pourtant, il n'abandonne pas complètement les hommes puisque l'auteur ponctue chaque chapitre par le témoignage d'un homme, guérillero, militaire ou paramilitaire.
L'amour ne leur est pas non plus interdit, comme le démontre la très belle histoire entre Santiago et Pablo, sans doute celle qui m'a le plus émue.

Enfin, cette histoire s'illustre par un côté fantaisiste et c'est sans doute sur ce point que j'aurai quelques remarques à faire.
C'est un aspect que j'ai aimé mais je trouve que l'auteur aurait pu aller beaucoup plus loin dans cette fantaisie et qu'il s'est trop retenu, ce qui fait qu'au final je ne sais trop comment classer son roman.
Par exemple, lorsque les jeunes garçons atteignent l'âge du duel qui devra les départager entre celui qui choisira sa femme et ceux qui seront utilisés comme mâles reproducteurs ils se réveillent tous en croyant qu'ils sont en train de se transformer en femme : l'un a des seins, l'autre ses règles; au final, j'ai compris que ce n'était que le reflet de leurs peurs mais j'aurai préféré y voir une réelle audace de l'auteur, une vraie transformation en fille pour que ces garçons s'adaptent en quelque sorte à la nouvelle Mariquita, comme le personnage de Julia anciennement Julio.
Là, l'auteur se contente de le fantasmer et de passer assez vite à autre chose, comme s'il était peu sûr de lui sur un terrain inconnu.

Roman féministe, loufoque, avec des situations cocasses et des moments plus tristes, "Dans la ville des veuves intrépides" est un premier roman qui ne se démarque pas par une originalité hors du commun mais il y a tout de même quelque chose dans la plume de James Cañón qui interpelle le lecteur et ne le laisse pas insensible à cette histoire de femmes qui réinventent le temps et la vie du petit village de Mariquita en plein coeur de la Colombie.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices.

vendredi 18 janvier 2013

Main dans la main de Valérie Donzelli




Quand Hélène Marchal et Joachim Fox se rencontrent, ils ont chacun des vies bien différentes. Hélène dirige la prestigieuse école de danse de l’Opéra Garnier, Joachim, lui, est employé d’un miroitier de province. Mais une force étrange les unit. Au point que, sans qu’ils puissent comprendre ni comment, ni pourquoi, ils ne peuvent plus se séparer. (AlloCiné)

Après le magnifique et bouleversant "La guerre est déclarée", Valérie Donzelli fait son retour au cinéma avec son nouveau film "Main dans la main".

Sujet audacieux que Valérie Donzelli a filmé, celui de la rencontre entre Hélène Marchal dirigeant l'école de danse de l'Opéra Garnier et Joachim employé d'une miroiterie à Commercy.
Tout les oppose, pourtant après un baiser ils se retrouvent inséparables, à faire les mêmes mouvements et à aller dans la même direction.
Si ça ce n'est pas du coup du foudre.




Ce film de Valérie Donzelli pourrait s’inscrire dans la catégorie OFNI – Objet Filmé Non Identifié tant il brille par son côté décalé qui vient bousculer le petit monde paisible du cinéma français.
Valérie Donzelli ose bousculer les codes et ça lui réussit.
Elle propose une histoire d’amour sur fond fantastique, l’amour fou qui lie deux êtres l’un à l’autre et les rend indissociables l’un de l’autre, et si ses personnages ne chantent pas (et encore il y a exception pour la chanson de fin) ils dansent.
Esthétiquement, son film est réussi et travaillé à la perfection.
Les scènes mimées entre les personnages de Hélène et Joachim sont bien synchronisées, cela déclenche du burlesque, notamment toute la déambulation dans l’Opéra Garnier alors que ces deux personnages viennent d’être collés l’un à l’autre, ainsi que de belles scènes chorégraphiées.
Car il n’y a pas que la danse dans ce film, il y a aussi ce jeu de marionnettes pour les deux personnages principaux qui a sûrement nécessité beaucoup de travail pour arriver à un tel résultat.
Côté burlesque, le film regorge de scènes qui en sont des petites pépites, qu’il s’agisse de Jérémie Elkaïm en tutu au milieu de jeunes filles dans un cours de danse de Valérie Lemercier ou de Valérie Donzelli en robe légère tenant à montrer sa chorégraphie avec son voisin (en short) sur une chanson de Bonnie Tyler.


J’ai d’ailleurs trouvé que ce film se divisait en deux parties, la première, et sans doute la plus longue, est plus orientée vers des situations comiques, puis elle finit par amorcer une descente vers le drame tandis que la deuxième est vraiment ancrée dans ce genre, avec l’affrontement de deux solitudes, la maladie d’un proche, et la rupture entre Joachim et sa sœur Véro.
On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, et bien pour cette histoire il en est de même. Jusqu’à présent Joachim a vécu une relation fusionnelle avec sa sœur, le fait de se retrouver collé à une femme qui est à son opposé va finir par le libérer.
Car, comme toute histoire d’amour dans un conte, la femme et l’homme n’ont pas grand-chose en commun, ici c’est l’alliance de la parisienne chic avec le provincial modeste.
Pourtant, au contact l’un de l’autre ils vont finir par se découvrir, par s’apprécier.
L’une des plus belles scènes du film est sans doute celle où Joachim fait à Hélène une chorégraphie de Pina Bausch, parce qu’il avait trouvé ça joli.
C’est l’un des moments clés du film qui marque le basculement des sentiments de ces deux personnages l’un envers l’autre.


L'autre atout indéniable du film, c'est le casting, avec des acteurs jouant très justement et véhiculant beaucoup d'émotions.
Valérie Donzelli offre de beaux rôles à ses acteurs, elle doit apprécier Valérie Lemercier dans la vie, en tout cas c'est le sentiment que j'ai eu en voyant le rôle qu'elle lui a offert.
Quant à Jérémie Elkaïm, elle lui offre de nouveau un très beau rôle lui permettant d'exprimer toute une palette de sentiments devant une caméra.
Jérémie Elkaïm est d'ailleurs à mon avis un acteur trop peu utilisé, hormis dans les films de Valérie Donzelli et  de "Polisse" je trouve que le cinéma français lui accorde peu de place et c'est bien dommage.
Il est de plus difficilement indissociable de Valérie Donzelli, comme précédemment ils ont tous les deux co-écrits le film et restent proches dans la vie quotidienne.
C'est un duo qui fonctionne bien, à l'écriture comme à l'écran.

J’ai retrouvé la « patte », la marque de fabrique de Valérie Donzelli : elle agrémente son film de scènes filmées avec grain d’image, comme un film de famille projeté lors d’une soirée, ainsi qu’un narrateur, le même d’ailleurs que pour son précédent film, qui intervient dans l’histoire, pour prendre parfois le relai et faire accélérer temporellement le film.
Quant à la bande originale, elle est toujours particulièrement soignée, celle-ci ne fait pas exception à la règle.
Outre les airs de musique classique attribués au personnage de Hélène Marchal elle offre plus de modernité à ceux pour Joachim, glisse quelques chansons et confie le reste de la création à Peter von Poehl.


Néanmoins, je trouve que l’histoire s’essouffle avant la fin et fait un peu trop de surplace.
Déjà que le film n’est pas long, Valérie Donzelli a épuisé un peu trop rapidement son idée.
Dommage car elle regorge d’idées toutes plus intéressantes les unes que les autres.
C’est le défaut de ce film, une histoire qui part sur les chapeaux de roue et qui retombe d’elle-même, la fin ne rattrape pas ce sentiment de manque que j’ai pu ressentir.
Je trouvé également que la réalisatrice a été trop bavarde par moment avec l’utilisation de la voix de narration, elle est utilisée un peu trop inégalement dans le film et de façon trop condensée d’un seul coup.

Main dans la main comporte quelques défauts et quelques maladresses néanmoins, j’en retiens son côté burlesque et novateur, dans lequel Valérie Donzelli ose bousculer l’ordinaire pour livrer un conte tragi-comique dont l’amour est le point d’orgue.
Et il va falloir que je visionne dès que possible La reine des pommes, car Valérie Donzelli m’apparaît comme bien prometteuse dans le cinéma français et continuera à faire parler d’elle, à surprendre le spectateur et à se renouveler à chaque film.


mardi 15 janvier 2013

Valérian Tome 10 Brooklyn station terminus Cosmos de Jean-Claude Mézières et Pierre Christin


Valérian, le plus grand space-opéra publié par des auteurs français, nous entraîne dans un monde et un futur lointains. Le duo est constitué d'agents spatio-temporels : Valérian et Laureline. C'est à bord d'un vaisseau affrété par Galaxity, capitale de l'Empire Terrien, qu'ils se déplacent pour vivre des aventures hautes en couleur. Les scénarios font d'habiles clins d'oeil à notre époque, mettant en scène tyrans et dictateurs, souvent bien proches de ceux de notre 20ème siècle. Le dessin est classique mais doué d'une fantaisie qui donne une saveur rarement égalée aux créatures monstrueuses ou sympathiques que croise Valérian. Grâce à des histoires formidablement inventives, les auteurs de Valérian ont su séduire le public le plus large possible depuis 1967, année de création de cette série pour l'hebdomadaire PILOTE. (Dargaud)

Voilà que Valérian s'est fait la belle avec une inconnue, qu'il vient de passer la nuit avec elle pendant que Laureline essaye de démêler la situation dans la constellation de Cassiopée et qu'elle fait pour sa part tout un tas de rencontres peu charmantes : "Je crains que tu n'aies même pas compris que la ceinture d'Elsinn est assurément un endroit dangereux ... très dangereux en réalité puisqu'en continuant à enquêter sur mon désintégrateur oublié, j'ai été attaquée par la secte des Rapolinks ... misogynes absolus réfugiés sur un rocher sinistre, ils détectent on ne sait comment tout ce qui est femelle et le pourchassent jusqu'à la mort.", d'où elle réchappe : "Mais seulement pour être ensuite lapidée par un gang de malfrats qui pratiquent assez agressivement la télétransportation du caillou pointu." pour finalement s'en sortir et réussir à contacter Valérian le joli coeur : "Un miracle en effet, mais qui m'a tout juste valu de manquer être bouffée crue pendant une réparation extérieure par les infects chiens de l'espace dressés par d'autres voyous extradés de toutes les planètes de Cassiopée.".
"Pas mon habitude de philosopher ainsi, mais avec ces mises en phase, cet oiseau, que sais-je encore, je ne suis plus tout à fait moi-même.", allez, on va dire que c'est ça mon pauvre Valérian.

"Valérian et Laureline" est clairement une bande dessinée féministe, dans ce dixième volume c'est encore une fois Laureline qui vient en aide à Valérian et qui le met en garde, ce garçon étant décidément bien incapable de se gérer par lui-même.
Et c'est qu'elle n'est pas commode la petite Laureline, non seulement elle emprunte une tenue deshébillée à une amie maquerelle pour piéger les deux méchants mais j'ai senti poindre la jalousie et m'est avis que Valérian a passé un sale quart d'heure à son retour : "J'espère même que ça te fera réfléchir parce que toi, tu rentres par tes propres moyens et par le plus court chemin dès que j'en aurai terminé ... inutile de te dire que j'attends quelques explications. Il n'y a pas que sur les fusées closes de Cassiopée que sévissent d'horribles grognasses.".
Il quitte rapidement la France pour Brooklyn, toujours accompagné de Monsieur Albert, car la clé de l'énigme serait dans cette ville, pas totalement inconnue pour Valérian puisque l'action s'y situait déjà dans le premier volume de la série.
Cette fois-ci les auteurs choisissent de nous montrer le quartier de Brooklyn et quasi exclusivement de nuit.
Du côté du scénario, l'histoire est relativement bien ficelée et il n'y a pas de bavardages inutiles dans ce volume.
La résolution de l'intrigue intervient assez vite mais c'est surtout la fin qui est surprenante, du point de vue d'une révélation de Monsieur Albert mais également sur le plan esthétique, je la trouve d'ailleurs assez réussie.
Les graphismes sont réussis et il y a de belles scènes d'actions, l'opposition entre passé et présent étant aussi bien faite que dans le volume précédent.

"Brooklyn station terminus Cosmos" est la parfaite suite de "Métro Châtelet direction Cassiopée" et renoue avec les éléments qui ont fait le succès des premiers volumes de cette série : un scénario qui tient la route, des graphismes réussis et imaginatifs.
La tenue de l'intrigue en deux volumes est également un point qui m'a plu, qui m'a réconciliée avec cette série et m'a donné envie de lire les volumes suivants.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD - Bandes dessinées de l'Imaginaire de Babelio


Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2013